Ils n’étaient pas présents à Copenhague, mais dès qu’il y aura sécheresse ou inondation, ils devront retrousser leurs manches…C’est à eux aussi qu’incombera la mise en œuvre des résolutions adoptées au niveau des Etats désireux de lutter contre le réchauffement climatique…. Au sein des 3600 participants à Africités, maires, conseillers, présidents d’assemblées locales issus de toute l’Afrique et qui n’avaient été ni invités ni consultés à l’occasion du sommet sur le climat, la frustration était évidente. Désormais, ils ne veulent plus que les Etats aient le monopole de la représentation extérieure ; ils souhaitent pouvoir eux aussi conclure des accords de partenariat, obtenir des financements, se faire entendre…
C’est une autre Afrique qui s’est déployée ici : celle de ces gens qui, depuis la base, font bouger les choses. C’est pour cela que Mostafa Maataoui, 56 ans, président de la commune rurale de Sidi Bouhmedi au Maroc, a été l’un des lauréats du prix Harubuntu (une expression qui signifie en kirundi « ici il y a de la valeur »), décerné par Echo Communications. Dans ce village de 750 familles, qui jusque là vivotait grâce aux transferts des migrants, cet intellectuel diplômé en développement à la Sorbonne, décide à la fin des années 70 de reprendre l’exploitation familiale ; il se lance dans le tourisme vert, la culture de plantes aromatiques, la production d’huile de figues, trouve des partenaires étrangers. Dix sept ans plus tard, il est maire, le village est presque complètement électrifié, des routes ont été construites, la plupart des maisons ont accès à l’eau potable… Serge Vyisinubusa est un autre de ces héros, qui ramènera dans son village de Manyoni au Burundi le trophée de bronze réalisé par le sculpteur congolais Liyolo : avec des pierres et des madriers, il a tout simplement dévié l’eau du ruisseau de sa commune et, au point de chute du petit canal, il a installé une turbine qui active un alternateur. Résultat : les habitants de sa commune disposent désormais d’assez d’électricité pour assurer leurs besoins domestiques et l’éclairage public a considérablement accru la sécurité générale…Pour se procurer le matériel nécessaire, Serge reconnaît qu’il s’est adressé aux Chinois et leur aide a été directe, efficace et sans questions…
A tout moment, au cours des séances de travail, des assemblées, une autre Afrique, inventive, dynamique s’est mise à la recherche d’autres partenaires. Curieusement, les ONG du Nord, d’ordinaires omniprésentes, avec leurs messages et leurs solutions, brillaient par leur absence, ayant sans doute choisi d’aller battre le pavé à Copenhague, et l’Europe institutionnelle n’était guère mieux représentée. Seule la France tenta de sauver la mise du vieux continent face à la séduction qu’exercent de nouveaux partenaires.
Au cours d’une réunion très courue, le président de l’ « Association pour l’amitié entre les peuples », tout droit venu de Pékin, entreprit d’expliquer que la coopération sino africaine a désormais pour objectif de s’étendre aux pouvoirs locaux et est particulièrement performante dans le domaine des infrastructures. Lorsque des représentants de l’agence française pour le développement, citant leur expérience en matière de coopération décentralisée, proposèrent un « partenariat triangulaire » avec la Chine et les Africains, l’écrivain sénégalais Adama Gaye résuma le sentiment général en répliquant que l’Afrique n’avait plus besoin d’intermédiaire pour l’aider à négocier face à face avec les Chinois…
Cette apostrophe, comme les propos de l’ancien président du Ghana Jerry Rawlings rappelant les humiliations que rencontrent les demandeurs de visas désireux de se rendre en Europe, est révélatrice de l’ambiance générale de cette rencontre où il apparaît que l’Afrique, par rapport à l’Europe, prend inéluctablement le large : elle se recentre sur elle-même, sur sa diversité propre, et, en matière de développement, va voir ailleurs, en Chine entre autres…
C’est dans ce contexte que le Maroc a joué sa partie et déployé des efforts remarquables : non seulement, dans l’enceinte du Palais des Congrès l’accueil était efficace et souriant, les maires africains furent accueillis avec des égards et un faste qui les laissèrent pantois, mais surtout, le pays hôte tint à prôner les avancées dues à la politique de décentralisation.
Pour le royaume chérifien, cette rencontre avec des représentants de l’Afrique noire était bien plus qu’un exercice diplomatique ordinaire : l’ »agence du Sud », chargée de la mise en valeur des provinces du Sud du royaume, jusqu’à la frontière mauritanienne, veillait, très subtilement, à occulter la question du Sahara occidental, toujours très sensible et qui met le Maroc en porte à faux avec l’Union africaine. De la même manière, lors des manifestations culturelles, chanteurs et musiciens venus du désert rappelèrent avec talent que le Sahara n’est pas seulement le berceau culturel du royaume, mais qu’il représente aussi sa profondeur stratégique…
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/12/24/africites-les-pouvoirs-locaux-saffirment-face-aleurope/
Posté par rwandanews.be