(La Nouvelle Tribune (Bn) 22/08/2008)

« Aller au-delà des intérêts nationaux, chercher à partager équitablement, avec une vraie vision globale» Personne ne nie l’impact quasi mécanique – selon le professeur Philippe ENGELHARD de l’Enda-Tiers-Monde – du commerce international sur les économies de petite taille où la part relative des exportations par rapport au PNB est généralement plus élevée que dans les grands pays.

Mais cet impact du commerce international est il vraiment durable ?

Et, peut-il conduire à une croissance durable et soutenue, de la manière dont il est configuré aujourd’hui ? Le commerce international, le multilatéralisme, ne semble t’il pas être une caution institutionnalisée – à travers l’OMC – pour mieux obstruer les velléités de développement des pays pauvres ? Les pays riches ne bloquent-ils pas volontairement le développement des pays pauvres pour rester toujours riches et puissants ? Oui le jusqu’auboutisme des négociateurs – représentant les intérêt de leurs Etats respectifs – le laisse présager. Et les pays riches n’ont pas envie que le centre d’intérêt change de direction.

Exportez, exportez ! Le reste vous sera donné par surcroît !

Un discours ultra libéral qui a cessé de faire depuis l’unanimité. Agrégeons que des pays se sont développé grâce à l’exportation massive de produits primaires. Et il me plait ici de rappeler les cas de la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Argentine etc… Des pays qui ont bien profité de la mondialisation « protégée » pour sortir en l’espace d’une décennie, la plus grande partie de leur population de la pauvreté.

Mais les pays africains encouragés et contraints à aller dans cette voie d’exportation brute et massive et d’importation sans protection ni barrières autonomes, arriveront-ils vraiment à en tirer un essor pour leur développement ? Il ne faut pas se leurrer. Si la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Argentine et autres ont puis tirer convenablement profit de cette mondialisation c’est qu’ils ont compris avant tout que cet multilatéralisme occulte les règles élémentaires du protectionniste, du dumping et des subventions – synonymes d’essor économique, de développement de la balance commerciale et surtout procure un acabit fort utile lors des négociations commerciales.

Si l’Afrique elle, est restée dans son état embryonnaire de développement c’est qu’elle n’a pas su se forger cette protection naturelle à même de lui permettre de maîtriser et de développer son marché intérieur. Elle a surtout été contrainte et forcée par le truchement de pactes et accords de partenariat scélérats de s’ouvrir et de s’offrir à l’exploitation éhontée et à l’épuisement de ses ressources et matières premières, agricoles, minerais, pétrole et divers, dont les cours et conditions d’achat sont déterminés par les acheteurs eux-mêmes.
Les accords APE controversés, car inadaptés et inapplicables dans cette difficile conjoncture de crise alimentaire mondiale. Oui, ces accords APE dénonçons-les, car ils vont créer ni plus ni moins :
– la régression des recettes fiscales, du fait de leur application – comme tel que l'exige a l'Union européenne. Et déjà une très sérieuse étude menée au Cameroun, par le ministère des finances de ce pays, fait montre d'un montant cumulé de 2.470 milliards de FCFA à l'horizon de 2030, de régression des recettes fiscales rien qu'au niveau du Cameroun. Cette étude indique aussi que le manque à gagner annuel de recettes fiscales s'élèvera graduellement de 4 milliards FCFA en 2010 à 129 milliards FCFA en 2013 et 233 milliards FCFA en 2030.

De plus l’échec de la réunion de Genève devant boucler le cycle ouvert à DOHA en 2002 ; toutes ses choses renforcent notre conviction que lorsque l’Afrique n’est pas brimée et ligotée par des accords scélérats, elle est ignorée ou intimidée et divisée lorsqu’elle essaye de se faire entendre pour défendre ses intérêts. Et nous l’avons constaté, tout récemment encore à Genève – dans quelle indifférence et avec quelle insolence les représentants ACP ont été traités par les USA et l’Ue, justement au sujet des bananes et du coton et des subventions agricoles entre autres.

Cette mondialisation subie sans défense par l’Afrique ne saurait être jugée seule responsable de tous les maux. Car, c'est elle qui a fait des miracles sous d’autres cieux. C’est elle, c’est vrai qui a permis que 300 millions de Chinois sont sortis en dix ans de la pauvreté extrême, que de grands pays comme l'Inde, le Brésil et bien d'autres, de taille moyenne, soient rentrés brusquement dans le jeu du progrès. Mais faut-il occulter la part de leur propre génie, de leurs fondamentaux culturels à tous ses pays? Tous ses pays dits émergents n’avaient-ils pas aussi subit les diktats du commerce international, de par un passé récent, blessant et humiliant pour eux ?

Les réflexes hérités ou appris des anciens maîtres ou meneurs capitalistes, n’ont-ils pas été utilisés contre ces mêmes anciens maîtres ou meneurs capitalistes, dans l’entre jeu de la maîtrise de l’enjeu du développement et de la protection du marché intérieur d’abord ? Les échecs accumulés par le multilatéralisme mondial depuis le GATT et l’Uruguay round, l’OMC et le cycle de DOHO et la dernière réunion de Genève, sont les conséquences de dures résistances de la part des pays émergents, ensuite. Lesquels pays émergents ont, enfin, rappelé de manière cinglante aux grands et très riches capitalistes qu’ils n’ont pas seuls le droit de se développer ni de consommer du luxe.

