L’indépendance accordée par la Belgique au Rwanda avait mis les hutus au pouvoir par le biais du MDR Parmehutu et contraint les tutsis à l’exil ou à la citoyenneté de seconde zone.

Habyarimana arrive au pouvoir à la faveur du coup d’Etat du 5 juillet 1973 et instaure aussitôt sa politique de « l’équilibre ethnique et régionale ».

Faut-il rappeler ici le refus réitéré du Président Habyarimana de permettre le retour au pays de réfugiés dont l’appartenance à la nation rwandaise était niée.

Et bien plus, son incapacité à concevoir à temps une politique susceptible de dépasser les clivages ethniques qui a contribué à la formation d’un abcès dans la population rwandaise dans le pays et au-delà.

Il va sans dire que si les persécutions à l’encontre des Batutsi étaient inscrites dans les actes de la vie quotidienne, le régime Habyarimana a figé et accentué les clivages ethniques et régionaux.

Aux divisions entre Bahutu et Batutsi étaient venues se superposer les divisions entre les Bakiga et les Banyanduga, puis au sein des Bakiga, entre les Bashiru et les Bahutus du Nord-Est.

L’unité nationale de façade prônée dans le discours officiel s’opposa frontalement dans les faits à l’affrontement « Kiga-Nduga ».

L’armée nationale, la haute administration, les entreprises publiques étaient systématiquement contrôlées par des Ba hutu originaires de Gisenyi, Ruhengeri et Byumba.

Ainsi donc, les tutsis n’étaient pas les seuls à vivre la marginalisation dans leur chair.

C’est alors que se créent des pratiques et des dérives racistes, de corruption et de violence aux conséquences prévisibles.

Il fallait composer avec le poids considérable de l’akazu de Mme Agathe Kanziga, épouse Habyarimana. Et sa détermination à exercer et conserver le pouvoir, tout le pouvoir.

Au point de marier sa petite sœur Catherine Mukamusoni au petit frère de son mari, Dr Bararengana et deux de ses fils aux deux filles de Kabuga.

Et sa fille, enceinte de son amoureux, obligé d’aller accoucher à Paris et de revenir pour épouser un autre homme présenté par Nzirorera.

Elle est peinte ainsi dame Kanziga par ceux qui l’ont côtoyé. Un besoin excessif de tout contrôler, d’être admiré. Une obsession pour le pouvoir et un manque criant d’empathie. En somme, une véritable perverse narcissique.

Ses acolytes les plus importants étant, le tout puissant et redoutable Protais Zigiranyirazo, Colonel Elie Sagatwa, secrétaire particulier du Président, Séraphin Rwabukumba qui avait la particularité d’être ses propres frères.

Vient aussi le Colonel Laurent Serubuga, chef d’état-major adjoint des forces armées rwandaises, Col Théoneste Bagosora, Nzirorera, Ministre des travaux publics, Aloys Ntiwarago, chef du service de renseignement et le multimillionnaire et allié Félicien Kabuga.

Ils constituaient un réseau de pouvoir parallèle dans l’armée, le renseignement, la gendarmerie, l’administration, le parti unique mais aussi et surtout avaient-ils coopté un groupe de parasites installé dans le système économique et financier.

L’une des premières figures à faire les frais de l’akazu est le Colonel Theoneste Lizinde. Camarade du 5 juillet et chef du service des renseignements.

L’akazu lui collera un faux coup d’Etat et il sera incarcéré à la prison de haute sécurité de Ruhengeri.

Dans sa lettre aux organisations de défense des droits de l’homme au Rwanda, datée du 29 octobre 1992, le lieutenant-colonel Charles Uwihoreye expliquait que Mme Agathe avait exigé l’assassinat en prison de Lizinde, Donat Murego et le commandant Nsengiyumva alias Makofu.

Les tergiversations du directeur de la prison lui valurent un emprisonnement à Gitarama.

Une opinion très répandue voulait que l’assassinat du Colonel Mayuya soit imputé à l’akazu.

Et même l’assassinat de Diana Fossey dite « Nyiramacibiri » qui avait dédié sa vie à la préservation des gorilles de montagnes.

Rien ni personne ne devait résister au rouleau compresseur de l’akazu.

Lorsque Mme Agathe Kanziga veuve Habyarimana introduisit sa demande d’asile en France, elle passa par tous les étapes que la procédure administrative offre à un justiciable.

Elle se heurta à une fin de non-recevoir à tous les niveaux ; de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides « OFPRA » à la Commission Nationale de Droit d’Asile jusqu’au Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative en France en passant par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. C’est dire !

Ces organes dont la compétence juridique et l’impatialité sont incontestables, ont souligné tour à tour qu’Agathe Kanziga « était au cœur du régime génocidaire responsable de la préparation et de l’exécution du génocide contre les Batutsi».

Et d’ajouter qu’elle a « exercé une autorité de fait entre 1973 et 1994 mais aussi au-delà de cette date ».

Ces juridictions ont détaillée combien elle a joué un rôle central au sein du premier cercle du régime dit akazu.

Ce système clanique de partage et d’utilisation des prébendes financières ».

Qu’aussi, elle avait « confisqué le véritable pouvoir en institutionnalisant les soutiens familiaux, réduisant le régime Habyarimana à l’expression d’un clan extrémiste qui se refermait inexorablement sur elle ».

En effet, elle « coordonnait différents cercles politique, économique, militaire et médiatique ».

Elle aura été la pièce maitresse du système de répression à commencer par le réseau zéro et ses escadrons de la mort, dénoncé en 1992 par Christophe Mfizi, alors Directeur Général de l’office rwandais d‘information « ORINFOR ».

Aujourd’hui, il est établi, au-delà de tout doute raisonnable, qu’elle détenait le pouvoir de commander et d’être obéi.

Redigé par Tite Gatabazi Le 1er novembre 2021

http://fr.igihe.com/Autopsie-du-regime-Habyarimana.html