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Publié le 23/11/2008 09:18 par La Rédaction  continental news

  Photo : Sida

Quatre grandes villes françaises vont expérimenter des tests de dépistage rapides du Sida. En une demi-heure, une personne examinée pourra savoir si elle est séropositive. Ces dépistages seront expérimentés dans les milieux homosexuels des quatre villes suivantes : Paris, Montpellier, Lille et Bordeaux. L’annonce de cette expérimentation a été faite mercredi par l’Agence nationale de recherches sur le Sida.

Une approche communautaire du dépistage

L’étude ANRS Com’ Test, coordonnée par le Pr Yazdan Yazdanpanah (Centre hospitalier de Tourcoing) et Jean-Marie Le Gall (Aides) vise à évaluer la faisabilité d’une offre de dépistage communautaire non médicalisée par un test rapide auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Auprès de cette population fortement exposée au VIH, ce type d’offre de proximité est en effet susceptible d’accroître la fréquence du dépistage, tout en permettant un conseil approfondi et plus adapté en matière de prévention. Le dépistage est réalisé par des acteurs associatifs, spécialement formés à cette pratique, dans les locaux de l’association Aides. D’une durée de 24 mois, l’étude ANRS Com’ Test débute actuellement dans les locaux de l’association Aides à Montpellier. Elle sera ensuite mise en œuvre à Lille et Paris.

« Les membres de l’association savent ce que c’est que de vivre avec la prise de risque, explique Bruno Spire, président de Aides (et Inserm U912, Marseille). Nous pensons que le counselling proposé par les associations peut être plus pertinent. Par ailleurs, une offre communautaire de dépistage vise à favoriser la répétition du test pour des personnes qui prennent des risques répétés mais qui n’osent pas se faire dépister par crainte d’être jugées. D’un point de vue de santé publique, cela peut avoir un bénéfice car on sait que les personnes qui connaissent leur statut sérologique font plus attention. Par ailleurs un dépistage répété doit permettre de réduire le délai entre la contamination et le diagnostic, sachant que les semaines qui suivent la contamination (primo-infection) sont celles où le risque de transmission est le plus élevé. »

Une autre recherche interventionnelle, appelée ANRS DRAG (Investigatrice principale : Chantal Vernay-Vaisse, CDAG Marseille) est en cours d’évaluation au sein de l’ANRS. Elle a été élaborée sur la base des résultats positifs d’une étude de faisabilité financée par l’agence. Cette étude a pour objectif de comparer l’approche communautaire de dépistage par un test rapide auprès des homosexuels masculins avec le dépistage réalisé en CDAG. Elle permettra, si elle est retenue par les instances d’évaluation de l’ANRS, d’établir une comparaison de ces deux offres de dépistage, notamment en termes d’attractivité, de satisfaction et d’efficacité préventive.

Le dépistage par test rapide dans les urgences hospitalières

Compte tenu de leur nombre de consultants et de la diversité des populations que ces derniers représentent, les services des urgences des hôpitaux apparaissent être un lieu où la proposition systématique d’un dépistage du VIH est susceptible d’augmenter le nombre de patients dépistés séropositifs et de diminuer la prise en charge tardive de l’infection par le VIH, en particulier dans une région à forte prévalence telle que l’Ile-de-France. « Nous pensons que les urgences peuvent capter, par une proposition systématique de dépistage, des personnes qui ne font pas spontanément de demandes de tests ou qui échappent aux pratiques professionnelles classiques. Il pourrait ainsi être possible d’élargir l’accès au dépistage au sein de la population générale », explique ainsi France Lert.

Deux projets de l’ANRS visent à tester ce type de dépistage dans des services d’urgence. Dans les deux cas, une information par voie d’affiches est délivrée concernant la réalisation systématique d’un test lors de la consultation, les personnes ayant la possibilité de refuser le dépistage. La procédure repose sur un test rapide à partir d’un prélèvement de sang effectué au doigt, permettant ainsi de rendre le résultat à la personne sans qu’elle n’ait besoin de revenir dans le service et, en cas de résultat positif du test, de lui proposer une prise en charge immédiate.