Et quand à l’Afrique, elle a compris depuis longtemps – à ses dépens – que les pays riches – surtout l’Ue pour des considérations politiques d’intégration régionale, préfèrent détruire leurs excédents de production agricole ou de pêche pour des raisons de quotas que d’en faire un usage charitable. Exportez, exportez, le reste vous sera donné par surcroît……..Cette cynique maxime économique se passe aujourd’hui de commentaire.

L’instruction est la clé de tout, c’est la base du capital intellectuel

L’Afrique périra si elle continue à consommer ce qu’elle ne produit pas et à produire ce qu’elle ne consomme pas , dixit Philip EMEAGWALI informaticien nigérian surnommé le père de l’internet par CNN et le Times, et qualifié de Bill GATES africain par Bill CLINTON. Monsieur EMEAGWALI est aussi récipiendaire du Prix Gordon Bell (équivalent du Prix Nobel dans le domaine informatique).
Selon Philip EMEAGWALI, « la pauvreté africaine n’est pas due qu’à l’absence d’argent, elle est plutôt due à l’absence de connaissances : le capital intellectuel, c'est-à-dire le patrimoine de connaissances collectives nécessaire à un peuple pour donner l’impulsion du développement. C’est ce capital intellectuel qui fait la différence entre les occidentaux, les asiatiques et les africains.

Ce capital intellectuel européen, – c'est-à-dire le patrimoine de connaissances collectives de son peuple – « lui permet d’acheter, de transformer et de les livrer avec une valeur ajoutée 50 000 fois supérieure 100 dollars en barres de fer achetées à l’Afrique. »
L’absence du capital intellectuel est donc la plus grande cause de la pauvreté en Afrique. Le problème reste donc entier, car ce n’est pas demain la veille que les pays riches et émergents vont consentir à un transfert des technologies et des compétences vers l’Afrique, au risque que l’économie mondiale ne change de direction dans 30 ou 40 ans – avec la probabilité d’une Afrique industrialisée et intégrée -. Il va bien falloir les contraindre à cette fatalité économique.

D’abord harmonisons nos règles et textes. Amorçons et finalisons des intégrations économiques régionales. Faisons le pari de l’intelligence et encourageons la diaspora à s’intéresser davantage aux problèmes de transmission du savoir et du développement local. Faisons le pari de l’attraction et de l’attractivité du continent africain, le pari de la modernisation aussi en mettant en plus l’accent sur la formation professionnelle, l’automatisation et l’informatique.

Préparons par l’éducation et la formation les meilleures conditions d’acquisition, de transfert des compétences et savoirs afin d’attirer les délocalisations d’entreprises et les flux humains vers le continent. Le chemin reste long et la volonté peine et tarde à s’afficher ou s’affiner.
Mais, c’est reconnaître vraiment que sans un capital intellectuel africain, le fer extrait de l’Afrique continuera à être transformé en Europe et à être réexporté en Afrique toujours à des prix énormes. Et bien d’autres matières premières, agricoles, minerais et pétrole continueront à subir la même logique et étreinte domination.

Le capital intellectuel africain, a bien des égards et dans beaucoup de secteurs et filières des industries de transformation, de fabrication, construction et la recherche et développement, semble être indubitablement et volontairement atrophié. Par qui, comment et pourquoi ? Comment sortir le continent africain de cet état structurel de pauvreté endémique ?
Pour rompre avec ce schéma, le continent devra promouvoir la créativité et l’éducation, indispensables pour donner de la valeur à ses matières premières. L’éducation réduit plus vite la pauvreté que le pétrole. C’est le capital intellectuel par excellence.

“Le pouvoir, économique comme culturel, est en train de se déplacer dans le monde. La Chine est en train de se réveiller, l’Inde se réveille. Et l’Afrique aussi est en train de se réveiller. Nous devons libérer nos esprits. L’instruction est la clé de tout et nous devons faire en sorte qu’elle arrive à tous les niveaux. Il existe de nouvelles frontières à franchir et définir dans ce paradigme qu’est la globalisation : pour une véritable émancipation, tous doivent travailler ensemble. Le monde se déplace dans une direction qui implique des dirigeants dotés d’une ample vision, capables de dépasser les divisions tribales, nationales ou continentales”.

Dixit, John Agyekum Kufuor, président du Ghana, intervenant aux célébrations de Port of Spain, capitale de Trinité et Tobago, dans les Caraïbes, à l’occasion de la Journée nationale pour l’abolition de l’esclavage. Invité d’honneur pour le 170ème anniversaire de la libération des esclaves africains, Kufuor a également rappelé l’importance de la contribution intellectuelle donnée par la diaspora noire au processus de décolonisation et a cité des personnages de référence comme Martin Luther King et le panafricaniste caraïbe Gorge Padmore.

Par GUILLAUME ADOUVI – DP www.sikainfo.com