La tension montait samedi après la mort de trois Casques bleus en Centrafrique, à la veille d’élections dans un pays contrôlé aux deux tiers par des groupes armés repassés à l’offensive contre le pouvoir du président et favori Faustin Archange Touadéra.

Toutefois, les rebelles sont pour l’heure tenus à distance de Bangui, grâce au renfort ces derniers jours de centaines de paramilitaires russes, soldats rwandais et Casques bleus de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca).

La tenue des élections présidentielle et législatives est un enjeu majeur pour la communauté internationale, qui tente de reconstruire et maintenir une sécurité toute relative depuis 2014 et a investi plus de 30 millions d’euros dans l’organisation de ces scrutins.

A l’exception de plusieurs localités éloignées en province, les positions des rebelles, qui contrôlaient la grande majorité du territoire depuis le début de la guerre civile en 2013, n’ont guère bougé près de Bangui, depuis qu’ils ont annoncé le 18 décembre une offensive sur la capitale, selon les comptes rendus de l’ONU.

Cependant, vendredi, trois Casques bleus burundais de la Minusca, qui a déployé près de 11.500 hommes depuis 2014, ont été tués dans une attaque à Dékoa, à 250 km au nord de la capitale.

En plus de cette force de maintien de la paix, renforcée jeudi par 300 Casques bleus rwandais, Moscou et Kigali ont volé cette semaine au secours du pouvoir, qui accuse l’ancien président François Bozizé de mener une « tentative de coup d’Etat » à la tête de ces rebelles, ce qu’il dément.

La Russie, soutenant ouvertement depuis 2018 le gouvernement de M. Touadéra, a envoyé 300 « instructeurs militaires » –en fait des paramilitaires de société privées russes de sécurité– en renfort de centaines de leurs pairs déployés depuis plus de deux ans.

Le Rwanda, lui, a dépêché lundi des soldats de ses forces spéciales. »Des centaines », selon Bangui.

– Russes et Rwandais au combat –

De nombreux témoins, travailleurs humanitaires et sources sécuritaires assurent que Russes et Rwandais combattent directement sur plusieurs fronts.

Les informations remontant du terrain sont rares et polluées par d’innombrables rumeurs.Mais, en huit jours, la « marche sur Bangui » pour perturber les élections a peu progressé, à en croire les communiqués successifs de la Minusca.En tout état de cause, les combats connus, à ce jour, se déroulent à des distances situées de 80 km à 850 km de la capitale, qui demeure calme. 

En dehors des trois Casques bleus tués, aucun bilan des combats n’a été rendu public.

Des milliers de personnes ont été tuées et plus d’un quart de la population de ce pays parmi les plus pauvres du monde ont fui leur domicile depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé François Bozizé.

Les affrontements entre Séléka et milices chrétiennes et animistes anti-balaka ont fait rage, les deux camps étant accusés par l’ONU de crimes de guerre et contre l’humanité.

Depuis 2018, la guerre a évolué en un conflit de basse intensité, les groupes armés se disputant le contrôle des ressources tout en perpétrant sporadiquement attaques et exactions contre les civils.

L’opposition, qui présente pas moins de 15 candidats, réclame un report du scrutin, estimant que l’insécurité ne permet pas à une grande majorité des 1,8 millions d’inscrits de voter librement et sereinement en dehors de Bangui.Et accuse par avance le camp Touadéra de fraudes massives pour l’emporter dès le premier tour. 

Mais samedi, la Cour constitutionnelle a rejeté les ultimes recours pour un report.

« Il y a la décision de la Cour constitutionnelle, que je respecte, et la réalité sur le terrain, qui est que beaucoup d’électeurs ne pourront pas voter », dit à l’AFP l’ancien Premier ministre Anicet George Dologuélé, considéré comme le rival le plus sérieux de M. Touadéra et officiellement soutenu par M. Bozizé.

Pour les experts et observateurs, la légitimité des futurs élus, le chef de l’Etat comme les 140 députés, serait déjà largement mise en doute dans un pays où très peu des Centrafricains en âge de voter pourront le faire. 

Pour Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), « les rebelles peuvent largement tenir plusieurs préfectures, ils n’ont pas besoin d’aller jusqu’à Bangui pour perturber les élections ».

« Dans de nombreuses régions, la population ne pourra pas se rendre aux urnes », renchérit Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po à Paris.

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