Le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de paix, Alain Le Roy, a terminé jeudi sa visite de travail d’une semaine en RDC. Dans une interview accordée à radiookapi.net, il parle notamment de l’avancement du processus de paix, de la question des FDLR, du mandat de la Monuc, etc.

Alain Le Roy, SG adjoint de l’Onu au Maintien de la paix

Radio Okapi : Alain Le Roy, vous venez de passer une semaine en RDC pour évaluer l’avancement du processus de paix, tel qu’annoncé à votre arrivée. A quels résultats êtes-vous arrivé ?

Alain Le Roy : énormément des changements très positifs. Comme vous le dites, j’étais venu l’année dernière exactement à la même période, c’est-à-dire début novembre. Et à l’époque, c’était une situation de crise en particulier près de Goma lorsque le CNDP (NDLR : Congrès national pour la défense du peuple, mouvement rebelle mené par Laurent Nkunda, actuellement assigné à résidence au Rwanda) était très menaçant. C’était une période de tension très forte. Evidemment je peux voir les grands progrès réalisés en un an. C’est vrai qu’il y a beaucoup de choses à régler. Mais, on est vraiment sur la voie de sortie de crise. Et le pays est sur la bonne voie. Les relations entre la RDC et le Rwanda se sont vraiment améliorées. Les échanges d’ambassadeur qui ont lieu entre les deux pays sont des très bons symboles de l’amélioration de la situation. Je crois qu’il y a beaucoup de progrès dans la lutte contre les FDLR (NDLR : Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, mouvement rebelle rwandais d’obédience hutu). Tout ce qui a été fait pour la stabilisation de l’est en appui du STAREC (NDRL : Programme de Stabilisation et de reconstruction des zones sortant des conflits armés), je crois qu’il y a beaucoup d’éléments très favorables. Dans l’intégration des groupes armés au sein des FARDC, énormément des progrès ont été faits. Bien sûr, il faudrait encore beaucoup plus pour arriver à une véritable armée républicaine, professionnelle, et disciplinée. La Monuc est toute prête à porter son assistance. Beaucoup de progrès sont été réalisés, mais il en reste encore beaucoup à faire.

R.O : lors de votre passage au Nord-Kivu, vous avez condamné le massacre de 62 personnes civiles à Lukweti. Comme conséquence, la Monuc a suspendu son appui logistique aux unités des FARDC mises en cause dans ce massacre. Pourquoi cette décision au moment où il n’y a pas eu d’enquête pour établir les responsabilités ?

A.L.R : parce qu’il y avait déjà des résultats très clairs d’une enquête préliminaire menée par le bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’Homme. Et là-dessus, les résultats qui nous ont été rapportés sont malheureusement très clairs. Ils ont la preuve qu’au moins 62 civils ont été tués par des éléments appartenant au 213ème brigade. C’est évidemment un crime très important. Ce sont les directives de conseil de sécurité qui disent que nous ne pouvons pas soutenir une unité qui porterait atteinte aux droits de l’Homme. Et là évidemment, cibler les civils est un acte extrêmement grave. Et nous avons à l’esprit la politique de « tolérance zéro » du président de la République. Nous avons suspendu immédiatement notre soutien à la 213ème brigade. Mais, avant de prendre cette décision, nous avons informé toutes les autorités militaires, le ministre de la Défense, le chef d’Etat-major général des FARDC. Mais, en même temps, avec les autorités militaires, nous lançons une enquête conjointe détaillée pour établir l’ensemble des faits. Et puis, nous allons déployer une base temporaire de la Monuc à Lukweti pour à nouveau rassurer les citoyens sur place.

R.O : mais le gouvernement qui est partenaire de la Monuc dans les opérations Kimia II, par son porte-parole, a estimé que cette décision était unilatérale…

A.L.R : c’est vrai que c’est une décision de la Monuc, à nouveau qui applique les directives du conseil de sécurité qui dit que nous pouvons soutenir les opérations de FARDC s’il y a planification conjointe et s’il n’y a pas violation des droits de l’Homme ou du droit humanitaire international. Nous sommes dans ce cas là. C’est une décision de la Monuc qui correspond aux directives du conseil de sécurité, mais nous avons pris soin d’informer les autorités congolaises.

R.O : votre séjour en RDC coïncide avec la publication de ce nouveau rapport de Human Rights Watch sur la multiplication des atrocités commises par les FARDC dans le cadre de l’opération Kimia II dans l’Est de la RDC. Et cette ONG demande à la Monuc de suspendre son soutient aux FARDC faute de quoi elle risque d’être impliquée dans des nouvelles atrocités. Votre point de vue ?

