mercredi 29 octobre 2008
Quelque 30.000 civils ont fui l'avancée des rebelles dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et se sont réfugiés dans le camp de Kibati à 10km au nord de Goma. ASSOCIATED PRESS/Karel Prinsloo
KILIMANYOKA, Congo-Kinshasa — Les hommes de Laurent Nkunda se rapprochaient mardi inexorablement de Goma, capitale du Nord-Kivu, malgré l'intervention des hélicoptères de l'ONU. L'armée régulière congolaise et l'ONU sont en déroute, et des dizaines de milliers de civils fuient devant les rebelles dans cette région de l'est du pays.
Le camp de déplacés de Kibati, situé à quelques kilomètres de la ligne de front, a triplé de taille en quelques heures, selon Ron Redmond, porte-parole du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Des milliers d'autres réfugiés sont attendus.
Dans ce camp mardi, des jeunes ont jeté des pierres sur trois chars de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC), dont les soldats uruguayens étaient en train de s'éloigner du champ de bataille. "Mais que font-ils? Ils sont censés nous protéger!", s'indignait Jean-Paul Maombi, 31 ans, infirmier à Kibumba.
Le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, Alan Doss, a affirmé à Kinshasa qu'idéalement, il aimerait recevoir immédiatement un renfort de troupes, mais que les Nations unies ne pensaient pas que c'était possible en raison du temps nécessaire pour approuver le budget et demander aux pays membres d'envoyer de nouveaux soldats.
Chaque jour, une centaine de personnes, surtout des femmes et des enfants, se réfugient en outre de l'autre côté de la frontière, en Ouganda, selon la Croix-Rouge de ce pays.
Le chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), Laurent NKunda, avait bien signé un cessez-le-feu avec Kinshasa en janvier, mais il a repris les armes, accusant les autorités gouvernementales de ne pas protéger la minorité tutsie, qui représente environ 3% de la population de l'Est du Congo-Kinshasa.
NKunda s'est auto-proclamé défenseur de son ethnie contre les anciens miliciens rwandais réfugiés dans cette région des Grands Lacs après le génocide de 1994 au Rwanda, dans lequel au moins 800.000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés. Les Hutus sont majoritaires dans la région, où leur ethnie représente environ 40% de la population.
L'ex-général Nkunda, qui a lancé une nouvelle offensive le 28 août, a juré de s'emparer de Goma, ville de 600.000 habitants à la frontière avec le Rwanda, puis au-delà, de "libérer" tout le pays. La République démocratique du Congo (RDC) est riche en diamants, or et autres ressources minières qui ont largement alimenté les guerres successives de 1997 à 2003.
A Kinshasa mardi, le représentant du CNDP, Dieudonné Kalindyé, a été arrêté, selon des sources proches des services de sécurité.
En deux mois, les combats entre les forces du CNDP et l'armée régulière congolaise ont fait plus 200.000 déplacés, venus s'ajouter aux 1,2 million de déplacés des conflits antérieurs dans l'Est. Dans les camps, la misère, le choléra et la dysenterie combinés ont fait des dizaines de morts.
La MONUC explique que le terrain accidenté, avec ses montagnes, ses épaisses forêts tropicales, et son climat, complique toute opération, d'autant plus que le CNDP recourt à des tactiques de guérilla.
"Nous ne pouvons pas utiliser les hélicoptères pour les empêcher d'avancer parce qu'ils se cachent en brousse, multiplient les fronts et se mêlent à la population", s'est justifiée la responsable de la mission locale de l'ONU, Hiroute Guebré Selassié, lundi devant des responsables locaux en colère. Ces représentants civils emmenés par Jason Luneno ont déclaré que si la MONUC ne bloquait pas les rebelles, elle devrait quitter la RD-Congo et qu'alors "les gens descendront dans la rue pour exiger la démission du gouvernement".
Lundi, des hélicoptères de la MONUC ont tiré sur les rebelles, qui se sont détournés de Kibumba, à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, selon le porte-parole de la MONUC, Michel Bonnardeaux. Les combats continuaient sur quatre fronts mardi, et l'ONU tentait d'évacuer son personnel de Rutshuru, à 70km au nord de Goma, dont les rebelles se rapprochaient.
Le porte-parole du CNDP, Yet Bisimwa, a affirmé mardi que l'armée avait abandonné des dizaines de ses positions à des combattants hutus. "Ce sont des Hutus qui se trouvent sur la ligne de front et que nous affrontons, pas l'armée."
Selon l'ONU, environ 800 miliciens hutus ont volontairement regagné le Rwanda, mais chaque jour les milices recrutent de gré ou de force des enfants et jeunes gens hutus dont le nombre dépasse largement celui des retours.
La situation engendre de fortes tensions diplomatiques dans la région. Kinshasa a accusé plusieurs fois cette semaine le gouvernement à majorité tutsi du Rwanda d'avoir envoyé des troupes pour aider celles de Laurent NKunda. Kigali dément, et l'ONU estime ces accusations sans fondement.
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