RDC : un sigle qui désigne un peu vite un Etat, la République Démocratique du Congo, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il a le triste privilège d’avoir traversé une succession de conflits entre le début des années 90 et aujourd’hui

« Trois millions de morts, c’est ce qu’on appelle une crise de basse intensité. Peu de grands titres dans la presse. Pas de manifestations, de collectes de fonds. Les chanteurs sont muets, les pétitionnaires aussi. Qui soutenir dans une affaire aussi compliquée ? Où sont les bons, les méchants, les persécutés ? ». Cette citation de Colette Braeckman, journaliste belge spécialiste de la République Démocratie Congo, par le géographe français Roland Pourtier1, résume assez bien le questionnement que l’on est en droit d’avoir à propos des violences connues par ce pays. Si le pays, devenu Zaïre en 1971, semblait avoir retrouvé une certaine stabilité sous la férule de Joseph-Désiré Mobutu, le « léopard de Kinshasa », entre 1965 et 1997, il n’en demeure pas moins que les tensions s’étaient ravivées dans le pays avec la chute du mur de Berlin et la fin du bloc communiste. De fait, dans les années 90, le Zaïre a connu des affrontements armés entre différentes communautés, d’autres violences découlant de l’épisode tristement célèbre du génocide rwandais de 1994, puis deux guerres, baptisées prosaïquement première et deuxième guerre du Congo. Le premier conflit (1996-1997) a vu la chute de Mobutu, évincé par Laurent-Désiré Kabila, tandis que le second (1998-2003) a opposé le Zaïre redevenu République Démocratique du Congo à certains de ses voisins, tout en étant soutenu lui-même par d’autres Etats limitrophes. Si la deuxième guerre du Congo s’est officiellement terminée en 2003, il n’en demeure pas moins que la RDC en supporte toujours les conséquences aujourd’hui. Tous les problèmes à l’origine des différents conflits sont loin d’être réglés, et l’offensive du général Laurent Nkunda entre octobre 2008 et janvier 2009, date de son arrestation par les autorités rwandaises, est là pour rappeler que l’est de la République Démocratique du Congo est encore soumis à la dure loi de la guerre. Une guerre qui s’alimente d’elle-même puisque vient se greffer la lancinante question de la mise en coupe réglée, par les différents acteurs, des ressources naturelles de l’est du pays. On voit bien aussi le jeu d’échelles dans ses guerres successives, entre affrontement local et conflit régional. Plus généralement, comment expliquer cette incroyable flambée de violences et ces conflits à répétition ? Comment expliquer que malgré la fin officielle des hostilités il y a plus de cinq ans, la RDC soit toujours enlisée dans une guerre larvée ravageant une grande partie de l’est de son territoire ? Derrière les apparences souvent trompeuses, quels sont en fait les véritables enjeux de cette guerre qui fait rage en Afrique Centrale depuis plus de 15 ans ?
 

Le but de cette première partie est d’abord de retracer l’histoire de l’escalade de la violence en République Démocratique du Congo et d’en poser les différents épisodes. Cette présentation générale autorise à s’interroger, dans une deuxième partie, sur ce qui fait l’essence de ces conflits, causes bien souvent évacuées par des médias en quête, plus ou moins légitime, de simplification. Enfin, l’étude de ces explications permet de s’interroger, dans une dernière partie, sur la situation actuelle et de se demander si, oui ou non, la République Démocratique du Congo peut aller vers une sortie de crise sur le long terme.

 

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      La République Démocratique du Congo dans la tourmente, de la fin du règne de Mobutu à la « première guerre continentale africaine » (1993-2003) :

L’ampleur des différentes guerres ayant frappé la RDC sur cette seule décennie est considérable : un chiffre suffit à la résumer, puisque ce sont plus de 3 millions de personnes, et au jour d’aujourd’hui, sans doute près de 4 millions, qui ont perdu la vie directement ou indirectement dans ces combats.

