Dans un entretien accordé hier, 21 juillet 2017, au journal L’Humanité, Jacques Morel, spécialiste de l’Afrique, affirme que le nouveau chef d’état-major des armées, François Lecointre, a « défend[u] les auteurs du génocide contre les Batutsi du Rwanda ».
Celui que Macron a choisi pour remplacer le général Pierre de Villiers était en effet, en 1994, capitaine d’infanterie de marine, en poste au Rwanda lors de « l’opération Turquoise », et affecté au groupement Nord Turquoise.
Selon Jacques Morel, François Lecointre était responsable des troupes françaises dans le secteur de la commune de Gisovu et collaborait avec le directeur de l’usine à thé, Alfred Musema, qui fut l’un des organisateurs du génocide organisé par les Bahutu contre les Batutsi dans la région de Bisesero.
Au moment du procès d’Alfed Musema au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), où il a été condamné à perpétuité pour génocide, une pièce à conviction déposée par sa défense fut justement une lettre du capitaine Lecointre adressée à Musema. Dans cette missive datée du 18 juillet 1994, il l’informe qu’il va changer de secteur et qu’il laisse la région à un subordonné. Selon Jacques Morel, ce document montre que leurs relations étaient cordiales et qu’au lieu d’enquêter et de l’arrêter, Lecointre a collaboré avec lui.
Toujours selon Jacques Morel, ce ne sont pas les seuls éléments. Dans une lettre rédigée dans l’Ancre d’or datée du 18 juillet, le capitaine évoque les sauvetages d’enfants Batutsi cachés chez des Bahutu. Il y décrit des opérations de sauvetage qui se déroulaient la nuit, sans lampe, pour ne pas être repérés par les miliciens, qui, dit-il, « poursuivent leurs patrouilles de nuit ». Preuve que les Français auraient laissé les miliciens opérer librement dans la zone « humanitaire sûre » décrétée par l’Hexagone début juillet. Cette zone humanitaire était sûre pour les miliciens, car ils pouvaient continuer à opérer sans être attaqués par le Front patriotique rwandais (FPR).
Jacques Morel en conclut que, de fait, le nouveau chef d’état-major des armées de Macron défendait les auteurs du génocide rwandais en 1994.
RAPPELS SUR LE GÉNOCIDE CONTRE LES BATUTSI EN 1994 AU RWANDA
Le génocide contre les Batutsi, parfois appelé génocide des rwandais par erreur est un génocide qui eut lieu du jusqu’en au Rwanda, un pays d’Afrique de l’Est. Il fut commis comme solution de la guerre civile rwandaise opposant le gouvernement rwandais, constitué des Bahutu, au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités d’être essentiellement « Batutsi ».
Le , des Rwandais exilés et regroupés au sein du FPR décidèrent de revenir au pays à partir de l’Ouganda, et de prendre le pouvoir par les armes. En réponse, les autorités rwandaises menèrent une double stratégie : se défendre avec l’armée contre l’agression militaire du FPR et « liquider » tous les Batutsi de l’intérieur du Rwanda. Les autorités rwandaises perdirent la guerre civile au profit du FPR mais atteignirent en revanche leur objectif génocidaire contre les Batutsi.
L’ONU estime qu’environ 800 000 Rwandais, en majorité des Batutsi, ont perdu la vie durant ces trois mois. Ceux qui parmi les Bahutu se sont montrés solidaires des Batutsi ont été tués comme traîtres à la cause des Bahutu.
D’une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire et celui de plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour. Des vidéos instructives mais à la limite de l’insoutenable sont disponibles sur Internet (par exemple ici »> ) pour revivre ces événements atroces.
Il convient de souligner qu’un génocide n’est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à l’époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l’ONU. Cette convention définit qu’un génocide est « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».
Les principales responsabilités du génocide contre les Batutsi rwandais est établis. Notamment, l’attentat contre l’avion privé du président Habyarimana (qui a aussi coûté la vie au président du Burundi qui voyageait avec lui) fut le véritable prétexte pour les extrémistes hutu pour déclencher le génocide.
Conclusion : le « héros reconnu comme tel » de Macron est-il complice de génocide ?
Cette révélation – si elle devait se confirmer – tombe au plus mauvais moment pour Macron. Car qui dit génocide – dont les crimes sont imprescriptibles au regard du droit international – et qui dit intervention du Tribunal pénal international, dit aussitôt risque de polémique, non seulement nationale mais aussi internationale.
L’affaire du génocide contre les Batutsi du Rwanda est donc toujours d’actualité au regard du droit pénal.
Cette affaire a d’ailleurs rebondi le 27 juin 2017 lorsque la Revue XXI a dévoilé l’existence de plusieurs documents qui confirment que les autorités françaises ont sciemment donné l’ordre de réarmer les auteurs du génocide, les Bahutu (et cela via les soldats de l’Opération Turquoise à laquelle appartenait François Lecointre).
Europe 1 en a parlé le 27 juin
Posté le 02/08/2017 par rwandaises.com