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Rapport rwandais: la France s’aveugle
(Bakchich 14/08/2008) Le pesant boulet que traîne la France depuis le génocide des Tutsis rwandais s’est considérablement alourdi au creux du mois d’août, avec la publication à Kigali de l’épais rapport de la commission Mucyo. Les réactions outragées du ministre de la Défense Hervé Morin, du général Lafourcade, ancien commandant de Turquoise et de quelques responsables politiques mis en cause dans le rapport ne sont pas à la hauteur de l’événement. Paris n’a, semble-t-il, pas pris conscience de l’ampleur du phénomène. Pour la première fois, un petit pays pauvre d’Afrique, où ont été massacrés en 100 jours plus de 800.000 personnes, analyse minutieusement l’ensemble du contexte dans lequel s’est enclenché, puis déroulé le génocide dont a été victime la composante Tutsie de sa population. À chaque étape du processus génocidaire, des acteurs français – civils et militaires – sont impliqués et désignés avec les précisions disponibles. Contrairement à ce que prétendent les officiels français, ce rapport de a commission Mucyo n’est pas un tissu d’élucubrations « manquant d’impartialité ». Il repose largement sur des travaux – non contestés – qui l’ont précédé : la commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur le Rwanda et la mission d’information des députés français. A ces éléments connus viennent s’ajouter des documents inédits provenant notamment de l’ambassade du Rwanda à Paris et des archives des ministères rwandais, ainsi que des témoignages nominatifs recueillis par la commission rwandaise auprès de dizaines de personnes, tant au Rwanda qu’en Europe. Parmi eux figurent des témoins que la mission parlementaire française a préféré ne pas entendre ; c’est notamment le cas de Venuste Kayimahé, auteur de France-Rwanda : les coulisses du génocide, qui était pourtant venu tout exprès à Paris pour être auditionné par les députés. Celui-ci, employé Tutsi au centre culturel français de Kigali, relate en détail comment, malgré la présence de militaires français, il a été abandonné par ses employeurs et livré à une mort à laquelle il n’a échappé que par miracle. Ce qui n’a pas été le cas de la plupart de ses collègues du centre culturel, comme de l’ambassade de France. Les soldats français triaient les Tutsis aux portes de l’aéroport de Kigali Constatant la gravité des faits, M. Denblyden informa les responsables militaires français et de la Minuar, (Mission des Nations Unies au Rwanda) et reçu comme réponse : « Je suis monté à l’étage où se trouvait le colonel Poncet qui commandait l’opération Amaryllis, je lui ai fait part du problème. Il a haussé les épaules, le colonel Morin, qui était à ses côtés, m’a demandé de ne pas me mêler de ça. J’ai contacté tout de suite le général Roman et l’officier d’opération […] je leur ai fait part du problème comme j’estimais devoir le faire. […] Un sous-officier français est intervenu en me disant que les Belges n’avaient rien à voir avec ça, que c’était le problème des Français. Nous étions au troisième jour d’Amaryllis ». Finalement, M. Denblyden constata que les personnes étaient tuées près de cette barrière : « des corps jonchaient le sol en contrebas à droite de l’aéroport ». D’autres Rwandais, proches du Hutu power (initiateur et acteur du génocide), ont eux été évacués, dès ce moment-là, par l’armée française… La participation française aux préparatifs du génocide, thèse soutenue par le rapport rwandais, outre la formation et l’armement des milices, est notamment étayée par des fac-similé des documents administratifs du fichage informatique des citoyens Tutsis, réalisé par des gendarmes français, pour le compte de leurs collègues rwandais du CRCD (Centre de Recherche Criminelle et de Documentation). Pas difficile d’imaginer l’usage qui a été fait de ce fichier… Proposition de règlement diplomatique entre le gouvernement rwandais et l’État français, sous conditions Dans ses conclusions, La Commission demande au Gouvernement rwandais de se réserver le droit de porter plainte contre l’État français pour sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994 au Rwanda devant les instances judiciaires internationales habilitées. Mais elle suggère aussi de trouver un règlement diplomatique de la question avec l’État français dans la mesure où ce dernier est prêt à reconnaître l’entière étendue de sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide au Rwanda et de prendre les mesures de réparation conséquentes en accord avec le Gouvernement rwandais. Depuis 1994, le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, le président des États-Unis Bill Clinton, le premier ministre belge Guy Verhofstadt, sont venus à Kigali présenter leurs excuses au peuple rwandais. La France, principal acteur extérieur au Rwanda en 1994 s’y est toujours refusée. Une posture d’avenir ?
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