 

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      Les massacres de mars 1993 au Nord-Kivu :

Voilà un épisode rarement abordé, éclipsé par la question rwandaise immédiatement postérieure, alors qu’il est pourtant très instructif sur les logiques de conflit dans ce qui est encore le Zaïre de Mobutu2. Le Nord-Kivu a en effet cette particularité d’abriter une importante population rwandophone originaire du pays voisin : des migrants très anciens, précédant la colonisation ; d’autres installés par le colonisateur belge à partir de 1937 dans ce qui est aujourd’hui la RDC ; d’autres, enfin, arrivés après la décolonisation pour fuir les violences entre Hutus et Tutsis dans le Rwanda fraîchement indépendant. Ces populations, en 1993, représentent sans doute entre 700 000 et 1,5 millions de personnes soit la moitié de la population totale du Nord-Kivu. Relativement bien intégrés, ils sont parfois majoritaires dans certaines régions, comme le Masisi, face aux autochtones. La plupart de ces «  Banyarwanda  » (terme désignant les rwandophones) sont des Hutus, mais on trouve aussi un certain nombre de Tutsis, plus aisés en général. Les massacres qui prennent place en mars 1993 dans le Masisi, justement, ne sont pas le fruit du hasard ou d’une éruption spontanée de violence : ils marquent l’aboutissement de tensions sociales s’étalant sur plusieurs décennies3.

Car la présence des Banyarwanda pose deux problèmes majeurs : celui de la répartition du pouvoir politique et celui, inextricablement lié, de l’accès et de la possession à la terre4. En clair, dès la période coloniale et jusqu’en 1993, les autochtones s’opposent très nettement aux Banyarwanda, vus parfois comme des envahisseurs étrangers dont on craint qu’ils ne prennent le pouvoir politique de par le nombre, et le pouvoir économique par l’accaparement des terres. La question de la nationalité zaïroise recoupe ces deux problèmes car elle détermine, largement, l’accès à la propriété foncière. Hors la législation se durcit, le statut de 1982 privant de leur nationalité zaïroise les rwandophones qui l’avaient acquise par la loi de 1972. Une opération de recensement en 1991 en vue des élections régionales ne peut pas dresser la liste des «  nationaux  » car les Hutus répondent de manière violente et chassent les agents de l’Etat. Les violences locales se multiplient entre 1992 et 1993 dans le Masisi. Le 20 mars 1993, des groupes de jeunes hunde, nyanga et tembo, principales ethnies autochtones, déclenchent le premier massacre de paysans hutus sur le marché de Ntoto (est de la province de Walikale), un premier choc suivi de biens d’autres. Les groupes d’autodéfense hutus du Masisi s’en prennent alors aux Hunde. En 6 mois, on compte entre 3 et 14 000 morts durant les affrontements qui provoquent également le déplacement de plus de 200 000 habitants. Ce n’est qu’entre novembre 1993 et août 1994 que la situation s’apaise, sous l’effet combiné du déploiement de troupes de la division spéciale présidentielle et d’un intense travail de communication associant agents officiels, société civile et chefs coutumiers. Il est significatif que ces affrontements aient été provoqués et alimentés par des paysans pauvres, ce qui rejoint les considérations évoquées tout à l’heure.
 

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      L’amplificateur rwandais : les retombées du génocide de 1994 :

Le 6 avril 1994, l’avion transportant les présidents du Rwanda (hutu) et du Burundi est abattu par un tir de missile sol-air dont on peine toujours à déterminer, aujourd’hui, l’origine, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées, très récemment encore par Pierre Péan, par exemple. Cet attentat intervient alors que le pouvoir hutu du Rwanda est menacé par l’offensive de l’Armée Patriotique Rwandaise, composée de Tutsis, opérant depuis l’Ouganda, et dirigée par Paul Kagame, un homme politique avisé mais aussi un militaire formé aux Etats-Unis après avoir combattu dans la rébellion ougandaise ayant porté Museveni au pouvoir sur place en 1986. L’attentat a pour effet de déclencher le génocide des Tutsis et des Hutus modérés, également, par le pouvoir hutu encore en place face à l’offensive de l’APR. Génocide qui, d’ailleurs, ne fait pas tout de suite les choux gras des médias internationaux alors fort occupés en ex-Yougoslavie. L’APR, plus cohérente et structurée que sa rivale, les Forces Armées Rwandaises (FAR), pourtant armées et soutenues par la France, balaye tout devant elle et entre à Kigali en juillet 1994. La débandade des FAR consécutive à la poussée de l’APR, en plein milieu du génocide, a pour conséquence de déporter la guerre au Kivu, à l’est du Zaïre : protégés par les soldats français de l’opération Turquoise, ce ne sont pas moins d’1,2 millions de réfugiés hutus qui se déversent en flots tumultueux dans cette région. Parmi eux, de nombreux anciens membres des FAR et des milices interahamwe, principaux responsables du génocide, et qui trouvent asile, en particulier, dans des camps au Nord-Kivu. Reconstituant leurs forces dans ces camps alimentés par le Haut Commissariat aux Réfugiés et le Programme Alimentaire Mondial, les Hutus déchus lancent des raids dans le Rwanda tutsi à peine surgi de la guerre. Paul Kagame est particulièrement sensible aux problèmes de ces camps de réfugiés frontaliers, berceaux d’un renouveau militaire hutu, puisque l’APR avait suivi le même chemin à partir de camps basés en Ouganda. Le Rwanda trouve à ce moment-là le soutien des Etats-Unis, heureux de bénéficier d’un allié supplémentaire voisin de l’Ouganda, déjà ami, pour ceinturer le Soudan islamique jugé dangereux.

