Le chef des rebelles congolais Laurent Nkunda a cherché samedi à rassurer la population vivant dans la zone récemment conquise par ses troupes dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Devant plusieurs milliers de personnes rassemblées à Rutshuru à l'occasion de sa première réunion publique, il a affirmé que ses hommes avaient l'intention d'amener la paix, et non la guerre, au Congo-Kinshasa.
Laurent Nkunda a lancé un message d'unité aux habitants de Rutshuru, dont les forces rebelles se sont emparées le mois dernier, minimisant les divisions ethniques qui ont alimenté l'insurrection dans ce pays d'Afrique centrale. "Nous sommes tous congolais!", a-t-il lancé, provoquant quelques tièdes applaudissements.
Le rassemblement se tenait dans le stade de Rutshuru, la plus grande localité contrôlée par les rebelles, à environ 75km au nord de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu.
Le leader des rebelles a assuré qu'il se battait pour protéger les minorités congolaises, particulièrement les Tutsis, des Hutus qui ont fui au Congo-Kinshasa après le génocide du Rwanda en 1994.
Mais ses détracteurs affirment qu'il est surtout intéressé par le contrôle qu'il peut exercer sur ce pays riche en minerai, et ils accusent ses forces de commettre de multiples violations des droits de l'Homme. L'armée congolaise et d'autres milices ont aussi été accusées de pillages, de viols et de meurtres.
Les combats opposant l'armée régulière congolaise aux hommes de Laurent Nkunda ont éclaté en août, et sont à l'origine d'une crise humanitaire qui a jeté plus de 250.000 réfugiés sur les routes.
Jeudi, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé d'envoyer 3.100 casques bleus supplémentaires dans l'est de la RDC, pour renforcer les 17.000 hommes de la MONUC, la Mission des Nations unies au Congo.
Fin octobre, les hommes de Laurent Nkunda ont avancé jusqu'au nord de Goma, forçant l'armée congolaise à se retirer de cette zone. Les rebelles ont appelé à un cessez-le-feu, mais des affrontements sporadiques avec l'armée et les milices pro-gouvernementales continuent de se produire.
Dans un camp accueillant quelque 70.000 personnes à Kibati, à environ dix kilomètres de Goma, les gens étaient sceptiques samedi sur les propos rassurants tenus par Laurent Nkunda.
Evania Nyirakarugire, 70 ans, qui a quitté sa ville de Kibumba, au sud de Rutshuru, a affirmé qu'elle ne rentrerait pas tant que les rebelles y seraient présents. "Nkunda est tout le temps en train de tuer des gens", a-t-elle dit. "Nous sommes hutus. J'ai peur".
Gaspard Zabonimba, 38 ans, a pour sa part expliqué que sa famille était restée à Kibumba pour son malheur. "Les rebelles ont pris la fille de mon frère cadet", a-t-il lancé. "Elle a 14 ans. Ils l'ont violée. Je ne veux pas rentrer parce que les soldats de Nkunda violeront ma femme".
La MONUC a fait l'objet de critiques en raison de son incapacité à faire cesser les violences et à protéger la population.
Lors de son allocution, Laurent Nkunda a dit aux quelque 3.000 personnes présentes qu'elles ne pouvaient pas compter sur les soldats de la force de maintien de la paix pour les protéger. "Ce ne sont pas les étrangers qui vont amener la paix. Ce sont nous, les Congolais".
Parallèlement, Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé l'assassinat, vendredi à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, de Didace Namujimbo, un journaliste de Radio Okapi, abattu d'une balle dans la tête près de son domicile. Cet homicide intervient dix-sept mois après celui d'un autre journaliste, Serge Maheshe, également à Bukavu, a précisé RSF samedi dans un communiqué.
Ce crime, "abject", "plonge l'ensemble des journalistes travaillant dans l'est de la RDC dans une totale insécurité", souligne RSF, en demandant aux autorités une enquête "sérieuse et immédiate" pour "déterminer l'identité des commanditaires et permettre de retrouver l'assassin". AP