(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Engrossées par leur patron, leur ami, un homme de passage, les jeunes filles qui mettent au monde des enfants non désirés les confient souvent à leurs parents pour s’en débarrasser. Même démunies, les grands-mères n’ont pas d’autre choix que d’en assumer la responsabilité.

Dans la cour de la maison de Nyirantama Catherine, à Nyamabuye, au sud du Rwanda, trois jeunes enfants jouent. « L’une a été amenée par une prostituée de la ville qui a dit c’est mon fils, marié, qui l’a engrossée. Ce garçonnet est mon arrière-petit-fils amené par ma petite fille, violée par son patron quand elle était boyesse en ville. Cette autre est de ma propre fille. Quand elle a trouvé un mari, celui-ci a posé comme condition de ne pas l’amener dans son nouveau foyer, et elle me l’a laissée », raconte cette veuve âgée qui gagne sa vie grâce à la culture des champs laissés par son mari et au soutien de ses grands enfants mariés.
Les grands-mères voire les arrière-grands-mères à qui l’on confie des enfants non désirés ou encombrants sont de plus en plus nombreuses ces dernières années. Quels que soient leur fatigue et leurs revenus, elles sont contraintes d’élever ces petits que leurs enfants ont mis au monde sans réfléchir.

Pères irresponsables…
Car les grossesses non désirées sont de plus en plus nombreuses et dans tous les milieux. Dans les villes, ce sont souvent les conditions de travail difficiles qui en sont la cause. Henriette, qui travaille dans un bar, en témoigne : « Le patron dit qu’il faut donner de bons services aux clients y compris coucher avec eux au besoin. » Les conséquences de ces injonctions sont parfois dramatiques. C’est le cas pour la collègue d’Henriette : « Elle a jeté son enfant avant terme dans la toilette et les voisins ont alerté la police. Actuellement, elle est emprisonnée pour meurtre volontaire ».
Celles qui mettent au monde un enfant ne sont pas prises en charge par leurs patrons ou les responsables de ces grossesses, mais renvoyées chez leurs parents. Boyesse dans une famille de Kigali, une fille de Cyangugu à l’Ouest a été engrossée par un garçon qui y logeait. Au lieu de l’épouser, il lui a donné 10 000 Frw (18 $) pour rentrer chez elle. « Je n’étais pas le premier garçon à la connaître », a-t-il dit en guise d’excuse.
La même situation se retrouve dans les universités. Les étudiantes qui deviennent mères ne pouvant pas se partager entre les études et le soin des enfants les confient à leur famille. « Depuis le début de cette année, 45 filles ont mis au monde au sein de cette université », constatait en octobre, Antoine Semukanya de la Commission nationale de lutte contre le sida.
Peu de garçons assument leurs responsabilités. Biziyaremye Baptiste, de Muhanga, fait figure d’exception : « À dix-neuf ans, mon amie a été rejetée par sa maman, car elle était enceinte et j’ai décidé de la marier ». Joseph, lui aussi de Muhanga, qui a eu son premier enfant alors qu’il était encore à l’école secondaire l’a envoyé à Kigali. Maintenant qu’il a du travail, il paie les frais de l’école maternelle de son enfant et participe à sa prise en charge. Mais souvent les hommes refusent d’épouser ces filles ou de payer pour l’enfant.
Certaines filles, seules et désespérées en arrivent à tuer leur enfant ou à l’abandonner. « Des fois quand nous allons à l’école le matin, nous découvrons des enfants laissés devant les portes de la congrégation des sœurs de Thérèse de Calcutta », affirme Mukamana Didi, habitant le quartier Kiyovu à Kigali.

Les hommes, qui épousent des femmes déjà mères, décident de leur sort. Nyiranziza Bellancille, une grand-mère de Muhanga, raconte : »Quand ma fille s’est mariée à Kigali, elle m’a laissé son fils pour qu’il ne soit pas source de tension dans son nouveau foyer. Il est maintenant comme mon propre fils. » D’autres hommes les acceptent. B. U. aujourd’hui mère de 4 enfants se souvient : « A 16 ans, j’ai été enceinte. C’était ma première expérience. Heureusement que mon mari actuel a permis que cet enfant soit aussi intégré dans la famille. Le père, alors adolescent comme moi, avait dit qu’il était trop pour fonder un foyer. »

Charge et soutien pour les grands-parents
Laisser les enfants à sa mère est la solution la plus fréquente pour toutes les jeunes filles ou les femmes pour qui ils sont un fardeau. « Une vieille qui a de la nourriture prête ne manque jamais de petits-fils. » Ce proverbe rwandais évoque la tendresse des grands-parents qui apprécient aussi souvent d’avoir des petits-enfants pour les aider : « Quand nous trouvons un petit-fils, il prend soin de nous, en portant le bois de chauffage, en allant au marché, puiser de l’eau… » constate Zimulinda Stéphanie, sexagénaire de Syhogwe, au Sud.
Vivre chez leurs grands-parents est d’ailleurs souvent une chance pour ces enfants. Ils y reçoivent de l’affection et une éducation souvent meilleure que celle qu’ils auraient eue avec leur mère. « Certains des enfants de la rue, ici, sont des enfants engendrés dans le vagabondage sexuel. Quand ils voient leur mère vivre en se débrouillant, ils rejoignent eux aussi la rue pour se débrouiller », affirme un des responsables du Bureau social de Gitarama, qui accueille les enfants de la rue.
Mais quand les grands-parents sont trop pauvres pour les nourrir, leur situation est bien pire. Ce sont eux qui doivent mendier pour la survie de la famille risquant, à la longue de se mettre à voler.

 
 

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Posté par rwandaises.com