Pour gagner du temps, les stratèges rwandais jouent la carte des Banyamulenge5, des éleveurs tutsis installés au Sud-Kivu et victimes des mêmes problèmes et vexations que leurs cousins Banyarwanda au Nord-Kivu. Certains Banyamulenge se sont même engagés dans l’APR pour contribuer à la conquête du pouvoir au Rwanda. Leur expérience militaire sera précieuse lorsqu’ils reviendront au Kivu en 1995-1996. A tel point qu’on fera de la victoire de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila un mouvement largement mené par les Banyamulenge. Ceux-ci sont en fait les descendants de pasteurs tutsis installés au Sud-Kivu au début du XIXème siècle. Leur nombre demeure inconnu puisqu’ils se considèrent comme Zaïrois jusqu’en 1976, date où ils optent pour l’appellation de Banyamulenge (Mulenge est le nom du premier village où ils se sont installés après leur migration) afin de se démarquer du reste de la population. Devenus apatrides de par la loi sur la nationalité de 1982, ils avaient jusque là plutôt collaboré avec le pouvoir central, participant à l’écrasement de la rébellion des Simba en 1965 et obtenant des postes dans l’armée, et même un député. La détérioration de leur situation au cours des années 90 s’accélère : leurs richesses sont lorgnées par certains autochtones et certains hommes politiques du pouvoir central, tout comme au Nord-Kivu. On a vu ce qu’il en était de l’opération d’épuration lancée au là-bas en mars 1993. L’arrivée des réfugiés hutus chassés par l’APR va entraîner une recomposition : les Hutus zaïrois rejoignent les ex-FAR et les anciens interahamwe tandis que les Tutsis zaïrois font front commun avec les autochtones. Cette seconde guerre dans le Masisi, en 1995-1996, sert ainsi à installer sur place les Hutus rwandais qui, rétribués par Mobutu et le pouvoir central zaïrois, servent à la fois de dispensateurs des basses-oeuvres pour le régime sur le plan local, tout en permettant d’harceler le nouveau régime tutsi de Kigali dans le Rwanda voisin. D’autant plus que ces mêmes années arrivent aussi d’autres vagues de réfugiés hutus en provenance, cette fois-ci, du Burundi où l’on retrouve le même clivage entre Hutus et Tutsis, comme au Rwanda, avec cortège de violences similaire.
 

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      La première guerre du Congo (1996-1997) : le crépuscule de Mobutu :

La guerre, cette fois, est déclenchée sur le sol zaïrois par le Rwanda, dont l’objectif premier est de se débarrasser des camps de réfugiés des Kivus qui servent de base arrière aux combattants Hutus des ex-FAR et interahamwe pour leur entraînement, leur approvisionnement et leur repli après les attaques au Rwanda même. En septembre 1996, les Banyamulenge armés par Kigali se jettent sur les camps du Sud-Kivu. Un objectif second du Rwanda est bien de se constituer un glacis à l’ouest, au-delà de l’élimination des camps proprement dite. Ce dernier objectif est atteint à la mi-novembre 1996 par les militaires rwandais : de 600 à 800 000 réfugiés sont rapatriés au Rwanda. Les 300 à 500 000 autres ont été massacrés par les forces de l’AFDL, mouvement rebelle de Laurent-Désiré Kabila parrainé par le Rwanda, qui paye ainsi une partie de sa dette envers son protecteur, ou sont morts sur les routes de l’exode. Quelques dizaines de milliers de Hutus, essentiellement les anciens membres des FAR et des milices interahamwe, survivent et restent cachés dans les forêts des Kivus ; devenus plus tard les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda), leur présence et leur désarmement constituent l’un des principaux obstacles à une paix retrouvée pour la République Démocratique du Congo aujourd’hui. Sur la guerre menée du Rwanda se greffe l’anabase de Laurent Désiré Kabila6, ancien chef du maquis destiné à renverser Mobutu à la tête de l’AFDL, un mouvement piloté par le Rwanda et l’Ouganda, qui espéraient bien se servir de lui à leur guise.

