COLETTE BRAECKMAN
samedi 01 novembre 2008, 18:26
Alors que les initiatives diplomatiques se multiplient pour intervenir en République démocratique du Congo, les rebelles dispersent les groupes de réfugiés pour éviter le déploiement d’une aide humanitaire, et de sa protection militaire.
Louis Michel, ce diable d’homme, a dribblé tout le monde : à Kinshasa, il a obtenu que le président Kabila et le Premier Ministre Yves Leterme se parlent et envisagent sérieusement de réchauffer les relations entre les deux pays. Et surtout, il a obtenu le principe d’une rencontre entre le président congolais et son homologue rwandais, à l’occasion d’une nouvelle Conférence sur la paix et la stabilité dans les Grands Lacs, à l’instar de la rencontre qui avait eu lieu à Nairobi en décembre 2006 et que le président Kagame avait boudé sans explications. Cette fois s’il faut en croire Louis Michel, tout le monde sera là : Kagame, Kabila, l’Union africaine, les pays membres de la conférence des Etats d’Afrique australe, l’Union européenne. Tout cela pour sceller le nième accord de paix, en espérant qu’il soit plus crédible que les précédents…
Mais ces entretiens et conférences réussiront-ils à concilier les deux impératifs, vitaux chacun pour le Rwanda et le Congo ? ce dernier doit, impérativement, restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire et juguler les diverses rébellions toujours prêtes à apparaître. Cette restauration doit se faire par la politique, le dialogue, mais aussi par la force, ce qui suppose le déploiement d’une armée digne de ce nom. Quant au Rwanda, il ne peut évidemment accepter d’avoir sur ses frontières des forces hostiles, Interhahamwe et autres Mai Mai et il veut aussi poursuivre son expansion économique régionale, c’est-à-dire avec les ressources du Kivu, entre autres. Comment harmoniser tout cela ? La Communauté économique des pays des Grands Lacs pourrait ouvrir une piste, mais le Congo craint que cela légalise le pillage de ses ressources et le Rwanda assure qu’il se tourne plus vers l’Afrique de l’Est que vers l’Afrique centrale…
Après Louis Michel sont apparus Karel de Gucht à Kigali, Bernard Kouchner et David Milliband à Goma où ils ont visité les camps de déplacés. Il est intéressant de noter que Kouchner, qui souhaite le déploiement d’une force européenne à vocation humanitaire risque de voir son initiative torpillée par la situation sur le terrain : à toute vitesse, et sans beaucoup de ménagements, les hommes de Nkunda obligent les réfugiés à lever le camp, afin que les grandes concentrations de déplacés soient dispersées. En principe, les gens sont priés de rentrer chez eux. En réalité, beaucoup fuient dans la brousse.
Les leçons de l’histoire ont été retenues : le Rwanda et ses alliés ne veulent pas que renaissent d’immenses camps de réfugiés, terrains d’action de l’aide humanitaire, dont la protection pourrait requérir le déploiement d’une force militaire…