La Commission d’enquête rwandaise sur les responsabilités de la France dans le génocide des tutsis de 1994 a rendu ses conclusions le 5 août à Kigali. Elle accuse Paris d’avoir été au courant des préparatifs du massacre qui a fait entre 800 000 et 1 million de morts. Plus grave : Paris aurait participé à l’exécution du génocide. Le rapport met notamment en cause des militaires de l’opération Turquoise et de hauts responsables politiques dont François Mitterrand (président de la République), Edouard Balladur (premier ministre), Dominique de Villepin (directeur de cabinet) et Hubert Vedrine (secrétaire général de l’Elysée). Le rapport pourrait servir de base à des poursuites judiciaires au Rwanda contre des ressortissants français en vertu du principe de compétence universelle.

« La persistance, la détermination, le caractère massif du soutien français à la politique rwandaise des massacres (…) montrent la complicité des responsables politiques et militaires français dans la préparation et l’exécution du génocide des Tutsis de 1994 », indique le communiqué du ministère de la Justice reprenant les principales conclusions du rapport.

En 1998, une commission d’enquête parlementaire française dirigée par Paul Quilès avait totalement exonéré la France de toute responsabilité dans le génocide de 1994. En 2007, le journaliste Pierre Péan confirmait cette version des faits (Noires fureurs, blancs menteurs, Mille et une nuits, Paris, 2005). Pourtant, des associations (Commission d’enquête citoyenne) et des observateurs autorisés (Colette Braeckman, Jean Hatzfeld, etc.), soulignent la responsabilité politique de Paris dans le génocide (la France soutenait le régime génocidaire et a formé ses milices) et montrent l’implication des soldats français sur place (contrôles au check-point, exfiltration de criminels, etc.).

Les relations diplomatiques avec Paris ont été rompues par Kigali suite aux mandats émis par le juge français Jean-Louis Bruguière à l’encontre de hautes personnalités rwandaises, dont le président Paul Kagamé, mis en cause dans l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. Cet attentat a été le point de départ du génocide. Pour Kigali, ce sont des extrémistes hutus soutenus par Paris qui ont commis ce crime.

Quelles que soit la vérité, les autorités françaises ne semblent pas pressées de faire la lumière sur l’extermination d‘un septième de la population rwandaise. En 2007, l’arrestation de trois génocidaires présumés en France laisse peut-être augurer des avancées. Pour l’instant, la France n’a pas réagi au rapport rendu public à Kigali. A Paris, en ce 5 août, les chaînes de télévision évoquent des faits divers avant de consacrer, en milieu de journal, quelques secondes aux questions soulevées sur la responsabilité de Paris dans le génocide de 1994.

Dans Le Monde diplomatique :

  • « Accusations suspectes contre le régime rwandais », par Colette Braeckman, janvier 2007.
    Les neufs mandats d’arrêt lancés par le juge Jean-Louis Bruguière à l’encontre de personnalités liées au pouvoir rwandais – accusées d’avoir sciemment déclenché le génocide de 1994 – ont provoqué la rupture des relations entre Paris et Kigali, le 25 novembre 2006.
  • « Plaies béantes », par Christian Eboule, janvier 2007.
    Lorsque les mots deviennent impuissants à rendre compte des réalités qui nous dépassent, alors apparaît la nécessité de transcender les manichéismes, les passions et les intérêts, pour parvenir à s’apaiser intérieurement. C’est à une profonde réflexion que nous invite Kigali. Des images contre un massacre, le documentaire que le journaliste Jean-Christophe Klotz consacre au génocide rwandais.
  • « Rwanda, retour sur un aveuglement international », par Colette Braeckman, mars 2004.
    Un million de morts en cent jours, et le monde n’en aurait rien su ? Depuis l’indépendance, en 1962, tous ceux qui s’intéressaient au Rwanda savaient que le feu couvait.
  • « Le sens d’une commémoration », par José Kabajo, mars 2004.
    Chaque année, au septième jour du mois d’avril, le Rwanda commémore le génocide d’environ un million de Tutsis et de Hutus de l’opposition entre avril et juillet 1994. Depuis 1996, il s’agit d’une véritable
  • « politique » de la mémoire.
  • Posté par rwandanews.fr