posté le 29 octobre 2008 

 Jusqu’à présent épargnée par les violents combats qui avaient mis aux prises les forces gouvernementales et les troupes de Laurent Nkunda à 40 km au nord de la ville, Goma est désormais partagée entre la peur et la rage : les habitants craignent que les forces rebelles qui occupent désormais le domaine de Katale, le camp militaire de Rumangabo et la zone de Kibumba, où se trouvaient des milliers de déplacés ne resserrent leur étreinte sur la ville. Alors que 20.000 nouveaux déplacés ont déjà quitté Kibumba, Goma redoute d’être envahie par les hommes de Nkunda (comme Bukavu l’avait été en 2004 au moment des élections américaines…)et craint l’asphyxie, car les voies d’accès au nord du pays sont coupées et toute la zone frontalière voisine du Rwanda est occupée. De plus, les appareils qui se posent sur l’aéroport se trouvent pratiquement sous le feu des hommes de Nkunda, ce qui hypothèque l’arrivée de renforts envoyés par Kinshasa.
Outre la panique, les habitants de la capitale du Nord Kivu ont violemment exprimé leur colère : des milliers de manifestants ont attaqué quatre bâtiments de la Mission des Nations unies au Congo, ils ont lancé des pierres par-dessus le mur d’enceinte et endommagé des véhicules. Selon un responsable de la Monuc, des Casques bleus coincés dans le centre ville auraient ouvert le feu pour se dégager et on ignore encore s’ils ont tiré en l’air ou pointé la foule. En outre, alors que la Monuc désirait engager des hélicoptères de combat, les pilotes de ces appareils ont été bloqués durant plus de deux heures par la foule en colère, ce qui a retardé d’autant l’intervention onusienne.
Ces manifestations pourraient entraîner d’autres démonstrations de colère dans le pays, car l’opinion congolaise reproche à la Monuc son incapacité à désarmer les groupes rebelles, à imposer le respect du plan de désengagement qui, en janvier dernier, avait été accepté par toutes les parties, y compris la formation de Nkunda, le Congrès national pour la démocratie et le développement.
A Kinshasa cependant, le porte parole de la MONUC Michel Bonnardeaux, avait déclaré, à propos de la chute du camp de Rumangabo que la mission onusienne était « déçue » par l’action du CNDP, et « préoccupée » par la reprise des combats à l’arme lourde. Aux yeux de la population congolaise, ces blâmes, qui ne sont pas suivis d’actions concrètes, représentent une réaction beaucoup trop faible.
En effet, la MONUC, qui est la plus importante des missions onusiennes en Afrique, a concentré sur le Kivu l’essentiel des 18.000 hommes qui composent sa force, mais sans réussir à imposer la paix ainsi que le prévoit cependant le mandat dont elle dispose. Cette impuissance suscite d’ailleurs un malaise au sein même de l’organisation : alors qu’il venait de prendre ses fonctions en septembre, le chef d’état major de la force le général espagnol Vincente Diaz de Villegas, vient de présenter sa démission. Il semble qu’il ait été soit exaspéré par les limites imposées à sa mission depuis Kinshasa ou New York, soit déçu par la faible motivation des hommes placés sous son commandement, des troupes indiennes qui s’avèrent incapables de faire la distinction entre les divers belligérants, ont déjà été impliquées dans plusieurs scandales (trafic d’or et de minerais) et se retranchent derrière la position de leur gouvernement pour se dérober au combat et ne pas prendre de risques sur le terrain.
En outre, beaucoup de Congolais accusent la Monuc de refuser de confirmer l’implication rwandaise, cependant dénoncée par de nombreux témoins dont le prince Etienne de Merode, directeur du parc national de la Virunga. Ce dernier a déclaré que les combats se déroulaient sur le territoire de la réserve, où vivent encore plusieurs centaines de gorilles de montagne.
La colère des populations congolaises à l’égard de la Monuc a beau être compréhensible, elle représente cependant un piège redoutable car elle fait clairement le jeu des rebelles: si la force de l’ONU, ciblée par toutes les parties en présence devait se retirer du Congo, on ne donnerait pas cher de la stabilité du pays et les affrontements reprendraient de plus belle en différents points, les différents groupe sarmés ayant désormais le champ libre. Requérir de mieux affuter l’outil, ce n’est pas vouloir le supprimer…
L’aggravation de la situation au Nord Kivu a incité le ministre de la Coopération Charles Michel à demander d’urgence une réunion des ministres européens de la défense, de la coopération et des affaires étrangères. Un frémissement ?

 

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