Secrétaire exécutif de la Commission nationale pour l’unité et la réconciliation Fidèle Ndayisaba.Secrétaire exécutif de la Commission nationale pour l’unité et la réconciliation Fidèle Ndayisaba.
Monsieur Fidèle Ndayisaba, Secrétaire Exécutif de la « Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation », a déclaré que la récente découverte de charniers à Kabuga contribuait d’une certaine manière aux efforts de réconciliation dans le pays.
Dans une interview avec Mira Craig-Morse du Sunday Times, Monsieur Ndayisaba a parlé des obstacles à la réalisation de la pleine unité et de la réconciliation des Rwandais après le Génocide de 1994 contre les [Ba]Tutsi, de la continuelle importance d’organisations comme la « Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation » et pourquoi le pays devrait continuer à lutter pour l’unité et la prospérité.
Voici les extraits :
Dans quelle mesure pensez-vous que le pays progresse sur la voie de la restauration, de la guérison et du développement après le Génocide contre les [Ba]Tutsi ?
Chaque année, il y a un changement positif.
Cela va de pair avec la compréhension du Génocide lui-même, et la gestion des blessures des les gens. C’est un moment émotionnel. Avec le temps, nous nous rendons compte que les gens deviennent plus forts : ceux qui étaient des enfants en 1994-95, immédiatement après le Génocide, sont dans la vingtaine et la trentaine maintenant, ils sont devenus plus forts, ils maîtrisent les choses, comprennent ce qui s’est passé, et s’entraident.
En regardant l’état de la Nation, nous constatons avec confiance et avec beaucoup de fierté, que le Rwanda est une nation pacifique et réconciliée. Ce que vous voyez, c’est que les gens vivent ensemble, travaillent ensemble. Je pense que c’est remarquable d’avoir atteint cela après ce qui s’est passé il y a seulement 24 ans.
Des fosses communes ont été récemment découvertes à Kabuga, cela a-t-il eu un impact sur le processus d’unité et de réconciliation ?
Tout d’abord, j’apprécie les personnes qui ont donné l’information nécessaire pour découvrir ces restes. C’est important. On ne peut que regretter que cela ait pris si longtemps.
Nous avons besoin et nous devons découvrir les dépouilles de ces personnes tuées. C’est important et c’est une bonne contribution à la réconciliation, car cela aide non seulement les survivants, mais aussi les personnes qui ont connu ceux qui ont été tués pendant le Génocide contre les Tutsis, les amis, les voisins et les parents.
Les victimes méritent d’être enterrées dignement. Pour un être humain, c’est important. Quand vous n’avez pas une sépulture décente pour quelqu’un que vous connaissez ou un parent, vous avez une blessure qui empêche la réconciliation, alors que lorsque les corps sont exhumés, cela aide à se connecter.
Avec le temps, nous continuerons à encourager les gens à la guérison, à la guérison sociale, ce qui passe par la communication dans les communautés.
C’est l’une des priorités de ces conversations parce que l’acte de révéler la vérité, le remords, la compréhension mutuelle et la souffrance d’autrui, la compréhension de la conscience de culpabilité des auteurs du crime, c’est lourd, ce n’est pas une chose facile. Il y a un besoin de soutien mutuel. À travers cela, certains seront courageux et révéleront l’emplacement des corps des personnes tuées.
Nous voulons encourager les amis et les parents à faire de même, pas seulement les autorités gouvernementales. Si des gens connaissent l’emplacement des corps, ils doivent être courageux, approcher leurs voisins, leurs amis et leurs parents pour les encourager à révéler cette information, et lâcher la pensée de la peur que s’ils révélaient cette information ils pourraient être pris pour responsables d’avoir tué ces personnes.
Quelle est la priorité actuelle dans la promotion de l’unité et de la réconciliation au Rwanda ?
Les jeunes, vous savez, ils sont majoritaires dans ce pays. Jeunes et femmes, vous êtes tout et vous êtes partout. Alors maintenant, les jeunes prennent la tête, il y a beaucoup d’organisations comme « AERG » et beaucoup d’autres composées de jeunes qui ont de l’énergie, qui sont engagés et qui aident le pays.
Les jeunes sont à l’avant-garde de nos priorités en matière de réconciliation. Nous considérons la jeunesse comme la première priorité à cause de beaucoup de choses y compris notre objectif de prospérité. Si vous planifiez la prospérité de la Nation, vous devez vous concentrer sur les jeunes. Les jeunes sont une majorité de la population, ils sont 45% à avoir aujourd’hui entre 18 et 30 ans.
D’une manière primordiale la génération actuelle est spéciale dans l’histoire du Rwanda. C’est une génération qui n’a pas été impliquée dans les dernières décennies de ce pays, mais qui fait face aux conséquences, les conséquences immédiates de la sombre histoire du Rwanda. Je parle de la sombre histoire non seulement du Génocide contre les [Ba]Tutsi, mais aussi d’autres événements tout au long de cette histoire, des gens qui restent en exil pendant de nombreuses années, ce qui est l’un des motifs de la libération par le FPR.