Kabila, ancien chef rebelle du Parti de la Révolution Populaire (PRP), n’est pas le mieux placé des trois signataires de l’alliance qui donne naissance à l’AFDL, le 18 octobre 1996 : Douglas Bugera n’est autre que le chef des Banyamulenge qui harcèlent depuis un certain temps, nous l’avons vu, les forces armées zaïroises ; Kisase Ngandu dirige une bande de 600 combattants qui opèrent au Zaïre depuis l’Ouganda. Kabila n’est alors que le porte-parole de l’alliance : on l’a choisi parce qu’il est connu sur la scène politique et parce qu’il maîtrise un certain nombre de langues du fait de son activité commerciale. Kabila s’implante aux Kivus après le nettoyage des camps qui est largement le fait des Banyamulenge opérant à partir des montagnes et de l’armée rwandaise, très organisée. Il organise la collecte d’un impôt de guerre sur place pour financer la suite de la guerre ; il récupère les cadres locaux restés sur place ; il négocie des contrats d’exploitation miniers avec des firmes étrangères qui versent, là encore, de généreuses contributions qui vont grandement aider l’AFDL. La victoire est rapide : le 17 mai 1997, Kabila entre sans résistance à Kinshasa et proclame le retour à la République Démocratique du Congo. Le Zaïre mobutiste a vécu. Le résultat de cette première guerre porte en lui les germes de la deuxième : Kabila, encore très marqué par un marxisme teinté d’un fort nationalisme, a conquis la population congolaise, mais sa volonté d’émancipation face à ses parrains va engendrer l’affrontement, car ceux-ci comptent bien récupérer en RDC les dividendes de leur investissement à court terme, j’ai nommé Kabila et l’AFDL.
 

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      La deuxième guerre du Congo (1998-2003) : la «  première guerre continentale africaine » :

Kabila prend un train de mesures, le 27 juillet 1998, directement tourné contre l’ingérence trop visible du Rwanda et de l’Ouganda dans l’est de la RDC. La réaction est instantanée : un nouveau mouvement, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), sort de terre, sous l’ombre bienveillante des deux Etats s’estimant mal traités par Kabila. Si le nord et l’est du pays tombent rapidement sous leur coupe, les troupes d’élite rwandaises échouent dans une audacieuse opération aéroportée à l’extrême-ouest du pays, lancée le 4 août ayant pour but de s’emparer de la capitale Kinshasa7. Elles s’emparent du camp militaire de Kitona mais se heurtent à une farouche résistance aux portes de Kinshasa. Les troupes qui assaillent alors la capitale congolaise sont formées de rebelles tutsis issus de l’armée nationale, de Banyamulenge, de soldats rwandais, mais aussi d’anciens membres de l’armée mobutiste que les assaillants ont «  récupéré  » sur la base de Kitona : anciens de la division spéciale présidentielle notamment. Cette armée hétéroclite ne peut prendre l’aéroport de Kinshasa défendu depuis le 20 août par des troupes zimbabwéennes, alors qu’elle est sous le pilonnage constant de MiG angolais. Car cette deuxième guerre du Congo implique largement les Etats voisins de la RDC. Dans Kinshasa, la population, farouchement opposée à ce qu’elle perçoit comme une agression étrangère, est encadrée par l’appareil de l’AFDL et galvanisée par les discours de Kabila : très vite les violences suivent contre les rebelles puis tous les Tutsis réels ou supposés.

On a qualifié ce conflit de « première guerre continentale africaine » car une bonne partie des Etats d’Afrique centrale s’y retrouve engagée. Du côté de la rébellion, c’est bien le Rwanda qui est le chef d’orchestre, mollement appuyé par l’Ouganda et encore moins par le Burundi. La RDC est soutenue par l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie et le Tchad, et ce sont surtout les deux premiers cités qui interviennent militairement en soutien. La guerre est cette fois une pure entreprise de prédation : il s’agit de s’assurer la position la plus confortable pour exploiter les ressources naturelles de la RDC qui sont à prendre après la chute de Mobutu et l’instabilité d’un nouveau régime qu’on juge ne pas devoir durer. La rébellion du RCD, très hétéroclite, ne tient qu’à la bonne volonté de ses deux protecteurs. Or le Rwanda et l’Ouganda vont s’opposer sur les suites à donner au conflit. En mai 1999, une scission se produit entre le RCD-Goma, d’obédience rwandaise, et le RCD-Mouvement de Libération (ML) basé à Kisangani, soutenu par l’Ouganda. A l’automne, Jean-Pierre Bemba crée un autre mouvement dissident, le Mouvement de Libération du Congo (MLC). Les dirigeants de ces factions sont d’anciens membres de l’élite mobutiste, qui toisent de haut Kabila ; lequel finit par être assassiné le 16 janvier 2001. Lui succède son fils Joseph, qui, à la surprise générale, tient la barre et redresse même la situation. Il parvient à se rallier le RCD-ML anciennement inféodé à l’Ouganda. La rivalité entre le Rwanda et l’Ouganda détermine alors une grande partie des affrontements armés dans l’est de la RDC.
 

