Date: 20-novembre 2008
Parfois certains burundais par ironie ou par humour demandent à leurs voisins ou collègues rwandais, pourquoi ils ne veulent pas ou n’ont pas voulu rentrer. Et les autres leur répondent généralement que « home is where home is ».
On leur fait souvent le reproche de ne pas avoir pris le chemin du retour. Cette critique vient des deux côtés, de la mère patrie ou du pays d’accueil. Cependant les rwandais de la diaspora ne s’offusquent guère de ce reproche, ils trouvent leur choix judicieux, surtout que beaucoup ont fait ce choix cornélien parfois dans des périodes de tension et ne semblent pas le regretter aujourd’hui.
Rencontré dans une école secondaire où il enseigne les mathématiques entre le privé et le public, pour non seulement joindre les deux bouts du mois mais aussi avoir accès aux facilités accordées aux fonctionnaires/ Mutuelle de santé ou crédits aux enseignants.
Quand on demande à ce prof ourquoi il n’a pas rejoint le bercail, lui qui a tant milité pour la cause jusqu’à perdre deux de ses garçons partis au front, il répond : « Ma femme occupait un poste intéressant dans une entreprise de communication. Elle était tentée mais pensait surtout à la stabilité de la famille. » Il poursuit : « Nous venions à peine d’acquérir une maison dont il restait le paiement d’une traite d’une année ».
Avant de conclure : « les enfants commençaient à grandir et n’étaient pas chauds à l’idée de rentrer ». Avec un soupir, une pointe de regret et de se ressaisir : « Tu sait au départ, des amis deçus par le rapatriement me téléphonnaient ou venaient en visite me parler de leur désenchantement en termes de paiement correct de salaires, des conditions de vie et de toutes les leurs attentes jamais réalisées.
Cependant peu à peu leur statut a évolué socialement et profesionnellement. Je ne regrette rien précise-t-il, j’ai pu envoyer un garçon faire la médecine au Canada, son grand frère va bientôt terminer la même faculté ici à Bujumbura, ma fille cadette entame ses premières années d’étudiante en ingéniorat. Je vais de temps en temps au Rwanda, mais concède-t-il, je ne pourrai plus tenir le rythme avec le stress et toutes les conditionnalités pour pouvoir vivre en ville.
Si la paix pouvait aboutir vite au Burundi, rien au monde ne me ferait quitter Bujumbura. Je vis modestement mais à l’aise.
Même son de cloche chez une responsable d’une des grandes écoles privées de la capitale qui a innové en insérant une section informatique au secondaire dont les lauréats sortent avec un diplôme A2 en informatique de gestion et en maintenance, avec possibilité de poursuivre le soir une formation de niveau A1.
J’étais mariée à un burundais. J’ai essayé de le convaincre de refaire la vie au Rwanda. Il était au départ enthousiaste, ayant même cotisé pour le FPR et fait avec moi un voyage au front à Mulindi remarque-t-elle. Cependant les hasards de la vie ont fait que ce projet capote. D’une part, il avait obtenu un aval d’un crédit de 30.000.000 Fbu dans l’entreprise qui l’embauchait.
D’autre part, j’héritais d’une maison non familiale en tant que cadette restée à Bujumbura. Je ne voulais pas y habiter à cause de la charge émotionnelle. Elle soupire « j’y avais grandi fillette, adolescente, jeune femme etc. Avec le rire de mes grands frères et grandes soeurs. Je ne voulais pas y retourner avec un nouveau statut de mère. » Je considérais cela comme une régression. Je l’ai finalement vendue et j’ai demandé à mes frères et soeurs de partager l’héritage. Ils n’ont pas voulu, disant que j’étais leur ambassadrice au Burundi et qu’ils ne voulaient pas me laisser dans la précarité observe-elle.
Puis j’ai compris qu’ils voulaient que je reste. C’était sans doute sur insistance des parents de mes élèves, qui selon les confidences de mon mari me trouvaient enseignante de sciences et administratrice compétente. Ils ne voulaient pas que je parte, car ils craigaient la dislocation de l’école pour divers trafics d’influence.
Pourtant le destin s’est inversé ajoute-t-il, mon mari va parfois travailler pour son entreprise au Rwanda et ma fille et mon fils y poursuivent des études supérieurs. La première à nos frais, le second à ceux de ma famille au Rwanda. Et de terminer : « est pauvre en Afrique, celui qui n’a pas de parent. »
Un enseignant d’histoire marié à une burundaise, après 27 ans de métier au Lycée de Matana où il est arrivé en 1975, est finalement retourné au Rwanda sur pression de sa famille et la promesse d’un salaire intéressant.
