(Syfia Grands Lacs/Burundi) De plus en plus de jeunes Rwandais viennent s’installer à Bujumbura, estimant qu’il y est plus facile de gagner leur vie que chez eux. Ils y exercent souvent de petits métiers méprisés par les Burundais. Ces derniers apprécient cette main d’œuvre disciplinée et honnête.

Des Rwandais, que des humoristes burundais appellent des ressortissants de « l’autre Burundi », parce qu’ils parlent presque la même langue, s’installent de plus en plus nombreux à Bujumbura. Leurs effectifs ne sont pas connus, car ils sont illégaux et ne sont enregistrés ni au poste frontalier ni au ministère burundais de l’Intérieur. On les croise cependant à chaque coin de rue, reconnaissables à leur intonation.
Jeunes pour la plupart, ces « réfugiés économiques », c’est ainsi qu’ils se qualifient eux-mêmes, disent avoir été rejetés par « le système économique rwandais qui mène à la faillite même les détenteurs d’un capital de dizaines de millions. » D’après ces exilés, cet environnement fortement concurrentiel, où ne survivent que de très grands opérateurs économiques, ne laisse pas suffisamment de travail aux étudiants, jeunes chômeurs, agriculteurs sans terres… Ils sont par conséquent prêts à s’installer durablement au Burundi, ne retournant chez eux que de temps à autre. « Je rentre le 20 décembre, mais je reviendrai tout de suite après les fêtes de fin d’année », assure Joselyne, 18 ans. Ils apprécient de vivre avec les Burundais. « Ils sont plus gentils que nous et moins suspicieux à l’égard des étrangers », explique la jeune fille qui travaille comme bonne dans un quartier pauvre de Bujumbura.

Il n’y a pas de sots métiers
Ces jeunes Rwandais disent, souvent sous couvert de l’anonymat, n’avoir pas fui les juridictions populaires, les Gacaca. Ils étaient trop jeunes pour participer au génocide. Ils estiment qu’ils s’occupent mieux que les Burundais de travaux que ces derniers jugent dévalorisants… Ils se casent dans tous les secteurs. Ils prestent comme chauffeurs de taxis, font du petit commerce, servent dans les cabarets. Ils sont garçons de ménages, bonnes, coiffeurs… »Nous sommes prêts à tout faire, peu importe notre niveau d’études », explique Jean Damascène qui fabrique des beignets. Pour lui, les possibilités d’affaires au Burundi sont plus étendues qu’au Rwanda où les taxes sont très lourdes et les règlements contraignants.
Les employeurs burundais, eux, sont contents du travail de ces Rwandais qu’ils trouvent disciplinés et honnêtes. Pour Jean-Marie Ndayahundwa, propriétaire d’une moto, qui a dû licencier deux conducteurs compatriotes tout le temps ivres, « tous ces Rwandais, qu’ils soient serveurs dans les cabarets, bonnes, conducteurs de taxi… travaillent durement pour faire le plus d’économies possibles. Ils sont conscients que ces emplois, refusés ou mal accomplis par nos sottes gens qui veulent tous être des grands, font vivre leurs familles restées de l’autre côté de la Kanyaru et qui font face, là-bas, à une vie autrement plus difficile. »

Satisfaits de leur sort
Ces métiers que les Burundais estiment peu intéressants ou fatigants, sont une bouée de sauvetage pour bon nombre de ces exilés. Ils aident notamment ceux qui ambitionnaient de poursuivre leurs études très chères chez eux à se payer l’université ici. Grâce à sa moto, Pierre Claver est, par exemple, en deuxième année à la Faculté de droit à l’université privée du Lac Tanganyika. « Le taxi moto que je conduis le jour, explique-t-il, me nourrit, m’héberge, et me paie l’université, service du soir. C’est impensable au Rwanda. »
Les moins ambitieux sont aussi contents des résultats de leur travail. Pierre, serviteur dans un ménage de Nyakabiga, un quartier de Bujumbura, affirme qu’avant de quitter le Rwanda il y a 2 ans, il ne mangeait qu’une fois par jour. L’agriculture ne rapportait pas. « Aujourd’hui, fait-il remarquer, je mange bien 3 fois par jour et j’empoche 30 000 Fbu (30 $) chaque fin de mois que j’économise. »
Malheureusement, ces derniers temps, ces travailleurs honnêtes craignent que la confiance que des Burundais avaient placée en eux ne s’émousse. Des informations persistantes font état de la présence, depuis plus de 3 mois, d’Interahamwe (ex-génocidaires rwandais) au Burundi. Selon le ministère de la Force de défense nationale, cette présence se limiterait à quelques « petits groupes », difficilement repérables qui ne sont capables d’aucune action. Reste que des gens hésitent à prendre, surtout le soir, des taxis voiture conduits par des Rwandais, craignant pour leur sécurité.

 
 
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Posté par rwandaises.com