Au terme de 5 ans de bataille administrative, le Conseil d’État vient d’accorder de façon définitive l’ouverture anticipée des archives de l’Élysée sur le Rwanda au chercheur François Graner, membre de l’association Survie, et co-auteur du Dossier noir “L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda”.
C’est une décision historique qui met fin à 5 années de procédures administratives contre le secret d’État. Jusqu’à cette décision, le Code du patrimoine permettait en effet à la mandataire privée de François Mitterrand, l’ancienne ministre Dominique Bertinotti, de décider arbitrairement qui pouvait ou non, consulter toutes les archives des conseillers présidentiels de l’époque, pas ou plus couvertes par le Secret Défense. Cette disposition valable un quart de siècle après la mort de l’ancien président constituait un des nombreux freins à la manifestation de la vérité sur le rôle de la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide des Tutsis, ce que le Conseil a jugé contraire notamment aux droits de l’Homme et au droit européen.
En 2015, Francois Hollande avait promis l’ouverture des archives sur le Rwanda, ce sur quoi Emmanuel Macron est revenu l’année dernière en nommant une commission d’historiens, seule habilitée à les consulter intégralement. La décision de ce jour du Conseil d’État constitue donc une avancée importante puisqu’elle stipule que l’accès aux archives doit être ouvert à tous les chercheurs, et pas seulement à ceux accrédités par l’État.
Le Conseil d’État, saisi en cassation par M. Graner et réglant l’affaire au fond, estime que « ses demandes présentent, au regard de la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées pour nourrir les recherches historiques et le débat sur une question d’intérêt public, un intérêt légitime ». Précisant que sa démarche ne porte pas atteinte aux intérêts que la loi entend protéger, il conclut « que les refus opposés aux demandes de M. Graner sont entachés d’illégalité » [1].
Ce faisant, il suit les conclusions de la rapporteuse publique, rendues le 5 juin dernier, et confirme que le droit d’accès aux archives publiques et celui d’être informé, priment sur les impératifs de protection des secrets de l’exécutif et plus largement de l’État. Cette décision est un tournant important pour l’accès aux archives et les recherches sur les responsabilités des responsables civils et militaires de l’État concernant les décisions qu’ils ont prises.
François Graner insiste sur la jurisprudence que cette décision crée : « Le Conseil d’État a tenu à souligner solennellement que c’est un point général de droit qui dépasse le cas particulier de cette demande. Il va donc s’imposer pour les demandes futures que je vais faire, et que d’autres feront sur le rôle de la France au Rwanda ou sur d’autres sujets ». Pour l’association Survie et les autres membres du collectif « Secret défense – un enjeu démocratique » [2] , cette victoire ouvre donc d’autres perspectives.
Pour aller plus loin :
François Graner et Raphaël Doridant, L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda, éd. Agone-Survie, février 2020.