Il me confiait récemment dans un bar de Bwiza : « Je suis né à Gitega où mon père était fonctionnaire de la coloniale. Je n’ai jamais voyagé à l’étranger. » Il renchérit : « Mon école Primaire a été fait à Gitega. Mes études secondaires à Bujumbura et mon université. Je l’ai continuée dans la même ville . »
Envoyé à Matana, j m’y suis marié et j’ y ai travaillé 27 ans de ma vie. J’ai un salaire intéressant, je me suis construit une maison. Mes enfants et ma femme s’adaptent. 6 ans après, je prends goût peu après et m’acclimate au Rwanda.
Cependant, le Burundi malgré ses problèmes me manque. Et je ne sais pas pourquoi, je ne parviens pas à vendre ma maison de Matana.
Plus l’attachement à l’Eglise que son identité rwandaise pour rester au Burundi.
Nombreux commerçants, cadres voire même religieux rwandais ont préféré s’installer au Burundi. J’ai tenté l’aventure au Rwanda concède un jeune homme d’affaires engagé dans le bâtiment depuis des années au Burundi. Je n’ai pas suivi le rythme note-t-il, la concurrence était plus féroce et je n’avais plus mes relations dans la clientèle et l’administration. Au bord de la faillite, je suis retourné au Buundi où la vie a recommencé avec succès.
Rencontré au fin fond du Burundi à l’Est dans une paroisse, un prêtre d’une trentaine d’années dit avoir été tenté également par l’aventure.De père rwandais et de mère burundaise, il ne s’agit point de son métissage que de son attachement à l’evêque de Ruyigi et à son diocèse qui l’a poussé à s’ancrer plus au Burundi.
La catholicité signifie également l’universalité, j’obéis d’abord à mon evêque avant mes penchants identitaires. Je célébre d’abord l’eucharistie et enseigne la bonne nouvelle quelque soit mon auditoire pourvu qu’il s’articule dans la chrétienté, nous quitte le prêtre avec une pirouette.
Toujours au nord du Burundi, un ancien marin reconverti dans l’agriculture et l’élevage après avoir bourlingué dans le lac Tanganyika sur un navire commercial, au lendemain des études en Belgique, un séjour non concluant aux Etats-Unis puis une réinstallation définitive en Angleterre où il obtient la nationalité ; décide finalement de retoruner dans le pays le Peter Nkurunziza.
Pourtant, il avait accompli le retour initiatique au Rwanda où il avait été adoubé comme haut fonctionnaire dans le domaine des transports.
Quand on lui demande pourquoi il a abandonné son poste dans le commerce électronique à Londres, il se confie : « Dernier de ma famille, mon père ne voulait pas se réinstaller à plus de 70 ans au Rwanda, après avoir passé toute sa vie au Burundi. »
Je suis rentré pour l’aider à bien vieillir (gusaza), étymologiquement en Kinyarwanda mourir. Il s’enthousiasme puis tempère son discours « parfois je me décourage avec le procès interminables parce que mon père a investi dans le foncier ». Mais ici, je retrouve mes racines et joue à fond une vie sociale consacré aux autres, surtout aux manoeuvres agricoles et aux bergers du domaine familial.
A l’écoute des ces témoignages, les confidences de la diaspora rwandaise au Burundi oscillent entre la nostalgie du pays mais aussi l’appartenance à part entièrement Burundi.
Génération CEPGL : rwandais mais aussi burundais et congolais.
Un journaliste reconverti dans la communication au sein des Nations Unies au Burundi trouve que le débat du retour et de l’installation ne trouve aucun fondement. Il ne s’agit que de constructions mentales et culturelles, sans aucune assise géographique. Avec une bonne voiture, en moins de trois heures ou quatre heures, on se retrouve à Butare, Kigali, vice-versa à Bujumbura et Ngozi.
L’histoire de nos pays a connu des péripéties tragiques. Par nos propres fautes et celles de la colonisation, il a failli de peu qu’une union effective naisse entre nos deux pays désignés à juste titre comme des vrais jumeaux.
Regardez toutes les tentatives menées pour créer de bars ou des organisations rwandaises non encadrées par l’Ambassade ont échoué à Bujumbura et à l’intérieur du pays.
Pourquoi à votre avis m’interroge-t-til ?
Quand je lui renvoie la question, il répond : « les rwandais au Burundi assument leur identité plurielle. » D’ailleurs toi-même me fixant du regard, génération CEPGL burundais par la nationalité et la culture, rwandais par les origines et la nationalité, puis congolais par les études et la fascination pour la musique et la littérature, comment ne pas te retrouver bien installé et serein au Burundi ou ailleur.
Source :RNA
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