Depuis la dernière visite au Congo du Roi des Belges, un quart de siècle s’est écoulé et seuls les plus vieux des Kinois se souviennent encore de ce dernier passage de « Bwana Kitoko », le « joli garçon » qu’ils avaient tant admiré dans les années qui précédèrent l’indépendance…
Durant ce long laps de temps, les pages de l’histoire ont tourné, à toute vitesse, en Europe comme en Afrique, et la République démocratique du Congo présidée par Joseph Kabila n’est pas plus le Zaïre de Mobutu que la Belgique d’Albert II n’est celle de Baudouin Ier…En 1985, le maréchal-président, qui n’avait pas encore entamé sa descente aux enfers et achevé de ruiner son pays, pouvait encore accueillir avec faste et effusion son « cousin », jouer sur le registre des relations personnelles et des « intérêts bien compris », proclamant que la Belgique et le Zaïre étaient « condamnés à s’entendre »…Quant au roi Baudouin, il était encore le vertueux symbole d’un pays unitaire, le « père » incontesté d’une nation qui n’avait pas terminé sa mue institutionnelle.
Ce n’est qu’à partir des années 90 que l’histoire allait rebattre les cartes et précipiter la rupture : la fin de la guerre froide allait démonétiser Mobutu plus sûrement encore que l’opposition politique et la crise économique et sociale, tandis que l’opinion belge, radicalisée par les abus du régime et scandalisée par un massacre d’étudiants à Lubumbashi approuvait le retrait de la coopération et la mise à l’index d’un Mobutu qui n’allait même pas être invité aux funérailles du roi Baudouin…
Il fallut attendre 1999 et l’arrivée aux affaires étrangères de Louis Michel pour que la Belgique se soucie à nouveau de son ancienne colonie. Entretemps, le Zaïre devenu République démocratique du Congo, avait touché le fond : non seulement il avait été ruiné par des années de gabegie et de dictature, mais la guerre menée depuis les pays voisins l’avait morcelé en trois zones distinctes, à tel point que sa pérennité même était mise en doute et qu’il était devenu l’exemple même d’un Etat en faillite…De son côté, la Belgique avait perdu sa puissance industrielle et financière, s’était enlisée dans des querelles que nul n’aurait osé qualifier de tribales tout en faisant preuve d’une extraordinaire inventivité institutionnelle…
C’est d’un Congo divisé, pillé, dont les populations avaient été massacrées, humiliées et asservies que Joseph Kabila hérita en 2001, au lendemain de l’assassinat de son père Laurent Désiré.
Peu à peu, la Belgique conjugua efforts diplomatiques et assistance humanitaire pour aider le pays à se remettre debout ; l’Europe se préoccupa enfin de cette immense zone de non droit au cœur de l’Afrique, où évoluaient seigneurs de la guerre, milices armées et aventuriers avides de matières premières, l’Onu déploya une imposante force de paix, l’Afrique du Sud mit en œuvre son volontarisme diplomatique…En 2006, des élections démocratiques légitimèrent les institutions mises en place au terme de laborieuses négociations, tandis que Joseph Kabila, après avoir traversé une difficile période de transition, incarnée par la formule « un plus quatre » finissait par l’emporter sur son rival Jean-Pierre Bemba avec 58% des voix.
Au cours de cette dernière décennie, au grand regret des Congolais, les milieux d’affaires belges se sont détournés de l’ancienne colonie, ses ressources potentielles étant occultées par la corruption et le désordre, cédant la place à des nouveaux venus. A la faveur de ce désintérêt et de la mondialisation, la présence de l’ancienne métropole s’est réduite comme une peau de chagrin. Le Congo s’est trouvé d’autres partenaires, d’autres amis tandis que la Belgique consolidait pour sa part son ancrage européen et réduisait ses ambitions. Cependant, la coopération est revenue, la solidarité de l’opinion belge avec les populations congolaises ne s’est jamais démentie, la présence des Congolais en Belgique s’est intensifiée et alimente le débat politique à Kinshasa comme à Bruxelles.
Tout a changé certes et si à Kinshasa Albert II devra partager les honneurs avec bien d’autres chefs d’Etat amis, ce qui est, curieusement, resté pareil, c’est la particularité du lien qui unit ces deux peuples : la passion n’est jamais loin, l’amour côtoie la détestation ou le mépris, d’un côté les attentes sont trop élevées et de l’autre, l’indulgence est impuissante et les critiques trop acerbes ne tiennent pas compte du chemin parcouru et des perspectives d’avenir…
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/03/10/deux-partenaires-qui-ont-change-chacun/
Posté par rwandaises.com