C’est avec des images de véhicules en flammes, de bases attaquées et détruites par la foule en furie, de manifestants réclamant le départ des Casques bleus que la Monusco a « célébré » le 20eme anniversaire de son intervention en République démocratique du Congo.
Dans le périmètre que les Congolais appellent désormais le « triangle de la mort » et qui s’étend désormais de Beni en Ituri jusqu’à Goma, au Nord Kivu, l’opinion accuse, en vrac, la Monusco de non assistance à civils en danger, d’inefficacité voire de complicités diverses avec les groupes armés. A l’occasion d’une rapide visite à Beni, menée sous très haute surveillance, le sous secrétaire général de l’ONU Jean-Pierre Lacroix, chargé des opérations de maintien de la paix, a défendu la Monusco et répété qu’elle assisterait l’armée congolaise dans son offensive dirigée contre les groupes rebelles ADF d’origine ougandaise. Il a aussi demandé à la population « de ne pas se tromper d’ennemi ».
1. Comment expliquer un mois de massacres ?
Les tueries de civils qui ont fait plus de 100 morts autour de Beni, coïncident avec le début des opérations, menées par l’armée congolaise, désireuse de supprimer les bases des rebelles établies dans les forêts et aux abords du parc des Virunga. Cette opération avait été décidée par le président Tshisekedi qui avait même promis d’installer son gouvernement à Beni ( !) et l’offensive annoncée longtemps à l’avance a permis aux groupes armés d’organiser des manœuvres de dissuasion. La première d’entre elles a été de ramener la guerre, et donc l’armée, vers les villes : c’est dans la périphérie de Beni, à Oicha, à Kamanda qu’ont eu lieu des pires tueries. Ces massacres ont permis de saper la confiance en l’armée mais surtout de désigner la Monusco, et derrière elle, la « communauté internationale » comme bouc émissaire.
2. Qui sont les rebelles ADF ?
Installés en Ituri depuis un quart de siècles, les ADF (Allied democratic forces) étaient initialement composés de réfugiés ougandais hostiles au président Museveni. Depuis lors, ce dernier s’est ostensiblement désintéressé de ces opposants considérant qu’il s’agissait d’un problème « congolais » ! De fait, au fil, des années, les ADF ont conclu des alliances diverses avec les populations locales : des mariages, des accords commerciaux portant sur l’exploitation des ressources (l’or, le bois, les minerais…), alliances scellées aussi par des politiciens congolais désireux de pouvoir ainsi conquérir ainsi une place au sein des pouvoirs locaux voire nationaux. Les ADF sont aussi devenus les avant postes de groupes jihadistes opérant depuis le Kenya et la Tanzanie.
3.Quelles sont les faiblesses de la Monusco ?
Les détachements opérant en Ituri et originaires du sous continent indien font face à de nombreuses accusations : accointances d’ordre religieux avec des groupes armés musulmans, prosélytisme passant par le financement de mosquées et la distribution de bourses permettant d’étudier dans des pays musulmans, complicités diverses avec des trafiquants de minerais. Le plus lourd reproche est la passivité face aux massacres et désormais, militants de Lucha en tête, les manifestations se multiplient réclamant le départ de la Monusco. Quant à la Brigade d’intervention rapide, composée de 3000 soldats africains (Tanzanie, Malawi, Afrique du Sud) elle semble avoir été gagnée par l’inefficience généralisée.
3. Les Forces armées congolaises sont elles efficaces ?
Menant seule, sans le soutien des Casques bleus, des opérations très difficiles et déplorant de nombreuses pertes, l’armée congolaise est elle-même minée par la défiance : elle est accusée de trafics divers et surtout, les opérations sont dirigées par des officiers jugés proches de Joseph Kabila et potentiellement dangereux pour Félix Tshisekedi ! Seules les unités jadis formées par les Belges à Kindu sont considérées comme fiables et le retour de la coopération belge est vivement souhaité. Cependant, dans une atmosphère extrêmement tendue, les opérations militaires conjointes ( MONUSCO/PARDC ) ont enregistré de notables succès et plus de 80 ADF ont été neutralisés, leurs bases détruites et leurs accointances avec le mouvement jihadiste mondial dûment démasquées…
4. Une nouvelle opération de type Artemis (intervention limitée de l’armée française en soutien à la Monusco) représente-t-elle une solution ?
Cette hypothèse est examinée à Paris, entre autres à l’Elysée et soutenue par le Docteur Mukwege. Mais elle suscite l’inquiétude du Rwanda qui a entrepris d’éliminer définitivement ses propres opposants FDLR encore présents au Kivu tandis que les financements, la durée et l’envergure d’une telle opération risquent de dépasser les moyens de la France déjà engagée au Sahel. Dans l’atmosphère de défiance généralisée qui caractérise la région, une intervention de soldats européens risquerait d’aggraver encore tous les soupçons et la meilleure solution demeure une offensive de l’armée nationale, à condition… qu’elle s oit couronnée de succès…A noter que les équipes de riposte à l’épidémie Ebola, visées par la méfiance générale, ont également été attaquées par la population…