(Syfia Grand Lacs/Rwanda) Dix mois avant le scrutin présidentiel prévu en août 2010, la campagne électorale semble avoir déjà commencé au Rwanda. Le président sortant multiplie les visites dans le pays, les opposants font part en toute discrétion de leurs programmes, les exilés annoncent leurs candidatures et font des alliances avec les partis locaux.

Ce n’est pas habituel de voir le président rwandais, Paul Kagame, secouer des mains au sein d’une foule nombreuse. Pourtant, ce fut le cas lors de sa visite dans la circonscription de Nyagatare, au nord-est du Rwanda en mai dernier et depuis lors dans diverses autres circonscriptions. Pour son allocution, il est même monté sur des pupitres superposés pour être mieux vu, à la surprise du service du protocole. Comme dans les autres lieux où il s’est rendu récemment, il a articulé clairement son discours, répétant les mêmes mots qui incitent les citoyens à compter plus sur leurs efforts que sur les aides étrangères. Les acclamations ont suivi. « Je suis venu vous rendre visite ; j’avais la nostalgie de vous tous », a-t-il ajouté avant d’accorder la parole à quelques paysans. Ceux-ci avaient été préparés par leurs dirigeants sur l’enjeu électoral. « Notre cher président, tu es sans égal : tu nous as donné des vaches ; tu nous as incités au travail ; personne ne meurt plus de faim…Ton mérite est extraordinaire. Nous ne ferons que te couvrir de nos milliers de voix lors des élections », dit le premier paysan, vite suivi par d’autres. À chaque visite, il flotte ainsi comme un air de campagne électorale.

Opposants dans la clandestinité
Les opposants, eux aussi, sortent petit à petit de leur clandestinité et parlent de leur candidature. « Les citoyens ne sont pas encore très dynamiques dans la campagne. Seuls les responsables des partis ont commencé à approcher les gens pour les exhorter à penser aux élections et aux postes politiques qu’ils recevraient s’ils les élisent », explique cet abbé de Kigali, informé par ses paroissiens qui ont été invités dans des réunions secrètes préparant ces scrutins.
Les opposants connus, en exil en Europe et en Amérique, ne restent pas non plus les bras croisés. Ils font déjà campagne et annoncent officiellement leur candidature sur les ondes des radios internationales et dans certains journaux locaux. Aucun d’eux n’a attendu le début officiel de la campagne présidentielle fixée, par le Conseil des ministres de septembre dernier, au 20 juillet 2010 pour un scrutin le 9 août. « Leurs partisans sont partout dans le pays ; ils se réunissent dans la grande clandestinité de peur d’être identifiés par le service de renseignements « , révèle ce vétéran de Gitarama, au centre du pays, membre des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi) dont la présidente Victoire Ingabire Umuhoza, exilée aux Pays Bas, s’est déclarée candidate aux présidentielles.

Premières mobilisations des citoyens
Ces exilés ont formé des alliances pour contrer le FPR, parti au pouvoir qui n’a pas encore donné solennellement le nom du candidat aux présidentielles 2010. Bernard Ntaganda, chef du Parti socialiste-Imberakuri, a décidé de rejoindre les opposants en exil du Ralliement pour l’unité et la démocratie (RUD-Urunana) et des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi). « Les Rwandais dans le pays échangent des mails avec eux sur les préparatifs électoraux et sur ce que fait le parti au pouvoir », informe un membre du Parti du progrès et de la concorde (PPC) qui, avec d’autres partis satellites, s’est rallié au FPR.
Les militants du camp des dirigeants préparent déjà les intore, les militants intègres, à devenir des mobilisateurs politiques dans leurs villages respectifs. En août dernier, le président Kagame a accueilli à Kigali, au stade Amahoro, plus de 25 000 hommes et femmes, en T-shirts et casquettes blancs. ˝Vous être vraiment des intore qui ne reculent jamais devant les difficultés… On m’a parlé de vos problèmes de communication ; je promets à chacun un téléphone portable », a annoncé Paul Kagame, qui rappelle qu’un intore, comme tout autre citoyen digne de ce nom, doit savoir discerner qui apportera un futur meilleur. Les chefs religieux font de même. « J’ai été stupéfait d’entendre le mufti du Rwanda, Cheikh Saleh Habimana, dire à l’occasion de la fête de ramadan, que ses confrères et sœurs musulmans doivent élire rien que le futur meilleur », s’étonne cet enseignant sociologue qui lutte contre toute transgression de la loi électorale.
Cependant, même parmi les partisans du FPR, certains émettent des réserves sur ce démarrage précoce de la campagne, comme ce citoyen de Kigali qui estime que « Kagame est l’homme du développement et des changements, mais qu’il faut que lui et ses opposants respectent le règlement électoral. »

 
 

http://syfia-grands-lacs.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1559

Posté par rwandaises.com