Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)est sur le point d’achever au moins deux plaidoyers de culpabilité, parmi lesquels celui d’un ancien chef Interahamwe, Joseph Serugendo, qui a comparu en audience à huis clos le 15 mars. D’autres accusés se préparent déjà à leur emboîter le pas. Tandis que certains détenus observent avec intérêt le résultat de ces négociations avec le bureau du procureur. Mais le sujet demeure sensible et le tribunal de l’Onu se montre fébrile dans la conduite de cette stratégie pourtant jugée essentielle à l’achèvement des procès avant 2008.
Le 15 mars, une audience à huis clos s’est secrètement tenue à Arusha. Un seul homme y comparaissait, un accusé : Joseph Serugendo, ancien dirigeant de la milice Interahamwe et ancien chef technique de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM). Serugendo a été arrêté le 19 septembre 2005. Depuis, il est détenu à l’écart des autres prisonniers du TPIR. Le bureau du procureur admet être en négociation avec lui. « Les négociations avancent de façon satisfaisante et les résultats seront communiqués le moment opportun », indique, sans autre précision, le chef des poursuites Stephen Rapp. De telles négociations sont toujours un sujet sensible avant leur aboutissement. Elles ne font, en revanche, jamais l’objet d’une telle audience secrète, pas même annoncée au calendrier du tribunal. Parquet et défense observent un silence total pour, disent-ils, des « raisons de sécurité ».
En cas d’accord de plaidoyer de culpabilité entre le bureau du procureur et Serugendo, le texte comprendra, à la lumière des plus récentes expériences, au moins une réduction du nombre de chefs d’accusation et un accord entre les parties sur une « fourchette » d’années de prison requises contre l’accusé – proposition que, devant les tribunaux de l’Onu, les juges ne sont pas tenus de respecter. Si la stratégie d’obtention d’aveux répond à un souci pragmatique aisément compréhensible, la fébrilité de la cour et sa difficulté à l’assumer est pourtant marquante. Le huis clos observé le 15 mars en est un signe. Le fait qu’une négociation aussi sensible se soit déroulée en la seule présence d’un « conseil de permanence » – avocat normalement désigné pour traiter de simples questions procédurales juste après le transfert du suspect – en est un autre.. Jamais pareille transaction ne s’est déroulée au TPIR sans qu’un avocat eut été dûment désigné pour défendre les intérêts de l’accusé. « Les intérêts de M. Serugendo sont vigoureusement représentés par Me Cecil Maruma. Me Maruma est le conseil de permanence de Serugendo, mais il a reçu instruction du tribunal d’assumer le rôle de conseil principal en attendant sa désignation officielle comme conseil principal par le greffe, ce qui devrait intervenir dans un avenir proche », explique Stephen Rapp, tandis que l’avocat tanzanien ne répond à aucune question.
Autre signe de fébrilité : deux mois après avoir accepté – non sans y mettre des obstacles – les aveux d’un ancien maire, Paul Bisengimana, les juges d’Arusha n’ont toujours pas décidé de la peine à lui infliger alors que les parties s’étaient accordées sur une fourchette resserrée, entre 12 et 14 ans de prison. Jamais délai n’a été aussi long pour une telle procédure depuis 1998. L’enjeu est pourtant de taille. « Tout le mécanisme est en attente sur ce jugement car d’autres accusés sont dans les starting blocks » pour décider de passer aux aveux, s’inquiète un conseil de la défense.
Comment parvenir à terminer les procès en première instance avant fin 2008, comme le TPIR s’y est engagé, lorsque plus de 40 accusés sont en cours ou en attente de procès ? Dans la mesure où, en dix ans, le tribunal d’Arusha en a jugé 26 (dont quatre ayant plaidé coupable), une solution paraît clairement se présenter : convaincre une partie des accusés à reconnaître leur participation au génocide de 1994. Le Rwanda l’a déjà fait à grande échelle. Au cours des dernières années, le gouvernement rwandais a incité aux aveux en échange d’un allègement des peines. Plus de 30 000 accusés de génocide ont ainsi décidé d’avouer leurs forfaits. À sa manière, 12 ans après le crime, le parquet du TPIR a décidé d’appliquer la même recette. http://www.rnw.nl/node/24512
Posté par rwandaises.com