La période fortement troublée qu’a connu la République Démocratique du Congo, dès fin 1996, a vu émerger, par un concours de circonstances dû aux malheurs de la guerre, le docteur Denis Mukwege originaire du Bushi dans la province du Sud-Kivu.

Ce médecin devenu célèbre, suite à son engagement dans le combat contre les violences sexuelles faites aux femmes, est aujourd’hui détenteur de nombreux prix prestigieux dont le prix Nobel de la paix, le prix Sakharov, et de plusieurs décorations des gouvernements belges et français ainsi que de certaines institutions publiques européennes. Tous ces prix et toutes ces décorations, lui ont été décernés en reconnaissance de sa contribution au combat contre les violences sexuelles dont les femmes du Sud-Kivu sont victimes.

L’engagement et le combat du docteur Denis Mukwege sont bien réels et font aujourd’hui la fierté, à juste titre, de sa famille, de sa communauté et de son pays.

Jusqu’à une date toute récente, c’est cette image du médecin compatissant débordant d’humanité et entièrement dévoué à sa cause qui prévalait sur la scène congolaise et régionale, et qui prévaut encore de manière quasi inviolable sur la scène occidentale spécialement en Suède, en Belgique et en France où l’intéressé jouit d’un véritable culte.

Tout récemment, un événement tragique, parmi des centaines d’autres qui frappent quasi quotidiennement les hauts plateaux de Fizi, de Mwenga et d’Uvira au Sud-Kivu, a porté l’ombre du doute sur l’impartialité et l’intégrité de cette figure respectée. En effet, peu après le 16 juillet, un groupe de députés du Sud-Kivu, notoirement connu pour son radicalisme anti-tutsi, a diffusé une information mensongère faisant état du massacre de 200 civils innocents par des éléments d’autodéfense de la communauté tutsi banyamulenge dans la localité de Kipupu. A la stupéfaction générale, le docteur Denis Mukwege a apporté son soutien sans réserve à ce groupe de députés, avant que la moindre enquête impartiale ait confirmé ou infirmé les déclarations du groupe, et, les propos du docteur Mukwege furent ceux-ci : « ce sont les mêmes qui continuent à tuer en RDC. Les comptes macabres de Kipupu sont dans la droite ligne des massacres qui frappent la RDC depuis 1996 ». Par cette déclaration le docteur Mukwege (i) reconnait sans équivoque qu’il y a eu massacre de 200 personnes, (ii) possédant une intime connaissance de la région et des conflits qui l’affectent de même que des protagonistes impliqués, il est absolument impossible qu’il puisse ignorer que les accusations des députés visaient la communauté banyamulenge victime d’un nettoyage ethnique depuis pratiquement deux années et demie dans le silence et l’indifférence total[1].

C’est à la suite de ce soutien, inexplicable de poids, aux députés provinciaux accusateurs que plusieurs personnalités de la communauté banyamulenge, dont d’anciens condisciples du docteur, et connaissances de sa famille, ont adressé des lettres d’une infinie courtoisie au prix Nobel de la paix l’adjurant de garder ses distances vis-à-vis des députés auteurs des accusations infondées. Par ailleurs, deux personnalités de la communauté banyamulenge lui ont rendu visite afin de le persuader de garder sa neutralité jusqu’à l’établissement incontestable des faits, mais, il leur a répondu « qu’il n’avait nulle part cité les banyamulenge et qu’il ne s’intéressait qu’à l’ingérence des Etats et pas aux interactions entre communautés… ». Or, il est difficilement concevable d’imaginer un Etat impliqué dans les incidents de Kipupu qui étaient exclusivement liés au pillage de plus de 400 vaches, appartenant aux banyamulenge, par les mai-mai qui les avaient acheminé sur Kipupu centre de négoce principal du bétail razzié et QG de ces derniers.

En réaction aux lettres lui adressées, et à la visite des personnalités banyamulenge, Denis Mukwege répliqua par une série cinglante de communiqués de presse, dans le Figaro, la Voix de l’Amérique, et la BBC, déclarant qu’il avait été objet de menaces lui et sa famille. Surprenante réaction qui rappelle étrangement la disparition rocambolesque du docteur Mukwege en 2012 au prétexte qu’il était menacé de mort par des commanditaires dont l’identité n’a jamais été révélée, et gageons qu’on ne connaîtra jamais les auteurs de cette « seconde tentative d’atteinte à l’intégrité du docteur Mukwege et de sa famille », même si on comprend dans quelle direction son doigt accusateur est pointé. Cette nouvelle « menace » ressemble bizarrement au type d’opération marketing politico-humanitaire dont il tire d’immenses dividendes. Il est intéressant de rappeler combien la disparition fortement médiatisée du docteur Mukwege et sa réapparition spectaculaire avaient contribué à promouvoir sa propre renommée ; ceci étant dit, on ne peut taire la manœuvre odieuse récente envers des personnes l’ayant approché de bonne foi dans un esprit de conciliation.

