En dépit de graves crimes commis par des soldats de l’armée de RD-Congo, les casques bleus maintiennent le soutien à leurs opérations militaires

L’Organisation des Nations unies se fait-elle complice de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ? Parmi les ONG et au sein même de l’organisation, des voix mettent en cause le soutien apporté par les casques bleus de la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monuc) à des unités de l’armée congolaise impliquées dans des tueries au Nord-Kivu (est).

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires a dressé la semaine dernière un tableau très critique de l’opération militaire Kimia II menée par les Forces armées de RDC avec l’appui de la Monuc. Cette offensive, entamée en mars 2009 et destinée à combattre les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), « a eu des conséquences catastrophiques sous le prisme des droits de l’homme, a déclaré Philip Alston. Des centaines de milliers de personnes déplacées, des milliers de viols, des centaines de villages entièrement brûlés, et au moins 1 000 victimes civiles. » Tout cela pour un résultat militaire médiocre, puisque les FDLR sont loin d’être démantelées et que les mines qu’elles contrôlaient jusqu’alors n’ont « pas été démilitarisées et continuent d’être exploitées par des groupes armés, en particulier par les Forces armées de RDC ».

Les exactions de l’armée congolaise

Outre les tueries de civils commises par les Forces démocratiques de libération du Rwanda, qui se sont multipliées par cinq depuis le début de l’opération Kimia II, le rapporteur a dénoncé les crimes commis par l’armée congolaise. Il a révélé notamment un massacre de civils commis par une unité issue d’un groupe rebelle à dominante tutsie, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), récemment intégrée à l’armée nationale. Le 26 avril, ces troupes ont attaqué un camp de fortune de réfugiés hutus à Shalio, au Nord-Kivu. « Les Forces armées de RDC ont entouré le camp, tué par balles et battu à mort au moins 50 réfugiés et ont entièrement brûlé le camp », a déclaré Philip Alston. Une quarantaine de femmes ont été enlevées, dont dix ont pu s’échapper et ont témoigné avoir subi des viols collectifs et de graves mutilations.

Le problème, c’est que les troupes mises en cause, commandées par le général rwandais Bosco Ntaganda, sous mandat d’arrêt international depuis 2006 pour crimes de guerre, bénéficient d’un soutien « logistique, technique et opérationnel » de l’ONU. Incluant officiellement une « planification conjointe » des opérations – peu effective – et surtout le transport des troupes, l’approvisionnement en nourriture et en munitions, ainsi qu’un « appui feu » ponctuel au moyen d’hélicoptères d’attaque, ce soutien s’est poursuivi alors même que l’ONU n’ignorait rien des graves abus commis par l’armée congolaise et disposait notamment d’informations selon lesquelles le massacre de Shalio avait été planifié.

Le principe d’un retrait du soutien onusien « reste à mettre en œuvre »

Dans son rapport du 30 juin 2009 adressé au Conseil de sécurité, deux mois après la tuerie de Shalio, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon déclarait pourtant : « La Monuc suivra de près le comportement des unités des Forces armées de RDC et cessera tout soutien aux opérations de celles d’entre elles qui ne respecteraient pas les droits de l’homme et violeraient le droit international humanitaire. » Le principe d’un retrait du soutien onusien aux unités commettant des crimes « existe sur le papier mais reste à mettre en œuvre », affirme une source onusienne, qui reconnaît qu’il « vise à préserver l’ONU de l’accusation de complicité de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ».

« L’opération Kimia II a échoué, il est temps d’y mettre fin, affirme Nicolas Vercken, d’Oxfam France. Il est insupportable que l’essentiel des souffrances subies par la population du Kivu soit imputable à des opérations soutenues par la communauté internationale, y compris par les représailles à grande échelle qu’elles impliquent de la part des FDLR. »

Mais d’autres préoccupations, liées au rapprochement souhaité entre Kigali et Kinshasa, entrent en compte. Intervenant vendredi 23 octobre devant le Conseil de sécurité, Alan Doss, représentant de l’ONU en RDC, a écarté toute idée de suspension de l’opération Kimia II. Il a reconnu que « l’intégration rapide de 20 000 membres d’anciens groupes armés, dont certains avec un lourd passif en matière de droits de l’homme, a aggravé les problèmes d’indiscipline et de crimes contre les populations civiles ».

Selon Alan Doss, une suspension « serait considérée comme une victoire par les FDLR et rendrait plus difficile pour le gouvernement de restaurer l’autorité de l’État et d’empêcher la réapparition d’autres groupes armés ». Or, en fait de restauration de l’État, il s’avère que l’administration parallèle mise en place par le CNDP – dont le fondateur, le général déchu Laurent Nkunda, est réfugié au Rwanda – est restée en place, et que les troupes en première ligne dans Kimia II incluent, selon des sources locales, des officiers et des soldats rwandais.

Laurent D’ERSU

 

http://www.la-croix.com/L-appui-de-l-ONU-a-l-armee-congolaise-est-mis-en-cause/article/2398558/4077

Posté par rwandaises.com