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      L’Ituri : un cas d’école des 15 ans de conflit en RDC (mai 2003) :

Cette région au nord-est du Congo est le miroir de tous les facteurs déclenchant les conflits précédents8. Les affrontements, qui ont fait depuis 1999 50 000 morts et 500 000 déplacés (pour 3,5 millions d’habitants), ont demandé l’interposition d’un contingent français, puis d’une force multinationale sous mandat de l’ONU. En Ituri, deux population s’opposent : les Hemas, favorisés par l’ancien colonisateur belge, et les Lendus. Comme aux Kivus, la question de la terre est centrale puisque c’est l’accaparement de la terre par les premiers qui, en 1999, déclenchent les premiers massacres et la formation de milices. Problème supplémentaire : le conflit en Ituri prend une dimension régionale, puisque de nombreux Hemas vivent en Ouganda voisin, et le président Museveni est lui-même un Hema. Par contrecoup, les Lendu trouvent appui auprès des Nande des Kivus en compétition économique avec leurs rivaux. L’Ouganda favorise donc la création d’une dissidence hema du RCD, l’Union des Patriotes Congolais (UPC) dirigée par Thomas Lubenga. Le RCD-ML, formé de Nande, a fait alliance avec Kinshasa et, transporté en Ituri, organise l’armement des Lendu. Le MLC de Bemba, lui, cherche à étendre son influence dans l’est de la RDC. Mais après la signature en septembre 2002 d’un accord entre RDC et Ouganda à Lusaka, l’UPC se place sous la protection rwandaise.

La ville de Bunia, capitale de l’Ituri, change plusieurs fois de mains durant les combats, particulièrement après le retrait des troupes ougandaises en mai 2003 consécutif à la signature de l’accord général de Prétoria, mettant fin officiellement à la deuxième guerre du Congo. La MONUC, Mission des Nations Unies au Congo, se retrouve alors incapable de faire face aux violences. Il faut l’envoi des militaires français début juin pendant l’opération Artémis9 pour stabiliser la situation. Mais les troupes françaises ne peuvent désarmer les milices qui attendent leur départ ; par ailleurs les armes circulent abondamment sur place, soit du fait de la contrebande menée par d’importants intermédiaires comme le célèbre Viktor Bouts, soit par transit après fabrication sous licence en Ouganda ou au Zimbabwe. Ce conflit implique également un grand nombre d’enfants-soldats, ce qui n’est malheureusement pas un cas isolé dans les conflits de la RDC.

 

1Roland Pourtier, « L’Afrique centrale dans la tourmente. Les enjeux de la guerre et de la paix au Congo et alentour. », Hérodote n°111, 2003, p.11-39.

2Mathieu P., Laurent P.J., Mafikiri T., 1997, « Compétition foncière, confusion politique et violences au Kivu : des dérives irréversibles ? », Politique Africaine n°67, p.130-136, 1997.

3Paul Mathieu, A.. Mafikiri Tsongo, « Guerres paysannes au Nord-Kivu (République démocratique du Congo), 1937-1994 », Cahiers d’études africaines n°150, 1998, p.385-416.

4Etienne Rusamira, « La dynamique des conflits ethniques au Nord-Kivu : une réflexion prospective », Afrique contemporaine n°207, 2003, p.147-163.

5Monique Chajmowicz, « Kivu : les Banyamulenge enfin à l’honneur », Politique africaine n°64, p.115-120, 1996.

6Jean-Claude Willame, «  Laurent Désiré Kabila : les origines d’une anabase  », Politique Africaine, n° 72, 1998, p. 68-80.

7Gauthier De Villers et Jean Omasombo Tshonda, « La bataille de Kinshasa », Politique africaine n°84, 2001, p.17-32.

8Thierry Vircoulon, « L’Ituri ou la guerre au pluriel », Afrique contemporaine n°215, 2005, p.129-146.

9Nyagalé Bagayoko, « L’opération Artémis,un tournant pour la politique européenne de sécurité et de défense ? », Afrique contemporaine n°209, 2004, p.101-116.

 

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