S’agissant d’une enquête indépendante établissant les responsabilités et le bilan des victimes, rien de crédible et de sérieux n’a été entrepris, seuls des chiffres fantaisistes et contradictoires en disent long sur ce « massacre fantôme », les mêmes groupes accusateurs indiquent au début 220 victimes qui fondent comme par miracle à 200, ensuite à 15, et cela sans la plus minime des preuves, ensuite apparaissent 200 disparus, qui remplacent les 200 morts de départ devenus introuvables : une véritable farce. Le plus choquant et le plus scandaleux de l’histoire est que la délégation ayant donné sa bénédiction au dernier « bilan », qui n’est restée que quelques heures à Kipupu par ailleurs, était conduite par le ministre provincial de l’intérieur et sécurité Lwabandji Ngabo qui le 8 octobre 1996, avait déclaré les banyamulenge hors-la-loi, leur donnant deux semaines pour quitter le Zaïre alors qu’il était vice-gouverneur du Sud-Kivu : peut-on imaginer meilleure illustration de l’avilissement des mœurs politiques en RDC ?

Tels sont les faits incontestables jusqu’à ce jour. Et on peut dès lors s’interroger légitimement comment un homme de l’intelligence, de l’expérience, et de la renommée du docteur Denis Mukwege a pu soutenir une accusation partisane, infondée et surtout porteuse d’un potentiel d’exacerbation des antagonismes ethniques, dans un contexte ouvertement explosif.

L’autre question centrale qui se pose consiste à connaître les raisons pour lesquelles le prix Nobel de la paix est resté muet face au calvaire des banyamulenge qui depuis plus de deux ans et demi subissent un nettoyage ethnique féroce de la part des mai-mai congolais alliés aux rebelles burundais de RED TABARA, , FNL et FOREBU qui pillent, violent, tuent, et brûlent des villages entiers des banyamulenge sur les hauts plateaux dans l’indifférence générale des gouvernements provincial et central, des FARDC, qui sont souvent accusés de connivence avec les mai-mai[2], et même de la MONUSCO qui évite de prendre le moindre risque, situation qui a d’ailleurs contraint les victimes à mettre sur pieds un groupe d’autodéfense appelé « Twirwaneho[3] » pour la protection des familles et des biens.

Le contraste entre la rapidité frappante de la réaction de soutien du docteur Denis Mukwege aux députés accusateurs, et la totale absence de réaction face à l’avalanche des malheurs qui s’abattent sur la communauté des banyamulenge depuis deux ans et demi parle d’elles-mêmes : il semble malheureusement pour le docteur Mukwege qu’il existe deux types de victimes, à savoir les bonnes victimes qui méritent compassion et secours, et les mauvaises victimes qu’il convient de laisser à leur triste sort. Face à ce constat une question s’impose : le prix Nobel de la paix aurait-il deux visages ?

Qui que nous soyons, notre comportement et nos choix sont façonnés par la culture, l’éducation, l’environnement, l’expérience et l’histoire, en plus, bien sûr de l’héritage génétique, et aucun être humain n’échappe à cette règle. Nous laisserons de côté le facteur génétique car sa complexité échappe à notre expertise, et sa pertinence n’est guère avérée dans ce type d’occurrence.

Pour ceux connaissant intimement la région et ses habitants, les relations complexes et difficiles entre les banyarwanda et les bashi ont toujours été teintées de méfiance et d’hostilité car la culture shi a toujours cultivé le souvenir d’un voisinage caractérisé par des conflits militaires incessants, avec les souverains rwandais, qui n’ont cessé qu’avec la colonisation, ce facteur hélas continue d’influencer globalement les bashi qui considèrent les banyamulenge comme un appendice du Rwanda peu importe l’ancienneté de leur présence en RDC.

A ce facteur est venu se greffer l’attaque et la neutralisation, en octobre 1996 par l’AFDL, des groupements importants des réfugiés génocidaires hutu armés repliés à Lemera dans le voisinage de l’hôpital des protestants pentecôtiste suédois dans lequel le docteur Mukwege officiait[4], cet événement a dû laisser des traces profondes chez le futur prix Nobel qui fut obligé de s’enfuir avec les occupants armés[5].

