Un observateur politique de la région, M. Alex Muhumuza, s’étonne de voir qu’une certaine opinion publique faite d’analystes politiques et de journalistes croient que la question des relations rwando ugandaises froides en ce moment sont une question de deux chefs d’Etat Paul Kagame et Yoweri Museveni.
Pour lui, cette question se pose très mal par ceux-là. Pour lui, ce n’est pas une question d’Etat qui peut être réglée par la volonté politique si l’un des deux chefs d’Etat y consentait. Pour lui c’est une question de principe. Une question de volonté ferme d’indépendance dans la gestion des affaires publiques rwandaises qui n’est pas acceptée par l’Uganda soucieux de prendre le Rwanda comme son autre province.
Cet analyste remonte au lendemain de la guerre de libération du Rwanda par les troupes du FPR/Front Patriotique Rwandaise et du génocide des Tutsi de 1994. Il montre que ce souhait des autorités ugandaises s’est manifesté pour la première fois quand le président ugandais Yoweri Museveni a essayé d’ instrumentaliser l’ancien Président Pasteur Bizimungu (1994-2000) du Rwanda lui enjoignant d’écarter son alors encombrant vice président Paul Kagame.
« Le Rwanda a ses principes de gouvernance dont le maître d’oeuvre est l’actuel président du Rwanda. Ce sont des principes d’indépendance. Le Rwanda ne sera jamais une partie ( province) dirigée par Yoweri Museveni. La question ne relève donc pas de l’incompatibilité de caractères entre deux personnalités politiques. C’est une question de relations entre deux Etats », écrit Alex Muhumuza qui, en passant, montre que déjà à peine sorti de la guerre de libération du Rwanda par le FPR en 1994, « Museveni voulait ordonner des nominations de personnalités qui devaient entrer dans le Gouvernement rwandais. Il ne cachait pas non plus cette tendance à voir des Ugandais déferler sur le Rwanda à la recherche de marchés publics dans la pagaille autant que cela se faisait et se fait encore en Uganda ».
« Ayant vu que les toutes nouvelles autorités rwandaises tenaient à leur indépendance et qu’elles étaient virulentes contre cette ingérence, Museveni a commencé à semer la zizanie entre les dirigeants rwandais pour mieux les gouverner », écrit Muhumuza poursuivant plus loin :
« Museveni a commmencé à donner des instructions à l’alors président Pasteur Bizimungu du Rwanda. C’était en 1996, alors que les Présidents Pasteurs Bizimungu et Yoweri Museveni se dirigeaient vers Butare pour rencontrer les étudiants de l’Université Nationale du Rwanda, Museveni a débattu avec son homologue rwandais de la nécessité d’écarter le Vice Président Paul Kagame qui devenait de plus en plus un obstacle à son projet », écrit l’analyste citant un fonctionnaire d’alors à la Présidence de la République URUGWIRO.
Après l’an 1998, Museveni a continué à entretenir une communication directe avec celui qui était le Chef d’Etat Major du Rwanda, Kayumba Nyamwasa, au mépris de toute forme de communication diplomatique. Celui-ci est tombé dans le panneau et il est devenu un instrument de ce Chef d’Etat étranger qui voulait arriver à ses fins, rapporte l’analyste Muhumuza.
Ce dernier montre que généralement une communication diplomatique
obéit à la hiérarchie. Le Chef d’Etat Major de l’Armée rwamdaise,
Kayumba Nyamwasa, devait donner rapport du contenu de ces entretiens à
son ministre de la Défense et Vice Président Paul Kagame.
Museveni a réussi sa politique de Divide and Rule
D’autres témoins de ces années-là confient que réellement l’alors vice Président Paul Kagame bloquait le souhait de l’Uganda à gouverner le Rwanda comme une autre province ugandaise au point qu’il était devenu une personne à abattre. Museveni agissait par personnes interposées pour écarter Kagame de sa Vice présidence et Ministre des armées. Il voyait que cet « homme fort » de Kigali concevait tous les principes de gestion d’une société rwandaise indépendante de l’ugandaise.
