Feutrée, à fleurets mouchetés, la bataille pour l’Unesco s’ouvre cette semaine : du 7 au 23 septembre, le Conseil exécutif, composé de 58 Etats membres débattra de la succession du Japonais Matsuura Koichiro, qui occupe depuis dix ans le poste de secrétaire général de l’organisation. A la fin de ces « primaires » un candidat sera présenté à l’approbation des 193 Etats membres de la Conférence générale de l’organisation.
L’enjeu est d’importance car l’Unesco, lors de sa fondation en 1945 s’était vue confier le plus noble des magistères : « élever les défenses de la paix dans l’esprit des hommes » et, plus précisément, favoriser la multiplication des échanges en matière de culture, de communication, de sciences dans le double respect des principes démocratiques et de la diversité culturelle.
Parfois trop peu médiatisée, l’action de l’Unesco est multiple : on lui doit la préservation de sites tels le temple d’Abou Simbel en Egypte ou d’Angkor au Cambodge, les campagnes dans les écoles en faveur de la paix, la défense et la promotion de cultures oubliées, des recherches inédites sur l’histoire de l’Afrique ou de l’Amérique latine…
Au cours des dernières décennies cependant, ce sont plutôt les polémiques qui replacèrent l’organisation, installée place Fontenoy à Paris, sous les feux de l’actualité : au cours des années 80, le Sénégalais Makhtar M’Bow, qui voulait que les pays du Sud puissent se faire entendre au même titre que les grands contributeurs occidentaux, fut accusé de « tiers mondisme » par l’administration Reagan et les Etats Unis quittèrent avec fracas une organisation qu’ils qualifiaient de crypto communiste, dénonçant également une mauvaise utilisation des moyens financiers et un certain népotisme. Ce départ priva l’Unesco de 20 % de son budget de fonctionnement. L’Espagnol Frederico Mayor, qui succéda au Sénégalais, tenta de rendre son lustre à l’organisation et surtout de la réconcilier avec les Etats Unis. Après 19 années d’absence, les Américains acceptèrent finalement de revenir. Il avait fallu pour cela qu’un homme jouissant de toute leur confiance, Matsuura Koichiro occupe la fonction de secrétaire général et veille à gommer soigneusement tous les points susceptibles de fâcher. Non content de supprimer une cinquantaine de postes importants et trop bien payés, il raya de la carte les programmes qui assuraient la promotion de « la culture pour la paix », il s’attaqua à la Fédération mondiale des associations, centres et clubs de l’Unesco, qui défendaient les valeurs de paix et de culture dans plus de 120 pays, et il supprima un magazine phare, publié en trente langues, Le Courrier de l’Unesco. Largement distribué dans les pays du Sud, ce magazine représentait pour de nombreux étudiants d’Afrique et d’Asie, une première porte d’entrée vers la culture universelle…
Aujourd’hui, la gestion minimaliste de M. Matsuura Koichiro est largement critiquée et en ces temps de chocs des cultures et des civilisations, l’Unesco apparaît plus indispensable que jamais. Mais surtout, les Etats Unis ont changé : sous l’impulsion de Barack Obama, ils veulent faire entendre un autre message que celui de l’avarice des années Reagan ou de l’obscurantisme des années Bush.
C’est ce qui explique l’âpreté de la compétition et la division des camps en présence. C’est ainsi que les Européens se présentent en ordre dispersé : deux pays baltes, la Lituanie et la Bulgarie, proposent leurs ambassadrices respectives,
Ina Marciulionyte et Irina Bokova et entendent opposer leur veto à la candidate présentée par l’Autriche la commissaire européenne aux relations extérieures Benita Ferrero-Waldner. Cette dernière, qui a soumis sa candidature en dernière minute, est également critiquée pour avoir été ministre des Affaires étrangères d’un gouvernement auquel participait le leader d’extrême droite feu Georg Haider.
Les pays arabes sont également divisés face à l’Algérien Mohamed Bedjoui et l’Egyptien Farouk Hosni, ministre de la Culture de son pays durant 22 ans, très proche du présiden,t Moubarak et de son épouse Suzanne. Assurant qu’il bénéficie déjà du soutien de 32 pays parmi les 58 qui seront appelés à voter, Farouk Hosni a longtemps été donné pour favori : lors de la mise sur orbite de l’Union pour la Méditerranée, le président Sarkozy aurait assuré le président Moubarak de l’appui de la France tandis que le président Obama, lors de son discours au Caire, a souligné que l’Egypte devait devenir l’un des axes de sa réconciliation avec le monde arabe. Dans ce contexte, un véto explicite à l’encontre de Farouk Hosni serait difficilement concevable. Le candidat égyptien, appuyé par la Ligue arabe et l’Union africaine, a cependant hypothéqué sa candidature par des propos regrettables, assurant (après l’intervention israélienne à Gaza) qu’il était prêt à brûler les livres israéliens se trouvant dans les bibliothèques égyptiennes !Même s’il s’est excusé depuis lors, ( son texte de « regrets » publié dans « Le Monde » aurait été rédigé avec l’aide d’Henri Guaino, conseiller spécial du président Sarkozy !)et qu’Israël ne s’oppose pas ouvertement à sa candidature, des intellectuels comme Elie Wiesel et Bernard Henry Levy mènent contre lui une vive campagne tandis que Bernard Kouchner a prudemment déclaré que la France, en tant que pays hôte, n’avait pas à donner sa préférence !
Entre Farouk Hosni et Benita Ferrero Waldner, deux poids lourds, qui suscitent des polémiques passionnées, un troisième homme pourrait faire la différence : le nom du Béninois Tidjani Serpos est de plus en plus souvent cité. Originaire d’un pays souvent décrit comme le « Quartier latin de l’Afrique », romancier, poète, cet ancien ministre est aussi un homme « de l’intérieur »: nommé du temps de Frederico Mayor, il fut président du Conseil exécutif de l’Unesco et sous directeur général pour l’Afrique. Ce « candidat-maison », dont les qualités sont reconnues, pourrait mettre tout le monde d’accord, à l’heure où, plus que jamais, l’accession de l’Afrique à la culture mondiale et, plus concrètement, à l’alphabétisation et à la paix, apparaît comme le plus grand défi de l’organisation….

 

 http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/09/07/bataille-pour-lunesco-le-favori-est-conteste/

Posté par rwandaises.com