Arusha, 24 décembre 2008 (FH) – Un an avant la fin prévue des procès en première instance, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) n’ a toujours pas réussi à reconstituer la trame du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994. Quand, comment, où et par qui le plan du génocide – si plan il y a eu – a-t-il été préparé ? Autant de questions auxquelles le procureur n’a pas encore répondu d’une façon qui puisse convaincre les juges du TPIR.

Pourtant, la semaine dernière, le tribunal a signé une de ses grandes œuvres en rendant son jugement très attendu dans le procès Bagosora et consorts. L’ex-directeur de cabinet au ministère de la Défense, le colonel Théoneste Bagosora et deux de ses co-accusés ont été condamnés à la prison à vie tandis qu’un autre officier a été acquitté. Les trois condamnés, tous originaire de Gisenyi, comme l’ex-président Juvénal Habyarimana, l’ont été, dans une certaine mesure, pour les crimes de leurs subordonnés.

Selon ce jugement, Bagosora porte la responsabilité de l’assassinat du Premier ministre Agathe Uwilingiyimana, des dix Casques bleus belges, de certains dirigeants politiques, ainsi que les massacres de Tutsis à des barrages routiers dans la ville de Kigali et dans la région de Gisenyi. Mais il a été acquitté du chef d’entente en vue de commettre le génocide. Aussi, Me Raphaël Constant, l’avocat français de Bagosora, qui savait le combat perdu d’avance, a de quoi se féliciter en dépit de cette lourde peine. « C’est une remise en cause de toute l’historiographie du Rwanda », estime le défenseur qui a toujours rejeté la thèse de la planification.

Le procureur est handicapé par une interprétation stricte par les juges de la compétence temporelle qui va du 1 er janvier au 31 décembre 1994. Selon la jurisprudence du tribunal, aucune condamnation, même pour entente en vue de commettre le génocide, ne peut être prononcée sur la base de faits antérieurs à janvier 1994. Le procureur a beau expliquer que l’entente est un crime continu dans le temps : les juges exigent qu’il prouve l’existence de ce complot en 1994.

Après cet échec, il reste pour le procureur une autre occasion de prouver l’entente : le procès chaotique de trois anciens dirigeants du MRND, Mathieu Ngirumpatse, Edouard Karemera et Joseph Nzirorera. Si dans l’affaire Bagosora, le procureur avait tenté d’apporter la preuve d’un complot entre responsables militaires, dans le procès MRND, il soutient la réalité d’une entente entre dirigeants politques. Mais là encore, même si la chambre doit encore se prononcer, nombre d’éléments de preuve apportés sont antérieurs à janvier 1994. Comme la création de la milice Interahamwe qui, selon l’accusation, procédait de cette entente.

Cette notion de planification est, rappelons le, fondamentale. Si le TPIR n'arrive pas à la prouver, il laissera la porte ouverte à tous les négationnistes. Selon la Convention de 48 sur le génocide, la planification est en effet constitutive du crime. Déjà dans un rapport datant de 2001, l’organisation International crisis group (ICG) déplorait l’échec du TPIR à faire la lumière sur le plan du génocide.

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