Ministres, parlementaires, hauts fonctionnaires: pas une semaine ou presque sans qu’un nouveau dignitaire passe derrière les barreaux au Rwanda, où le régime a décrété une « corruption tolérance zéro ».

« Un pays corrompu ne peut se libérer de la pauvreté, car l’argent passe à travers les mailles ».

A son poste de directeur des finances de la présidence, Janvier Murenzi pouvait se croire à l’abri des ennuis. Suspendu l’an dernier, il a été condamné fin novembre à 4 ans de prison ferme et à une amende de plus d’un milliard de francs rwandais (1,25 million d’euros).

La même semaine, l’ancien chef d’administration du ministère des Infrastructures, Vincent Gatwabuyege, écopait d’une amende similaire et d’une peine cumulée de sept ans de prison    pour corruption dans plusieurs passations de marchés publics.                                                         Tito Rutaremara

Si en Afrique les gouvernements sont souvent peu avares de déclarations contre la corruption, considérée comme un des principaux freins au développement de ce continent, le Rwanda s’efforce depuis deux ans de passer aux actes.

Dans ce domaine, ce petit pays d’Afrique centrale, qui se relève d’un génocide qui a emporté au moins 800.000 personnes en 1994, est volontiers cité en exemple par la Banque Mondiale.

Il a été classé au premier rang en Afrique centrale et orientale, et à la 89e place dans le rapport 2009 de l’ONG Transparency International comparant 180 pays dans leur lutte anti-corruption.

Cela fait deux ans que le régime du président Paul Kagame a engagé une quasi-croisade contre le crime économique, avec aux avant-postes le procureur général Martin Ngoga: 968 personnes ont été poursuivies depuis cette date.

« Je peux entrer à la présidence, y débusquer des gens corrompus et avoir la liberté de le faire sans craindre que cela se retourne contre moi », affirme M. Ngoga.

Au Rwanda, pays pauvre, enclavé et sans ressources naturelles, « nous n’avons guère de choses à offrir pour attirer les investissements. Mais ce qui est à notre portée, c’est de créer un environnement débarrassé de toute corruption », fait valoir M. Ngoga, un homme de 42 ans au débit de mitraillette, qui court perpétuellement entre deux rendez-vous et refuse tout triomphalisme.

« Il ne faut pas se bercer d’illusions sur nos très modestes succès. Quand Transparency International dit que le Rwanda est moins corrompu, ce n’est pas si flatteur. Il s’agit toujours d’une comparaison entre pays corrompus ».

Comme dans un casting de film où les caractères des deux policiers sont aux antipodes, Martin Ngoga fait équipe avec un homme de 23 ans son aîné, beaucoup plus placide, mais pas moins déterminé. Tito Rutaremara est une figure du Rwanda, secrétaire général du Front patriotique rwandais (FPR), l’ancienne rébellion au pouvoir depuis 1994, président de la commission qui a rédigé la nouvelle Constitution adoptée en 2003, et, depuis 2004, « ombudsman ».

Le Rwanda a importé des pays scandinaves ce poste de médiateur, en y ajoutant des pouvoirs anti-corruption. Les services de M. Rutaremara épluchent notamment les déclarations de patrimoine que sont tenus de leur remettre chaque année les 5.000 plus hauts responsables du pays, dont le président Kagame.

Ils ont fait démettre de leurs fonctions un tiers de la trentaine de chefs d’administration régionale à la gestion jugée opaque.

En cette « semaine de sensibilisation à la lutte contre la corruption », qui fait suite au Rwanda à une « semaine de l’unité et de la réconciliation », de grandes affiches exhortent la population à lutter contre la criminalité économique.

« Un pays corrompu ne peut se libérer de la pauvreté, car l’argent passe à travers les mailles. Et quand la corruption entre dans les mentalités, elle décourage le travail humain, c’est en cela qu’elle est dangereuse », commente M. Rutaremara.

 

 

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Posté par rwandanews.be