Par Catherine Gouëset,

Quinze ans après le génocide rwandais (plus de 800000 morts au printemps 1994), le contentieux reste profond entre les deux pays. Kigali reproche à Paris d’avoir soutenu aveuglément le régime de Juvénal Habyarimana, dont la mort déclencha les massacres à l’encontre de la minorité tutsie, puis d’avoir protégé ses partisans. De même, le Rwanda s’offusque de la mise en cause par la justice française de l’actuel président Paul Kagamé dans l’attentat fatal à son prédécesseur.

Juillet 1975 : accord d’assistance militaire entre la France et le Rwanda, conclu au début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

1990 : en octobre, le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement tutsi installé en Ouganda, attaque le Rwanda sur la frontière Nord. Début de la guerre civile rwandaise. Intervention des troupes françaises, belges et zaïroises (opération « Noroît »). Contrairement aux Belges, les Français restent sur place après l’évacuation des expatriés.

1993
Février : nouvelle offensive du FPR, stoppée au nord de Kigali grâce à l’appui français.
Décembre : après plus de trois ans de présence, les troupes françaises de l’opération « Noroît » (600 militaires) quittent le Rwanda et cèdent la place à la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).

1994
6 avril : le président Juvénal Habyarimana est tué dans un attentat contre son avion. Dans la nuit, des massacres de Tutsis commencent à Kigali.
Avril-mai : les massacres prennent une ampleur considérable. L’élimination des Tutsis et des opposants hutus est systématiquement pratiquée par des milices, avec le concours des Forces armées rwandaises (FAR).
9-17 avril : intervention militaire de la France et de la Belgique pour l’évacuation de leurs ressortissants (opération « Amaryllis »). La famille et les fidèles du président Habyarimana sont emmenés, par des avions français, à Bangui (République Centrafricaine), puis à Paris.
11-12 mai : mission à Kigali du Haut Commissaire des Nations unies pour les Droits de l’Homme qui prononce le mot de « génocide ».
22 juin : sur proposition de la France, le Conseil de sécurité autorise une intervention armée humanitaire au Rwanda. Début de l’opération « Turquoise ». Le FPR accuse la France de vouloir sauver le régime rwandais et les auteurs du génocide.
4 juillet : Butare et Kigali tombent aux mains du FPR. La France crée une « zone humanitaire sûre » dans le sud-ouest, où se réfugient les Hutus qui fuient l’avancée du FPR.
17 juillet : le FPR prend le contrôle de la majeure partie du pays et déclare la fin de la guerre.
21 août : fin de l’opération « Turquoise » menée par les soldats français.
Novembre : création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).

1998
27 mars 
: ouverture d’une enquête, sur plainte des familles de l’équipage français de l’avion, par le juge Jean-Louis Bruguière et la Direction nationale antiterroriste de la PJ, sur l’attentat qui a couté la vie au président Habyarimana.
15 décembre : une mission d’information parlementaire dirigée par Paul Quilès exonère la France de toute responsabilité dans le génocide mais met en lumière des erreurs d’appréciation de la politique française.

2004
Mars
: l’enquête du juge Bruguière, désigne le président Kagamé comme responsable de l’attentat de 1994 contre le président Habyarimana qui a déclenché le génocide. Celui-ci nie toute implication.
Août : le gouvernement rwandais annonce la création d’une commission « indépendante »  chargée de rassembler les preuves de l’implication de la France dans le génocide de 1994.

2005
16 février : William Bourdon et Antoine Comte, avocats de six victimes tutsies, déposent une plainte contre X devant le doyen des juges d’instruction du tribunal aux armées. Cette plainte pour « complicité de génocide » et « complicité de crimes contre l’humanité » dénonce le rôle des militaires français dans le génocide.
23 décembre : le procureur du Tribunal aux armées, Jacques Baillet, ouvre une information judiciaire contre X pour « complicité de génocide » à la suite de la plainte déposée en février.

2006 
3 juillet : la chambre de l’instruction du tribunal aux armées valide les auditions menées par la juge Brigitte Raynaud à Kigali auprès de rescapés tutsis du génocide.
24 octobre : une commission d’enquête rwandaise sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide de 1994 au Rwanda entame une série d’auditions publiques à Kigali, avant de se prononcer sur une éventuelle procédure contre Paris devant la Cour internationale de justice.
17 novembre : le juge Bruguière clôture son enquête sur l’attentat du 6 avril 1994. Il recommande des poursuites devant le Tribunal pénal international d’Arusha (TPIR) contre le président Paul Kagamé. Cette démarche est aussitôt invalidée par le TPIR.
22 novembre : le juge Bruguière signe neuf mandats d’arrêt contre des dirigeants rwandais, dont le chef d’état-major de l’armée, James Kabarebe.
24 novembre: Kigali rompt ses relations diplomatiques avec la France.

Décembre : selon Le Monde, des documents déclassifiés de la Direction générale de la sécurité extérieure, corrigent la lecture proposée par Paris à l’époque du génocide.
Un témoin rwandais cité dans l’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994, accuse le juge Bruguière d’avoir déformé ses propos.

2007
18 avril: le Rwanda intente une action contre la France devant la Cour internationale de justice (CIJ), accusant Paris d’enfreindre le droit international en cherchant à poursuivre le président Paul Kagamé et certains de ses proches.
2 juillet : les avocats parisiens des plaignants rwandais qui dénoncent le rôle de l’armée française pendant le génocide demandent l’audition de plusieurs responsables français (les anciens ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Alain Juppé et Pierre Joxe et l’ex-secrétaire général de l’Elysée, Hubert Védrine). Ils fondent leur demande sur des documents d’archives révélés par Le Monde qui montrent que l’Elysée, malgré ses dénégations, avait été alerté très tôt du risque d’un massacre généralisé au Rwanda.
Septembre : pour la première fois depuis la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France, une mission officielle française se rend à Kigali.
8 décembre
 : Nicolas Sarkozy profite du sommet Europe-Afrique pour renouer le dialogue avec Paul Kagamé.

2008
26 janvier 
: le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, en visite à Kigali, admet que la France a commis en 1994 « une faute politique« 
6 avril : pour la première fois depuis le génocide, un membre du gouvernement français participe à une cérémonie commémorant le déclenchement du génocide.
5 août : la commission rwandaise chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’Etat français dans le génocide conclut à la « responsabilité » de la France dans « la préparation et l’exécution du génocide ».
19 novembre : la diplomate Rose Kabuye est mise en examen par la justice française et aussitôt mise en liberté sous contrôle judiciaire, pour « complicité d’assassinat », dans l’attentat du 6 avril 1994. Elle a été arrêtée le 9 novembre en Allemagne à la demande de la justice française et extradée.

2009
Janvier
: laDirection centrale du Renseignement intérieur (DCRI) enquête sur la divulgation d’un document interne montrant que l’armée française, loin d’empêcher le génocide de 1994, avait cherché à cacher aux médias sa passivité devant le drame.
Mai : Richard Mugenzi, témoin-clé de l’accusation étayant les accusations du juge Bruguière se rétracte.
25 août : le contrôle judiciaire de Rose Kabuye, mise en examen en novembre, est levé par le juge d’instruction Marc Trévidic.
16 octobre : le Conseil d’Etat confirme le rejet de la demande d’asile d’Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais, en raison notamment des soupçons pesant sur son éventuelle implication dans le génocide.

 

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/chronologie-des-relations-france-rwanda-

1975-2009_803234.html?p=2

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