Au Rwanda, ceux qui contribuent au déroulement des mariages ont pris l’habitude de se faire payer, du chef de cortège à l’ouvreur de bouteilles.
Kigali.- Correspondance Syfia

« Mon cher frère Kalisa, voici la fille dont tu m’as demandé la main. Assure-toi que c’est bien celle qui te plaît », dit le chef de délégation de la famille de la mariée. L’approbation du fiancé déclenche les acclamations des 500 invités et les sourires entendus du maître de cérémonie, du chef de cortège et de la marraine du couple. Trois fonctions qui, parmi bien d’autres, font l’objet d’une rétribution.
 « Dans le temps, le mariage était l’occasion de réunir les gens. Aujourd’hui, l’argent est au centre », regrette Laurien Ntezimana, un septuagénaire de Butare.
 La tradition commande que le fiancé donne une vache à la belle-famille : au Rwanda, pays d’éleveurs, c’est la dot par excellence. Mais l’élevage moderne fait monter le prix de la bête (l’alimentation spéciale est plus chère que l’herbe des collines) et tout le monde ne peut en offrir une.
 Il faut cependant convaincre les invités que la dot a bien été versée. Casse-tête qu’on peut résoudre de diverses façons. Exemple : les garçons louent une vache qu’ils présentent aux parents ; ils donnent en secret une enveloppe d’argent à la famille, après quoi ils vont discrètement rendre l’animal.

Des vers pour la vache

 Eustache Hitiyise, étudiant, connaît un autre stratagème. « Le maître de cérémonie a envoyé trois hommes chercher une vache dans le pré voisin, ils sont revenus les mains vides en disant que l’animal refusait de quitter le troupeau. »
 Cela n’a pas empêché Eustache, poète et musicien, de chanter les mérites de la vache. Car la vache choisie comme dot a droit à une poésie en son honneur. Ces vers peuvent dégager un revenu de 80 € par mariage. Les parents d’Eustache étaient déjà poètes « mais ils ne recevaient que de la bière de banane ».
 Les chefs de cortège, généralement âgés, ont une autre mission : magnifier l’histoire d’amour du jeune couple. Chaque famille a son représentant qui rivalise avec l’autre pour prouver que le garçon est digne de la fille, et réciproquement.
 Un chef de cortège reçoit entre 150 000 francs et 200 000 Frw (190 à 260 €) à chaque noce. Celui qui ouvre les bouteilles de vin s’attend à gagner 10000 Frw (13 €). Quand aux demoiselles d’honneur, « même si vous ne les payez pas, il faut leur offrir le salon de coiffure », signale une mariée de Butare.

Jean de la Croix Tabaro
Édition du Mar 23 juin 2009

Posté par rwandaises.com