Ray Charles : Biographie
Le Genius Ray Charles s'est éteint le jeudi 10 juin 2004, à son domicile américain de Beverly Hills, d'une maladie du foie. Avec sa disparition, c'est toute la musique soul qui est en deuil.
A lui seul, ce musicien de génie réunissait toutes les contradictions. Né pauvre, noir et très jeune devenu aveugle, il a renversé toutes les idées reçues et franchi tous les obstacles pour s'imposer comme l'un des plus grands artistes de son temps, et un prophète de la soul et du blues.
Aveugle à 7 ans
Né en Géorgie, dans la petite ville d'Albany, le 23 septembre 1930, Raymond Charles Robinson n'a pas la chance de grandir dans un milieu favorisé. Bien au contraire, le racisme quotidien de cette Amérique sudiste l'enfonce dans sa pauvreté et la misère la plus profonde.
Né d'une union illégitime, il est élevé par l'épouse de son père présumé. Des conditions extrêmement difficiles que vient compléter la mort de son petit frère George en 1935, noyé dans une lessiveuse. Quelques mois plus tard, Ray est atteint d'un glaucome qui le plonge définitivement dans l'obscurité. Il a cinq ans, et la vie charrie son lot de souffrances, comme un vieux blues né dans les plantations de coton.
Découverte de la musique
C'est dans la musique que le petit Ray trouve son réconfort. Tout d'abord en découvrant le piano avec son vieux voisin, qui lui fait pour la première fois caresser le clavier. Puis, entré à l'école pour aveugle de San Augustine à l'âge de sept ans, il y découvre les plus grands musiciens classiques et modernes, et y développe une oreille musicale parfaite.
Pendant des années, il apprend à vivre avec son handicap. Il perd successivement sa mère et son père, à quelques années d'intervalle. Orphelin, il n'a plus aucune raison de revenir dans sa Georgie natale. Il se plonge avec encore plus de frénésie dans l'apprentissage de la musique.
Quincy Jones
Sa cécité n'est plus un obstacle pour lui et il fonde, à seulement dix-sept ans, dans la ville de Seattle, sa première formation jazz, le Mc Son Trio, et compose ses premières chansons. Il fait aussi la connaissance de sa première compagne, Louise Mitchell, qui lui donnera un enfant (il en aura en tout onze avec de nombreuses femmes !) et, surtout, de celui qui allait devenir son meilleur ami et un grand producteur: Quincy Jones.
Puis Ray devient le musicien attitré de plusieurs artistes déjà reconnus, et en profite pour changer son véritable nom en Ray Charles, évitant ainsi l'homonymie d'une autre célébrité Ray "Sugar" Robinson.
C'est à Seattle que notre Ray Charles commence réellement sa carrière. De clubs en boîtes de nuit, tout le monde se presse pour écouter ce génie noir et aveugle, réinventer la musique noire américaine, à base d'un sublime cocktail de gospel, de jazz, de blues et de soul. Nous sommes au début des années 50 et la légende Ray Charles est en marche.
I've Got a Woman
Ses premiers succès ont un parfum de scandale, notamment le torride I've Got a Woman en 1954, qui choque les puritains et ravit les opprimés. Ces derniers trouvent en Ray Charles, une forme de rébellion contre le système, les injustices, et le racisme.
Si le musicien sombre lentement dans la drogue, sa musique, elle, a la force explosive du rock, et agite les années 50. Durant des années, son existence sulfureuse le conduit de défaites en divorces, de conquêtes en échecs, et le prend au piège de l'héroïne.
What I'd Say
La magie Ray Charles prend toutefois naissance au début des années 60 avec l'incontestable succès planétaire de plusieurs de ses tubes: Georgia on my Mind en 1960, Hit the Road Jack en 1961, puis le magique What I'd Say, devenu son titre phare et l'une des chansons les plus célèbres au monde.
Sa voix chaude est inimitable. Son succès auprès des jeunes et des femmes est gigantesque. Le petit enfant pauvre et aveugle d'Albany a pris sa revanche. Il conquiert ensuite l'Europe et chante pour la première fois à Paris en octobre 1961, où sa prestation fédère la jeunesse, la profession et les amateurs de musique soul.
Après une arrestation à Boston en 1964 en possession d'héroïne, le musicien s'engage à suivre une cure de désintoxication et se débarrasse enfin de la drogue en quelques mois. Sa carrière s'en trouve grandie, son état de santé lui autorisant plus aisément les interminables tournées, interviews et séances d'enregistrement.
10.000 concerts…
Il consacre le reste de sa carrière aux concerts, jusqu'à son 10.000ème le 22 mai 2003. Durant des décennies, sa notoriété ne fléchira pas. Il continue de composer, d'enregistrer, de se produire en concerts dans le monde entier. Il enregistre pour le cinéma ou participe à la chanson We Are The World, pour laquelle nombre d'artistes américains chantent contre la famine en Afrique.
Sa notoriété est permanente et sans faille. Personne ne parvient jamais à égaler cet artiste hors-norme. Les plus grands artistes noirs, de Stevie Wonder à Quincy Jones, reconnaissent en lui The Genius et se rassemblent pour lui rendre hommage.
Sans égal, Ray Charles a su s'extirper de la misère à laquelle il était condamné. De ses handicaps sociaux, physiques, raciaux, il a fait une force et est devenu, en quelques années, un des plus grands musiciens noirs américains de tous les temps, l'égal d'une Ella Fitzgerald, d'un Miles Davis ou d'un Nat King Cole.
Il consacrera sa vie à la musique, sa seule réelle façon de "voir" le monde et d'exprimer son "âme". Il s'est approprié le jazz, le blues, la soul, et même la country, pour inventer un style indéfinissable et inimitable. I've Got a Woman, What I'd Say, Unchain My Heart, Hit The Road Jack, Georgia On My Mind, sont autant de tubes interplanétaires qui resteront à jamais gravés en nous, et qui marquent définitivement le style Ray Charles sans jamais pouvoir l'expliquer.