Alors que de par le monde on salue le Canada pour le jugement d’un premier génocidaire rwandais, qui fera jurisprudence, l’édition du 11 novembre 2009 du quotidien Le Devoir, a publié un article d’opinion allant à contre courant, sous le titre : «Condamnation de Désiré Munyaneza -La justice-spectacle au service de l’impunité

Dans un plaidoyer ouvertement pro-génocidaire, l’auteur remet en cause le verdict prononcé par la Cour supérieur du Québec, à l’endroit de Désiré Munyaneza. Rappelons que ce dernier a été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation qui pesaient contre lui. Il purge une peine d’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération avant 25 ans. C’est la plus lourde peine prévue au Canada par le code pénal, aux niveaux provincial et fédéral.

Poursuivant désespérément la défense du condamné par voie médiatique, M. Nkinamubanzi, président du congrès rwandais du Canada, a fait une sortie tapageuse, en tirant indistinctement dans toutes les directions. Il s’en est pris à la justice québécoise, au ministère de l’immigration du Canada, aux victimes qui ont témoigné des atrocités dont elles ont fait l’objet (ou ont été des témoins oculaires), au juge André Denis … bref, à tous ceux qui, jusqu’à présent, ne sont pas allés dans le sens d’une défense inconditionnelle des génocidaires rwandais. Son argumentation s’inspire, comme nous allons le voir, de la propagande raciste des régimes dictatoriaux antérieurs à 1994 au Rwanda et qui ont débouché sur l’une des pires tragédies qu’ait connu l’humanité.

Pour éclairer les lecteurs au sujet de la logique qui anime cet auteur, il est nécessaire de jeter un regard sur le passé qui a façonné l’opinion qu’il défend tout au long de son plaidoyer. D’origine rwandaise, M. Nkinamubanzi semble être toujours sous l’emprise de l’idéologie raciste, propagée pendant plus de trois décennies, dans la société où il a évolué. De toute apparence, il est nostalgique du triste passé du Rwanda et ses régimes déchus, dont personne de raisonnable ne peut se sentir fier. Il invoque l’appartenance du condamné, Désiré Munyaneza, à l’ethnie hutu, comme si cela était en soi une raison suffisante, pour l’innocenter de ses crimes. Ce genre d’argumentation a déjà été bien trop exploité par les différentes dictatures rwandaises, dans l’unique objectif de mobiliser les Hutu à commettre toutes sortes d’abus sur les Tutsi. A force de se l’entendre répéter, il a fini par s’inscrire dans une logique relevant de la «solidarité mécanique», pour emprunter un concept du sociologue Émile Durkheim.

Une hystérie collective et criminelle s’en est suivie en 1994, faisant comme on le sait, plus d’un million de victimes, essentiellement des Tutsi. Les fosses communes qui jonchent les collines et les crânes exposées dans les différents sites mémoriaux, témoignent de la gravité et la cruauté des atrocités commises. L’évocation de la mort de deux prêtres québécois par l’auteur, n’est rien d’autre qu’une manœuvre de diversion, pour tenter de détourner l’attention du public, des crimes immenses et ignobles commis au Rwanda.

Pour ceux qui l’ignorent, au Rwanda l’extermination des Tutsi était envisagée depuis les années 1960. Dans un discours enflammé radiodiffusé, le président de l’époque, G. Kayibanda brandit pour la première fois, la menace de «la fin totale et précipitée de la race tutsi», au cas où une rébellion  armée prendrait d’assaut la ville de Kigali2

Sous la dictature de son successeur, Juvénal Habyarimana, l’impunité en cas de génocide fut même garantie par une loi promulguée en 1975. En effet, lors de la ratification de la convention de Genève sur la répression et la prévention du génocide, les autorités rwandaises précisèrent que le Rwanda ne se considérait aucunement lié par l’article 9 de cette convention, car cela l’aurait forcé à se soumettre à une Cour Internationale en cas de génocide3 ! Cette réserve en dit suffisamment long sur l’option génocidaire déjà envisagée par J. Habyarimana et son entourage.