Coordonné par le Pr Anne-Claude Crémieux (Hôpital Raymond-Poincaré, Garches), le premier projet vise à évaluer l’efficacité de ce mode d’intervention pour dépister et diagnostiquer de nouveaux cas d’infection par le VIH parmi les consultants testés, et l’accès effectif aux soins spécialisés. Les caractéristiques de la population acceptant le dépistage seront comparées avec les données de référence en population générale, et celles des personnes nouvellement diagnostiquées aux nouveaux cas d’infection arrivant dans les services VIH. L’acceptabilité d’un tel dépistage auprès des consultants fera également l’objet d’une évaluation. Une étude de coût-efficacité sera menée en parallèle. Prévue pour être réalisée dans une trentaine de services d’urgence franciliens, auprès de 12000 consultants et sur une période de six semaines, cette étude devrait commencer au début de l’année 2009, les autorisations réglementaires étant attendues dans les prochaines semaines.

Coordonnée par le Pr Enrique Casalino (Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris), la seconde étude présente des modalités de réalisation similaires, avec la mise en place d’un dépistage systématiquement proposé dans six services d’urgence de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Son objectif principal est complémentaire de celui du premier projet. Il consiste en effet à évaluer en premier lieu la faisabilité d’une telle approche de dépistage et son retentissement sur le fonctionnement des services d’urgence. D’une durée de douze mois, cette étude prévoit de réaliser un dépistage auprès de 30000 à 50000 consultants. Elle devrait démarrer dans le courant de l’année 2009, une fois les autorisations réglementaires obtenues. Les projets ANRS Com’ Test et dépistage rapide dans les urgences hospitalières bénéficient d’un soutien financier du Ministère de la Santé.

Parallèlement à ces projets de recherche interventionnelle, le groupe dépistage coordonne la mise en place de recherches observationnelles destinées à explorer et comprendre les logiques actuelles d’utilisation des tests dans le cadre du dispositif existant :

  • Une enquête menée par Tim Greacen et le Dr Serge Hefez (Etablissement public de santé Maison Blanche, Paris) vise à évaluer les opinions et le niveau de connaissance et d’utilisation des « tests à domicile » achetés sur internet parmi les homosexuels masculins. Il s’agit notamment de savoir comment ces autotests (non officiellement autorisés en France) sont utilisés dans cette population. Cette enquête est prévue pour débuter au début de l’année 2009.
  • Une recherche, coordonnée par le Pr Yazdan Yazdanpanah, s’intéresse aux patients nouvellement diagnostiqués et se présentant pour la première fois dans un service VIH. L’objectif est notamment d’évaluer les opportunités manquées de diagnostic et de déterminer les facteurs associés à celles-ci. Il s’avère en effet que les personnes diagnostiquées à un stade avancé de l’infection ont généralement eu des contacts antérieurs avec le système de soins. Cette étude permettra de mieux comprendre pourquoi un test ne leur a pas été proposé à ces occasions et d’identifier les obstacles au dépistage qui se sont présentés.
  • Une étude, menée par Véronique Massari, Pierre Chauvin et Annabelle Lapostolle (Inserm U707, Paris) va être réalisée à partir de la fin de cette année 2008 au sein de la cohorte SIRS (Santé, Inégalités et Ruptures Sociales) auprès de 3000 ménages de l’agglomération parisienne. Le but est d’explorer les déterminants des inégalités sociales vis-à-vis des pratiques de dépistage, en particulier les difficultés géographiques d’accès aux structures de dépistage.
  • Enfin, l’étude ANRS Prévagay a pour objectif d’évaluer la prévalence du VIH auprès des homosexuels masculins fréquentant des lieux de rencontre commerciaux franciliens. Réalisée par Annie Velter (InVS, Saint-Maurice), cette étude allie un prélèvement biologique sur buvard et un questionnaire sur les comportements sexuels. Elle permettra notamment de mieux appréhender la prévalence réelle de l’infection par le VIH dans cette population (les études antérieures se basaient en effet sur les déclarations des personnes interrogées et non sur la réalisation d’un test de dépistage comme cela sera le cas avec Prévagay). De plus, elle apportera des informations importantes sur la proportion de personnes qui connaissent leur statut sérologique, une question sur laquelle on dispose actuellement uniquement d’estimations. L’étude devrait débuter au début de 2009 après obtention des autorisations.

Marie-Christine Simon – Service Information scientifique et communication ANRS