En 1997, la défaite totale de l’armée zaïroise, et l’occupation de Bukavu et du Bushi par les troupes de l’AFDL majoritairement banyamulenge furent pour le moins une humiliation inexpiable aux yeux du docteur Mukwege. Ces deux événements venaient s’ajouter au triomphe du FPR en 1994 au Rwanda qui avait contraint à la fuite vers le Bushi et la plaine de la Rusizi des milliers de familles hutu de la région de Cyangugu apparentées aux bashi et pfulero déclenchant un ressentiment quasi généralisé, qui demeure toujours vivace au sein des populations, des élites et des politiciens du milieu d’accueil à l’égard de l’élément tutsi.

L’influence de ces événements sur le prix Nobel de la paix est absolument indéniable et explique ses choix d’hier et d’aujourd’hui tels que :

Sa réception quasi solennelle à l’assemblée nationale française, en compagnie de Martin Fayulu en novembre[6] 2019, en vue de préparer la réhabilitation du Mapping Report et la mise en accusation du Rwanda lors de la rencontre de la francophonie prévue à Bordeaux en mai 2020, et de contester la légitimité de Félix Tshisekedi (cfr. position d’Africa Watch et Fayulu qui participait aux travaux).
L’invitation de Denis Mukwege comme élément phare au colloque du 09/03/2020 au sénat français organisé par des sénateurs défenseurs de l’opération Turquoise, d’anciens militaires de Turquoise, des politiciens français négationnistes du génocide des tutsi, des activistes et chercheurs notoirement pro génocidaires. Soucieux de préserver son image, craignant de s’afficher en compagnie de sympathisants génocidaires, Denis Mukwege, astucieusement conseillé, s’était décommandé à la dernière minute laissant à Fayulu son allié le soin de déverser son venin anti-tutsi face à un auditoire acquis d’avance.
L’alliance politique de fait avec Martin Fayulu, anti tutsi notoire qui claironne urbi et orbi que les tutsi ont infiltré les institutions congolaises pour balkaniser le pays, à côté de son lieutenant Mozito qui prône même l’annexion d’un pays voisin.
L’obsession de l’exhumation du fameux Mapping totalement discrédité en raison de sa méthodologie fort douteuse et de son objectif déstabilisateur qui visent l’accréditation de la thèse du double génocide, et la condamnation de ceux qui ont arrêté le génocide des tutsi face à la déficience impardonnable des Nations Unies.
Le récent soutien sans faille de Martin Fayulu au docteur Mukwege pour son appui aux députés provinciaux accusateurs des banyamulenge.
Le soutien de l’APARECO, organisation anti-tutsi par excellence, d’Honoré Ngbanda sinistre ex chef des services de sécurité sous Mobutu[7], et de Marcellin Chikwanine activiste défenseur des FDLR.
Face à temps d’évidences est-il permis de douter que le docteur Mukwege ait choisi la défense du camp des militants extrémistes anti tutsi dans l’affaire de Kipupu ? Hélas, non, nous sommes très loin de l’image du médecin congolais au discours humanitaire et humaniste chéri par l’Occident, car aujourd’hui, chez cet homme, l’activisme politique animé par une ferme volonté de règlement de compte, vis-à-vis de l’histoire récente de la région, transcende l’action humanitaire du gynécologue obstétricien. Le soutient aux députés provinciaux accusateurs des banyamulenge n’est que l’aboutissement logique et cohérent du parcours de ce prix Nobel qui utilise maintenant le prestige international de ce titre pour la défense des causes inavouables dans son pays et dans la région des Grands Lacs, tel est malheureusement « le second et véritable visage du docteur Denis Mukwege » : qui peut savoir aujourd’hui s’il n’a pas été promu dans ce but par certains de ses sponsors au Nobel ?

[1] Le bilan actuel chez les banyamulenge fait état de plus de 250 villages incendiés et rasés, 160.000 vaches pillées et de 200 tués sans compter les viols et mutilations.

[2] Lettre du groupe « Twirwaneho » adressée au Président de la République le 15 juillet 2020 avec preuves en annexe.

[3] Assurons notre propre défense

[4] La quasi-totalité des occupants de l’hôpital appartenait à ces groupes.

[5] Evénement fondateur de l’attitude du prix Nobel en référence à son message de soutien aux députés provinciaux accusateurs des banyamulenge.

[6] La réunion s’est tenue le 02/12/2019, mais la mort de la mère du docteur Mukwege l’avait empêché d’assister aux travaux, seul Fayulu y a assisté.

[7] Article Patrick Mbeko de l’APARECO « fr.sputniknews.com » du 12-08-2020

L’auteur de ce texte l’a publie pour la premiere fois dans le journal Congoonline le 14 Aout 2020

Redigé par Gaston Nganguzi Rwasamanzi Le 31 août 2020

https://fr.igihe.com/Dr-Denis-Mukwege