Les autorités rwandaises, censées assurer l’impunité des génocidaires ayant été vaincues, l’auteur de l’article dont il est question, entendait peut-être voir d’autres gouvernements démocratiques (dont celui du Canada) faire fi de leurs engagements à respecter la convention internationale de répression du crime de génocide.

C’est ainsi que malgré la pléthore des preuves amassées contre Désiré Munyaneza, le représentant du congrès rwandais du Canada, s’attendait à ce qu’il soit innocenté de facto, en raison de son appartenance au groupe des Hutu, comme le régime génocidaire rwandais aurait agi, s’il n’avait pas été vaincu. On peut imaginer que si ce même régime était encore au pouvoir, il aurait soigneusement fait disparaître toutes preuves matérielles du génocide. D’après l’auteur, les témoins qui ont fait le voyage du Rwanda jusqu’au Québec, sont tous sans exception, coupables de parjure ! Les accusations et les insinuations arbitraires du président du congrès rwandais du Canada à l’endroit de la justice québécoise sont inacceptables, fussent-elles au nom de la liberté d’expression. Il s’agit d’une insulte à la justice, une institution noble qui est au service de tous les citoyens.

D’après l’auteur de cet article, toute institution qui déroge à la logique de l’impunité des génocidaires rwandais, pratique la justice du vainqueur, et c’est cela qu’il qualifie de «justice-spectacle». Pour compléter sa rhétorique atrabilaire, il louange les pays qui n’ont pas engagé des poursuites contre des personnes sur lesquelles pèsent de lourds soupçons criminels, blâmant derechef le Canada, pour sa décision d’empêcher ces personnes-là de franchir ses frontières. C’est comme si pour l’occasion, nous contribuables canadiens, devrions porter seuls le fardeau du jugement de ces individus présumés génocidaires !

La Loi de 2001 contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, s’applique sans distinction aucune, à toutes les personnes se trouvant sur le territoire canadien. Mais cela ne rassure pas l’auteur de cet article, pour qui, semble-t-il, la justice canadienne est coupable de ne pas être «politiquement correct» ! Ce type d’argumentation est somme toute grotesque, quand on sait qu’au Canada, il y a séparation des pouvoirs. Les reproches du président du congrès rwandais du Canada sont on ne peut plus déplacés. Il devrait savoir tout de même, que la justice canadienne n’a pas de compétence extraterritoriale, pour juger les crimes qu’il énumère à travers son texte.

Ses lamentations et son allégeance passionnée au camp des vaincus ne sauraient aucunement suffire à disculper les criminels qu’il défend au nom de la «solidarité hutu». Et quand il réclame l’enquête sur la mort des Québécois assassinés au Rwanda, il fait preuve d’une compassion étrangement sélective. En effet, les noms de Fr. François Cardinal et Mme Hélène Pinski Ndasingwa échappent curieusement à sa mémoire. Est-ce parce qu’ils ont été assassinés par le régime qu’il tente de blanchir qu’ils sont moins québécois que leurs compatriotes? Après la condamnation du premier génocidaire au Canada, le président du congrès rwandais et son organisation entendent-ils poursuivre un plaidoyer médiatique en faveur des génocidaires au nom de la solidarité hutu ? Le public canadien n’est pas dupe, il sait faire la part des choses. L’on ne saurait cependant conclure ce sujet, sans sursauter face à la proposition du président du Congrès rwandais du Canada.

Tenez : à l’impunité alléguée outre-mer, il semble préconiser l’absolution pure et simple des génocidaires présumés, se trouvant sur le sol canadien ! En voilà une «solution-antidote» à ce que l’auteur qualifie de «justice-spectacle» ! Heureusement, le ridicule ne tue pas ! 

 

Jean-Claude Ngabonziza
Ottawa-Gatineau
Canada

 http://www.obsac.com/C20080303081206/E20091126131505/index.html

Posté par rwandaises.com