Paul Kagame
Paul KagameVoici moins d’un an, qui aurait cru que l’indépendance du 30 juin, date mythique s’il en est, serait célébrée à Goma ? A l’époque, le chef rebelle Laurent Nkunda recevait toutes les télévisions du monde et devenait une star médiatique, entrant en concurrence avec les deux chefs d’Etat des pays concernés, le président Kabila et son homologue rwandais le président Kagame. (lire l’article lié)

A l’époque, la peur régnait dans de vastes zones du Nord Kivu, à la merci d’attaques du CNDP (Conseil national pour la défense du peuple) qui n’hésitait pas à chasser des villages entiers de leurs terres, à s’emparer d’enfants pour en faire des soldats, à ériger des barrières devant lesquelles les camionneurs devaient s’acquitter de lourdes taxes tandis qu’aux postes frontières, où le mouvement rebelle avait placé ses représentants, on avait le sentiment de pénétrer dans un nouveau pays, une sorte de « Nkundaland », qui n’était plus le Congo et pas le Rwanda non plus…

A l’époque aussi, malgré les préparatifs militaires, chacun savait que Kinshasa n’aurait pas avant longtemps les moyens de reconquérir le territoire perdu et d’aucuns voyaient déjà les menaces s’amonceler dans la capitale elle-même…
Aujourd’hui, l’impensable s’est produit : Nkunda a été mis aux arrêts par ses protecteurs rwandais, son mouvement négocie son intégration dans les structures du pouvoir tandis que ses militaires, aux côtés des autres unités des Forces armées congolaises, sont engagées dans des opérations contre les membres des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), le dernier carré de ces combattants hutus présents dans la région depuis 15 ans, qui refusent toujours de regagner le Rwanda car ils craignent que la justice leur demande de rendre compte du génocide commis en 1994.

En outre, après une opération conjointe, menée par les FARDC et l’armée rwandaise contre les bastions des FDLR, d’autres opérations, dans le cadre de Kymia II, sont prévues au Sud Kivu, menées cette fois par l’armée congolaise avec le soutien de la Monuc, toujours dans le but de porter des coups aux FDLR afin qu’ils acceptent de rentrer au Rwanda ou, peut-être, d’être désarmés et délocalisés ailleurs dans l’immense Congo.

Mais ce qui, aux yeux des Congolais, compte surtout, c’est que l’autorité de leur Etat s’est rétablie sur l’ensemble du territoire. En mai dernier, à titre symbolique, le président Kabila a mené une tournée de 6000 km à l’Est, reliant, par voie de terre, Kisangani à Uvira, poussant même jusque Fizi…

Certes, beaucoup reste à faire : vaincre les poches d’insécurité qui subsistent, combattre la terreur que les FDLR, s’estimant trahis, continuent à exercer sur les villageois du Sud Kivu, poursuivre l’intégration et la formation de l’armée congolaise, veiller à payer ses militaires, pacifier, rassurer. Bref, reconstruire…

Et il faudra aussi approfondir les relations avec le Rwanda car c’est le rétablissement du contact direct entre Kagame et Kabila qui a rendu possible cette soudaine volte face, au détriment de Nkunda mais au bénéfice des populations du Kivu et aussi du Rwanda. Sur ce point, il est sans doute trop tôt pour inviter le président Kagame à se rendre à Goma, la ville jumelle de Gisenyi, car les blessures de la guerre, des trahisons sont loin d’être cicatrisées et l’opinion congolaise garde la sensibilité d’un grand malade qui tarde à guérir.
Mais que Kagame soit ou non à Goma n’est pas le plus important : ce qui compte c’est que les deux pays ont décidé de relancer la coopération régionale, qu’ils échangeront bientôt des ambassadeurs, qu’entre Kinshasa et Kigali, des hommes se parlent, se concertent et peut-être commencent à construire la confiance.

Malgré les peurs des uns, les critiques des autres, il faut reconnaître que célébrer l’indépendance à Goma, hier terrorisée, assiégée et qui se sentait oubliée de Kinshasa, est un symbole fort. Le symbole d’un pays qui a entamé sa reconstruction et récupéré son contrôle sur toutes ses provinces, (à cet égard, la réunion des gouverneurs de province qui s’est terminée à Kisangani a permis aux uns et aux autres de partager leurs difficultés et leurs espoirs), le symbole d’un géant convalescent, qui vacille encore un peu, mais qui, de manière décidée, s’est remis debout…

 

Posté par rwandaises.com