Conquérir son indépendance économique et assumer son africanité, voilà ce qu’être Africain aujourd’hui. L’équation de ce cercle vertueux est simple : dans notre monde, l’autonomie économique confère une majestueuse légitimité de la parole, une indépendance magistrale de discours et d’être, en clair une liberté au sens propre, condition indispensable à la libération des énergies, à la créativité et à la révélation des originalités.
Si la Chine se fait de plus en plus respecter, c’est surtout parce qu’elle assume totalement son originalité culturelle, et qu’elle ne demande l’aumône à personne. Au contraire, porte-t-elle secours aux autres, y compris à la première puissance économique du monde qui, on le sait, lui doit une bonne part de sa prospérité économique.
Il est à parier que dans une décennie, lors du soixantenaire des indépendances africaines, inviter à la fois quatorze Chefs d’Etat africains et leurs armées le 14 juillet à la Fête Nationale française sera perçu par une grande majorité d’Africains comme une insulte grave. Il convient de ne pas rester en marge de cette évolution inéluctable des consciences en Afrique.
La liberté est ce sentiment qui affranchit de s’excuser d’être soi-même. Au cours de ces derniers siècles, nous, jeunes Africains avons par trop idéalisé les systèmes culturels et économiques importés, sans avoir pris le temps, ni parfois eu le droit, de questionner les ressorts et valeurs qui les accompagnent. Littéralement fascinés par ces modèles explicitement présentés comme la matérialisation du bonheur, nous avons fini par nous en aliéner, inhibant complètement au passage nos propres originalités. Aussi insolites et primitives qu’elles aient pu être catégorisées dans l’histoire, nos valeurs et nos cultures sont pourtant, au moins autant que celles d’autres peuples, les reflets d’une conception singulière du sens de la vie et du bonheur, qu’il conviendrait de faire découvrir aux autres sans le moindre complexe d’infériorité. Faut-il rappeler qu’une immense majorité silencieuse d’Africains, même pauvres et vivant dans des conditions dites difficiles, naissent, vivent et meurent heureux ? Qui a dit que le bonheur avait forcément une dimension économique et technologique à l’occidentale ? Le bonheur n’a pas de nationalité, il n’a pas d’âge ni de couleur, pas plus qu’il n’a cette définition essentiellement économique et statistique dite PIB (Produit Intérieur Brut) que les cultures actuellement dominantes ont consacrée, voire déifiée, jusqu’à ce que, fort heureusement pourrait-on dire, la crise financière réveille brutalement les consciences.
Apprendre à jouer son rôle
Nous, peuples africains, comme d’autres, avons un rôle singulier à jouer dans le concert des Nations. Imiter les autres, quand cela ne rentre pas dans une stratégie consciente, c’est de la sujétion, c’est de la prostitution culturelle et intellectuelle. Continuer à mériter ce regard infériorisant ou parfois sincèrement compatissant c’est se rendre complice des clichés misérabilistes qui n’ont que trop duré. L’Afrique est bien plus immense et profonde que ce continent imaginaire où le temps aurait démarré à la traite négrière et se serait ensuite arrêté. Le Jeunesse africaine doit refuser que l’Afrique continue à être présentée comme le continent du pire ou du mourir. En nous cataloguant ainsi une fois pour toutes, ces clichés ont corrompu les consciences, empoisonné les rapports interculturels, étouffé les énergies, et amené bon nombre d’Africains à se réfugier ailleurs sous des drapeaux plus valorisants, en cherchant désespérément à oublier d’où ils viennent. De telles images ont ainsi constitué de détestables outils d’impérialisme mémoriel et intellectuel. Elles ne correspondent définitivement plus à l’Afrique de notre génération qui aspire désormais à la reconquête de sa pleine souveraineté politique, économique et culturelle.
Nous, peuples africains, comme d’autres peuples, avons un rôle singulier à jouer dans ce monde. Imiter les autres, quand cela ne rentre pas dans une stratégie consciente, c’est de la sujétion, c’est de la prostitution culturelle et intellectuelle. Continuer à mériter ce regard infériorisant ou parfois sincèrement compatissant c’est se rendre complice des clichés misérabilistes qui n’ont que trop duré. L’Afrique est bien plus immense et profonde que ce continent imaginaire où le temps aurait démarré à la traite négrière et se serait ensuite arrêté. L’Afrique est-elle le siège de la misère ? Ailleurs, des misères psychologiques et éthiques sont bien plus fragilisantes. L’Afrique a-t-elle le monopole des catastrophes naturelles ? Elle connait rarement ouragans et autres tremblements de terre. L’Afrique est-elle à l’origine des grandes hontes de l’humanité ? De toutes les guerres mondiales, aucune n’a eu pour origine ou théâtre principal ce continent ; au contraire a-t-il fallu que nos pères paient un lourd tribut humain pour les stopper. L’Afrique est-il le siège des scandales ? La crise économique mondiale actuelle est née bien au-delà de ses frontières.
Etre Africain aujourd’hui c’est refuser que l’Afrique continue à être présentée comme le continent du pire ou du mourir, auquel on ne s’intéresse que pour honnir, secourir, guérir, compatir ou nourrir. En nous cataloguant ainsi une fois pour toutes, ces clichés ont corrompu les consciences, empoisonné les rapports interculturels, étouffé les énergies, et amené bon nombre d’Africains à se refugier ailleurs sous des drapeaux plus valorisants. De telles images ont ainsi constitué de détestables outils d’impérialisme mémoriel et intellectuel. Elles ne correspondent définitivement plus à l’Afrique de notre génération qui aspire désormais à la reconquête de sa pleine souveraineté politique, économique et culturelle.
Etre Africain aujourd’hui, c’est donc arrêter de jouer les perroquets de la pensée et des valeurs des autres, dites universelles dès lors qu’elles sont une inspiration des pays dits développés ; c’est sortir du rôle de mendiants intellectuels et économiques sur la scène internationale ; c’est penser par soi-même, assumer et défendre son africanité. Cela passera assurément par :
– Le développement de l’entrepreneuriat privé africain afin qu’émergent davantage de grands groupes à capitaux africains, qui seront des lieux de créativité économique et technologique ;
– Le développement de grandes universités panafricaines pour l’enseignement et la recherche sur l’histoire de l’Afrique, et sur l’ensemble des champs de connaissance pertinents pour le continent : à ce titre, l’initiative récente de l’Union Africaine d’ouvrir des campus panafricains dans divers pays est à saluer
– La création de monnaies nationales ou régionales indépendantes de toute ancienne puissance coloniale ; elles seraient des identifiants et symboles de nos souverainetés économiques et monétaires
– Le développement de grands media à capitaux publics et privés africains pour présenter de manière équilibrée l’ensemble des visages du continent, et prescrire au monde l’African way of life
– Le développement des langues africaines et le choix de l’une d’elles, le Swahili, comme langue continentale officielle, afin qu’elle serve d’identifiant pour le continent et de véhicule de certaines des originalités africaines
– Le renforcement des relations africano-africaines : aucune raison ne peut expliquer qu’au XXIe siècle, le Kenya et le Cameroun, respectivement puissance d’Afrique de l’Est et d’Afrique du Centre, n’aient pas encore établi de relations diplomatiques.
Etre Africain, cinquante ans après les indépendances, c’est conquérir son autonomie économique, se former à l’histoire de l’Afrique, et s’investir à briser le cercle vicieux du mimétisme qui se nourrit de cette naïve inconscience au sujet de notre place dans l’histoire de l’humanité.
Posté par rwandanews