Les personnes qui vivaient au Rwanda ont été victimes de nombreuses injustices, y compris la torture et les meurtres, avant 1994. De nombreux Rwandais se sont vu refuser l’éducation, l’emploi, des injustices qui ont abouti à l’idéologie du Génocide et au Génocide de 1994 contre les [Ba]Tutsi.
Maintenant, suite au Génocide contre les Ba]Tutsi, des jeunes sont orphelins et se retrouvent aujourd’hui seuls responsables des jeunes frères et sœurs parce que leurs parents ont été tués ou que leurs parents ont participé au Génocide et sont maintenant en prison. Certains ont des parents encore en exil à cause du crime qu’ils ont commis. Donc, ces situations rendent la jeunesse d’aujourd’hui spéciale. C’est pourquoi ils ont besoin d’une attention particulière.
Quels obstacles y a-t-il à l’unité et à la réconciliation ?
Les problèmes, les obstacles, ils sont là. Selon le « Baromètre de la Réconciliation du Rwanda », nous réalisons que ces problèmes diminuent lentement. Ils sont toujours là mais ils diminuent.
Nous avons encore des gens qui ont l’idéologie du Génocide. Même aujourd’hui, les gens sont pris dans des actes de dénégation et ceci est connu comme la dernière étape du Génocide, le déni. Il y a donc des gens qui s’obstinent encore.
Il y a aussi des problèmes dans l’arène mondiale, et comment le monde fonctionne aujourd’hui.
Chaque pays est indépendant, nous avons des blocs régionaux, nous avons des organisations internationales telles que les Nations Unies, où les nations se réunissent pour se mettre d’accord. Mais comment les résolutions sont livrées, comment les gens s’engagent à mettre en œuvre les résolutions est un problème. Sur la base de la résolution de l’ONU (la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide), les autres pays, les Etats membres, ne devraient jamais tolérer la diffusion de l’idéologie du Génocide.
Ils devraient arrêter les auteurs du Génocide contre les [Ba]Tutsi, ceux qui sont soupçonnés, et les livrer à la justice, soit en les jugeant eux-mêmes, soit en les transférant au Rwanda. Avant il y avait la « Cour Pénale Internationale » (TPIR), qui, maintenant est dans son mécanisme résiduel. Quand elle était encore là, les États ont été invités à transférer des personnes là-bas ou à les transférer au Rwanda. S’ils n’avaient pas de lois contre l’idéologie du Génocide, ils étaient encouragés à avoir des lois, mais peu d’entre eux ont ces lois. Les appliquer est une autre chose.
C’est pourquoi vous trouvez des gens jouissant de la vie tout en diffusant l’idéologie du Génocide sur le territoire de certains pays membres de l’ONU, ce qui est étrange. Les États devraient s’engager sur ce qu’ils ont accepté. C’est donc un problème. Le monde d’aujourd’hui est comme un village, comme on dit, avec une communication rapide, de sorte que tout ce qui se passe dans un coin du monde traverse rapidement le monde par la communication.
Il faut aussi des années pour traiter juste un seul cas et ceux-ci sont des auteurs de Génocide contre les [Ba] Tutsi. Revenons à ceux qui, même dans la région, propagent l’idéologie du Génocide aujourd’hui : si vous connaissez les FDLR, un groupe rebelle armé composé principalement d’auteurs et d’idéologues du Génocide, ce n’est pas loin, c’est dans les forêts de la RDC qui est un pays voisin, membre de l’Union Africaine et d’autres blocs régionaux. C’est un Problème, mais bien sûr, nous ne pouvons pas simplement démissionner, les gens devraient continuer à pousser.
Au Rwanda, il y a l’environnement socio-politique qui ne permet pas la diffusion de l’idéologie du Génocide. Quand il y a un cas d’idéologie du Génocide, il est immédiatement rejeté par la société. Il est rapporté, il est dénoncé et il passe par le cadre légal qui existe, qui fonctionne bien.
Pourquoi les organisations telles que « CNLG » et « NURC » restent-elles nécessaires et importantes ?
En tous cas, ces organisations devraient être renforcées dans leurs fonctions. Je ne parle pas seulement de l’organisation mais de la fonction de la réconciliation, la fonction de la mémoire, à des fins de durabilité. Quand vous voulez que quelque chose soit durable, vous le mettez non seulement dans des politiques, mais vous devriez avoir un protocole fort pour le soutenir et vous devriez avoir des institutions fortes, parce que les leaders individuels font bouger les choses mais les institutions font durer les choses.
Posté le 22/05/2018 par rwandaises.com