Révélation d’une comédienne, Ruth Nirere, à l’interprétation éblouissante dans le rôle difficile d’une femme abandonnée à elle-même pendant le génocide, dest tutsi au Rwanda  en 1994, 

Le Jour où Dieu est parti en voyage de Philippe Van Leeuw. France-Belgique. 1 h 34.

Comme l’annonce l’avertissement  : «  Cette histoire est située au Rwanda, pendant le génocide du printemps 1994. Les victimes furent essentiellement des Tutsi dont la seule appartenance à cette ethnie a suffi à les précipiter vers la mort, ou des opposants au régime. On estime entre huit cent mille et un million le nombre de ceux qui ont péri alors.  » Et, au début, c’est un peu comme dans les autres films consacrés au sujet, avec des bruits de bottes, des canons de mitraillettes filmés en gros plans, des gamins rendus fous d’être soudain les maîtres du monde du simple fait d’avoir au poing une arme, une famille blanche, belge en l’occurrence, apeurée et empaquetant ses biens à toute vitesse pour décamper avant qu’il ne soit trop tard. Le génocide rwandais a été le conflit africain le plus filmé qui soit, généralement par des Occidentaux à grand renfort d’images chocs en écran large et de musique symphonique redondante (Hôtel Rwanda, Shooting Dogs…). Autant dire qu’on déchantait déjà à voir cet autre film européen commencer de même.

Pourtant, rapidement, tout s’apaise, si l’on peut dire bien entendu. On oublie les Belges repartis vers Bruxelles et les mercenaires qui ne seront plus, sauf dans de rares scènes précises, qu’une toile de fond une fois qu’ils croient avoir fait le vide autour d’eux. L’action se concentre sur Jacqueline, la domestique rwandaise abandonnée par la famille en fuite, calfeutrée dans les combles. Seule, il va lui falloir sortir, partir sans se faire repérer, tenter de retrouver ses enfants, encaisser le choc de leur massacre, repartir encore. À ce moment, faute de possibilité de dialogues, il n’y a plus qu’un corps à l’écran, celui de l’admirable comédienne Ruth Nirere, avec une petite croix chrétienne à son cou et sa modeste robe bleue à simples motifs blancs. C’est peu mais c’est assez pour faire un film tant la tension qui suit n’est pas indigne de celle semblable qu’on pouvait trouver dans le cinéma américain, dans les marais de Louisiana Story, les bayous de la Forêt infernale ou les jungles d’Apocalypse Now. On aurait presque souhaité que l’œuvre se poursuive ainsi. Pour son premier long métrage comme réalisateur, le chef opérateur Philippe Van Leeuw (la Vie de Jésus, de Bruno Dumont) oppose à Jacqueline un blessé, qu’elle va sauver en pissant sur ses plaies. À la fin, on a une femme murée dans son silence, aucune explication des causes de cette guerre et une sacrée tranche de cinéma.

Jean Roy

 

 http://www.humanite.fr/2009-10-28_Cultures_-Une-lumiere-dans-les-tenebres

Posté par rwandaises.com