Monsieur ZINGIRO Emile ne le 16 octobre 1935 à Remera- Kigali au Rwanda et décède le 14 janvier 2021 à Lille-France.

HOMMAGE,TEMOINGAGE DU FILS JOSEPH ZINGIRO A SON PERE

J’aimerai commencer mon propos en vous livrant quelques souvenirs conservés dans mon carnet à spirale. Ils datent du 2 aout 2005 (6H20) et j’avais intitulé ces notes : Dialogue entre un père et son fils.

Il s’agit en fait d’entretiens qui se sont déroulés il y a une vingtaine d’années, voire plus.

Des moments d’échanges, très spontanés, en dehors du temps, de l’espace. Des instants ou la parole se libère et ou l’esprit s’éveille.

Aussi longtemps que je me souvienne, il y a 3 thèmes majeurs qui ont préoccupé la vie de mon père :

Le 1er, c’est le Rwanda, ce territoire sans limite. Comme il se plaisait à le dire : le Rwanda est tout d’abord une idée, une façon d’être, un art de vivre, une chanson, un poème. Une terre d’absolue, une terre d’exigence, une terre d’espoir …

C’est aussi une terre du silence, une terre ingrate, une terre de l’ignominie.

Je me suis longtemps demandé si ce Rwanda dont il parlait tant n’était pas en fait un rêve ; un pays imaginaire. Je crois qu’il y a un peu des deux. Une histoire d’amour avec ses viscitudes. Et puis, il y a eu l’exil …

Le 2ème thème, c’est Dieu. Cette improbabilité, cette incontournable question.

Un soir, nous abordâmes le sujet. Fiston, me dit-il, sais-tu que j’ai rencontré Dieu, c’est un homme bon, ajouta-t-il. Stupéfait et au bord de l’hilarité, je dois vous l’avouer, et après quelques cervoises, je lui répondis : Enfin Papa, tu n’es pas sérieux ? Si insista-t-il avec son air grave et autoritaire qu’il était difficile de le contester.

Bon admettons, je peux penser que Jésus ait pu exister et que ça dû être un brave type, un mec qui en avait sous la tunique … il a dû affronter à son époque pas mal d’adversité et il faut croire qu’il s’en est pas trop mal sorti. En définitive, on parle toujours de lui, parce que c’était un homme juste et qu’il a donné de l’amour à son entourage …

Le 3ème thème est celui de l’immortalité.

Un autre soir, nous bavardâmes une fois de plus et il finit par m’avouer qu’il ne voulait pas mourir !

Ah bon, encore une fois je montre mon étonnement face à cette inéluctable issue !

Puis, je l’interroge sur son (énoncé).

Papa, je ne comprends pas bien ce que tu me racontes : la mort, on la côtoie tous les jours et toi-même tu y es confronté à travers ton métier. Alors qu’est-ce qui t’embête avec cette question ?

En fait, j’ai peur qu’on m’oublie …

S’il n’y a que ça, on peut trouver des solutions. Puis il me dit qu’il voudrait être incinéré et que l’on garde ses cendres dans sa maison. C’est alors que Maman intervient et avec ses inimitables formules elle rétorque : Quoi, je ne veux pas garder un cendrier sur le bord de la cheminée !!! Pas question.

C’était il y a un peu plus de 15 ans. Aujourd’hui qu’il vient de nous quitter, je me remémore tous ses moments passés, notre vie à Kinshasa, notre arrivée en France en mars 1970, la découverte d’une nouvelle culture, ses codes, ses usages, sa langue et ses giboulées de printemps …

Sa vie est une succession d’histoires, d’anecdotes que chacun ici a pu partager.

Je ne vous rappellerai pas son hospitalité légendaire depuis le Zaïre jusqu’ici. Les gens que nous côtoyons parler de maison du bonheur … Ils avaient du mal à partir, restant parfois plusieurs semaines …

Son amitié profonde pour le Roi avec qui il a entretenu une longue correspondance.

Une vie particulière faite aussi de souffrance, de colères car il détestait l’injustice.

Il aimait vivre, chanter ; il pleurait souvent quand il pensait à ses parents, son père en particulier.

C’était un homme-monde, quelqu’un qui ne passait pas inaperçu, un charisme sans égal.

Il vivait dans le présent, comme dans le passé. Son côté mélancolique le rendait attachant.

Parce qu’il avait une relation particulière avec la culture rwandaise et qu’il sublimait sa langue natale,

Il était convié à de nombreuses cérémonies de mariage pour prononcer le discours inaugural.

Tous les convives étaient admiratifs de son art lyrique, des subtilités sémantiques et syntaxiques que seuls les initiés pouvaient comprendre.

Un autre souvenir qui me vient à l’esprit et qui traduit son incroyable curiosité et sa quête de son cheminement intérieur et sa perspective de l’Histoire : Papa, peux-tu me faire notre arbre généalogique ? Je devais avoir 20 ou 22 ans. Dès le lendemain, après une nuit de garde à l’hôpital, il me rendit les fruits de ses recherches. Une feuille que je garde encore, avec les noms de ce qui constitue nos aïeux. Content de cette nouvelle découverte, je me rends dans une grande librairie sur la grande place de Lille, pour acheter un arbre généalogique sur lequel je pourrais retranscrire les noms qu’il avait retrouvés. Mais Monsieur, me dit la vendeuse, nos modèles ne sont constitués que de 4 à 5 générations maximum ! Ah bon, PaPa m’avait transmis un arbre généalogique de 20 générations remontant jusqu’à l’an 1. Perplexe, je garde ce précieux document qu’un jour je reconstituerai peut-être. Une fois de plus, mon père avait des trésors que chacun d’entre nous a pu découvrir …

Je pourrai continuer à vous décrire le personnage des heures entières. Vous dire que c’était un homme respecté aussi à l’aise dans les milieux populaires que dans les cercles mondains.

Qu’il était appelé à une belle carrière à la sortie de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes. Le destin en a décidé autrement …

En tant que père de famille, il s’est assuré que nous ne manquions de rien, nous inscrivant dans les meilleurs établissements de la ville.

Il n’avait pas que des qualités et reconnaissait volontiers ses erreurs.

Papa, Emile, Rwego et Papy surtout parce que c’est comme cela qu’on l’appelait le plus couramment, tous petits et grands, amis et connaissances ; il va rejoindre à présent ses parents qu’il chérissait tant et son fils Oscar qui nous a récemment quitté.

Pour lui, en son nom, garder ce qu’il y avait de meilleur en lui et transmettez tout l’amour qu’il avait et qu’il a pour chacun d’entre vous, comme une lumière qui vous accompagnera toujours.

Pour conclure, je vais vous révéler sa devise : Aimez-vous les uns les autres, comme il le citait dans l’hymne qu’il chantait à la fin de chacun des innombrables discours qu’il a prononcés tout au long de sa vie. Et que nous allons vous interpréter ?

Posté par rwandaises.com