« Museveni a instrumentalisé le Gén. Nyamwasa au point que celui-ci a inventé un stratagème pour écarter Kagame et le mettre à l’abri. Cela signifiait en fait un coup d’Etat caché. Comment a-t-il procédé ? Il a appelé les hauts commandants de l’armée pour leur signifier que le Commandant suprême Kagame commençait à se fatiguer au point qu’il promouvait les ex-FAR (Armée gouvernementale sous Habyarimana 1973-1994) aux postes importants dont le tout nouveau Ministre de l’Armée, Gén. BEM Habyarimana. Nous devons l’enfermer dans une pour qu’il s’y repose un instant et qu’il réfléchisse bien, aurait-il dit le Gén. Nyamwasa à ses subalternes », raconte ce témoin qui a requis l’anonymat et montrant que peu la scène se passaity peu après que Kagame avait été plébiscité Président de la République, remplaçant ainsi le Président intérimaire Bizimungu.
Ce témoin rapporte qu’un participant à la réunion secrète est vite
sortie pour les lieux d’aisance, qu’il a vite appelé Kagame afin qu’il
envoie la Police Militaire pour disperser la réunion.
Le coup aurait échoué de cette façon-là, a dit ce témoin montrant que
depuis lors, ce général n’a plus eu la confiance de son chef et que
Museveni a continué à tisser son puzzle criminel pour éliminer son
ancien Dauphin Kagame.
L’analyste Muhumuza rapporte que le Président Museveni entretient une jalousie maladive contre son dauphin Kagame et ses troupes qui ont accompagné avec satisfaction le vieux Laurent Désiré Kabila à Kinshasa au cours de l’avancée d’AFDL/Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo.
« La prise de Kinshasa par les troupes rwandaises et AFDL a sonné désagréablement dans les oreilles de Museveni surtout que ses troupes n’ont pas pris part à cette guerre de libération du Congo. Elles préféraient rester à l’arrière garde », écrit Muhumuza.
Cet analyste remonte à la guerre du Congo 2 montrant un Uganda soucieux de positions stratégiques sur la Ville de Kisangani lui permettant de piller le bois et l’or congolais au lieu de comprendre qu’il devait prioriser les objectifs militaires.
L’analyste Muhumuza va plus loin et montre que la question de manque
de légitimité du Président Museveni « parfaitement rwandais » continue à
peser dans les relations rwando ugandaises.
Museveni est pris pour un intrus en Uganda, écrit-il montrant qu’il se
revendique Munyankole sans véritable base, que c’est pour cette raison
qu’il cherche un dirigeant rwandais docile qui pourrait être
instrumentalisé facilement par lui.
« Pour arriver à ce projet, Kagame a composé avec tous les dissidents rwandais aux vélléités génocidaires dont l’ancien ministre rwandais de l’Intérieur Seth Sendashonga qui,en 1998, en fuite à Nairobi, avait commencé à rassembler les anciens génocidaires avec un appui des hauts gradés ugandais dont le général Salim Saleh, le demi frère de Museveni », écrit Muhumuza montrant que le contentieux rwando ugandais est tellement vieux qu’il serait naîf de croire qu’à cette période il peut se dissiper.
Mais cet écrivain peut heuresement se tromper car les intérêts de l’Etat ugandais sont supérieurs à l’égo du Président Museveni. Il faut toujours espérer quelque heureux événement qui viendrait changer la donne. L’opinion ugandaise n’est pas dupe. Elle voit nécessairement que le Rwanda tente d’éviter toute provocation de la part de son voisin de l’Est.
Les printemps arabes et les manifestations pacifiques de protestation au Burkina Faso ont montré que la rue est capable de beaucoup de choses une fois qu’elle est disciplinée et pacifique.
Et puis, qui sait ? La raison peut prendre le dessus chez les leaders ugandais qui fléchiraient les commandants des mouvements armés rwandais opérant en Uganda pour ordonner leur dissolution. En politique tout peut arriver. Museveni pourra peser dans la balance et décider du retour à une parfaite entente avec son voisin de l’Ouest Kagame. En cela il aura conclu que durant ces 25 dernières années, il lui aura été incapable de tromper la vigilance de son ancien chef des renseignement militaires qui n’accepte pas qu’on prenne son pays comme un nain.
Redigé par Jovin Ndayishimiye Le 12 décembre 2019