posté le 6 novembre 2008
Depuis des jours, l’Afrique était en prière. Partout, des groupes s’étaient formés, jeûnant, priant, chantant pour que « leur » candidat, Obama, l’emporte aux Etats-Unis. Depuis deux jours, l’Afrique est en liesse. Dans toutes les capitales, on se congratule, on se prend à espérer que ce « fils de l’Afrique » n’oublie pas ses racines kényanes et s’intéresse au développement du continent noir, trop souvent à la traîne malgré ses richesses humaines et matérielles.
Mais les Africains devraient faire plus que se réjouir. Ils doivent aussi tirer la leçon du formidable exercice de démocratie que les Américains leur ont donné. Aux Etats-Unis, Blancs et Noirs ont tourné la page sur les souffrances et les injustices du passé, accepté de travailler ensemble, de refonder leur unité au départ de la vision généreuse du jeune candidat.
Il y a tant de pays en Afrique où cet exemple mériterait d’être médité : au Kénya, où les élections débouchèrent sur une débauche de violence entre partisans de Kibaki et d’Odinga, sur fond de rivalité ethnique ; en Afrique du Sud, où les migrants noirs ont été lynchés puis expulsés parce qu’ils venaient d’ailleurs, au Rwanda où le génocide des Tutsis fit un million de morts et sert, aujourd’hui encore, de justification au régime pour intervenir au Congo et soutenir des rebelles qui protègent les Tutsis et terrorisent les autres. Au Congo aussi bien sûr, où l’on a bien retenu les leçons des maîtres belges, et où les équilibres ethniques sont une donnée politique incontournable, génèrant rivalités et conflits. A Nairobi, où les dirigeants du Congo et du Rwanda vont se rencontrer, il y aura probablement plus d’arrière pensées et de rancunes que d’avancées véritables alors que ces pays sont condamnés à des relations de voisinage…Dans la plupart des pays d’ Afrique, les groupes ethniques se laissent manipuler par des politiciens avides de pouvoir ; presque partout, le souci de soi, de sa famille, de son groupe l’emporte sur le bénéfice de la nation et le développement demeure à la traîne, même dans des pays d’une richesse insolente.
Il ne suffit pas de battre des mains pour Obama et de spéculer sur sa politique future: les Africains doivent mesurer que ce métis au parcours atypique a dépassé les clivages Blancs/Noirs et que des millions d’électeurs ont pris le risque de parier sur lui. Sur l’avenir, sur le changement. Combien sont ils, en Afrique, qui oseraient ainsi miser sur un inconnu porteur d’avenir ?
lalibre.be