A.L.R : je sais bien que c’est une question très complexe. Mais en même temps nous avons un mandat du conseil de sécurité pour assister les FARDC afin de désarmer les groupes rebelles, en particulier les FDLR. Ça, c’est parfaitement clair ! Et tout récemment, le conseil de sécurité nous a renouvelé son soutien dans cette action d’appui aux FARDC dans leur action militaire contre les FDLR. Mais, il y avait des limites très précises : il faut qu’il y ait planification conjointe. C’est le cas. Il faut aussi qu’aucune unité ne se livre pas à des violations des droits de l’Homme ou du droit humanitaire international. Mais évidemment c’est une question très compliquée. Nous avons l’impression que si nous supprimions tout soutien à l’opération Kimia II, ce ne sera pas au profit des civils. J’ai visité moi-même plusieurs sites au Nord-Kivu et au sud-Kivu. C’est vrai que les populations civiles apprécient énormément la présence de la Monuc pour contribuer à se sentir rassurées et protégées. Le soutien à l’opération reste important et la présence de la Monuc dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu reste essentielle

R.O : un extrait de ce rapport stipule, je cite : « la volonté persistante de la Monuc d’apporter son soutien à des opérations militaires pendant lesquelles sont commises des exactions l’implique dans des violations des lois de la guerre.» Comment y répondez- vous ?

A.L.R : la question a été débattue récemment au conseil de sécurité, le 16 octobre dernier. Le conseil de sécurité a réaffirmé son soutien à la Monuc sur ce plan. Néanmoins, le conseil de sécurité a précisé que lorsqu’il y a violation des droits de l’Homme, nous devons suspendre notre soutien. Nous avons suspendu notre soutien à la 213ème brigade. Et nous discutons avec les autorités militaires pour que ceci ne se reproduise pas. Et je suis sûr que les autorités militaires aussi sont conscientes que cette situation inacceptable à Lukweti ne doit pas se reproduire pas. Sinon, la Monuc sera obligée de suspendre son soutien.

R.O : un auditeur de Radio Okapi, professeur à l’université de Kisangani, pense que la Monuc travaillant avec les FARDC lui apporte son appui en les accompagnant dans leurs opérations. Je voudrais savoir où étaient les forces de la Monuc lorsque se commettaient les crimes ? Si la Monuc appuyait les FARDC pendant cette période, quelle serait sa part de responsabilité dans ces crimes ?

A.L.R : question évidemment très compliquée. La Monuc fournit planification conjointe, nourriture, carburant dans certains cas et soutien logistique. Nous ne pouvons pas être partout en même temps. La Monuc c’est au total 20.000 hommes ; alors que les Kivu c’est environ 10.000.000 d’individus. Nous ne pouvons pas être partout où opèrent les FARDC qui sont plus nombreuses.

R.O : vous vous êtes aussi rendu à Kigali. Certains observateurs pensent que la solution au problème des FDLR passe par l’organisation d’un dialogue inter rwandais sous l’impulsion de la communauté internationale. Qu’en pensez- vous ?

A.L.R : je crois que ce qui est essentiel est que le Rwanda continue à assurer la condition de rapatriement des FDLR au Rwanda. Plus de 1.200 combattants FDLR et leurs familles sont déjà rapatriés au Rwanda. Il faut permettre que les conditions d’accueil de ces FDLR au Rwanda encouragent d’autres combattants aussi à y retourner. Le Rwanda travaille dans ce sens. Il faut justement qu’il continue pour faciliter le travail de DDRRR (NDLR : le processus de Désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation).

R.O : beaucoup d’organisations des droits de l’Homme pensent que les Nations unies doivent agir pour l’arrestation des officiers FARDC cités dans des rapports accablants, comme Bosco Ntaganda. Que fait la Monuc dans ce sens ?

A.L.R : la Monuc continue de discuter avec les autorités congolaises sur ces différents points. Nous sommes contre l’impunité quant à tous ceux qui sont accusés ou seraient accusés de crime de guerre. Nous sommes notamment heureux de la politique de « tolérance zéro » initiée par le président Kabila. A présent, il faut que l’appareil judiciaire suive avec des inculpations, là où il le faut.

R.O : lorsque vous dites que le mandat de la Monuc doit être adapté au nouveau contexte. Qu’est-ce que cela veut dire ?

ALR : l’année dernière lorsque le mandat actuel a été adopté, le CNDP constituait encore une menace militaire très forte notamment contre la ville de Goma. Le contexte a changé. Le CNDP a commencé à s’intégrer dans l’armée congolaise. La résolution du conseil de sécurité doit tenir compte de ce contexte. Mais, je pense qu’en décembre lorsque le conseil de sécurité se prononcera sur les tâches de la Monuc, elles resteront globalement les mêmes.

R.O : A quand le départ de la Monuc ?

A.L.R : c’est une discussion que nous aurons avec les autorités, le président de la République notamment. Tout ce que je peux vous dire c’est que tout le monde est d’accord pour reconfigurer le mandat de la Monuc afin de la concentrer à des taches essentielles pour consolider la paix.

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Posté par rwandaises.com

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