Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner

À Kigali, le ministre français des affaires étrangères souhaite que les h istoriens démêlent les fils d’une histoire commune « qui eut des périodes sombres, mais aussi des périodes rayonnantes »

Trois ans après la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France, Bernard Kouchner était hier à Kigali pour officialiser leur rétablissement, annoncé le 29 novembre dernier.

Très impliqué dans une reprise des liens diplomatiques qui lui tenait à cœur, le ministre français des affaires étrangères a eu hier une rencontre chaleureuse avec son homologue rwandaise, Louise Mushikiwabo, et devait avoir un entretien avec le président Kagame, qu’il connaît depuis 1994, lorsqu’il fut auprès de lui l’émissaire de François Mitterrand. Il a aussi visité le site du mémorial de Nyanza, en banlieue de Kigali, où il a rencontré des rescapés du génocide de 1994.

Au menu des échanges officiels, notamment : l’échange d’ambassadeurs, nommés mais non encore agréé en ce qui concerne le diplomate français, Laurent Contini, ancien conseiller « Afrique » au cabinet ministériel de Bernard Kouchner.

La réouverture des organismes français est en préparation

La réouverture des organismes français fermés depuis 2006 – ambassade, école, centre culturel – est en préparation. Vidé, mais non saccagé, le centre culturel, qui était en son temps la plus grande salle de spectacle de Kigali, nécessitera plusieurs mois de travaux, si les autorités rwandaises autorisent sa réouverture, un plan d’urbanisme prévoyant de le raser au profit d’un quartier commercial.

Viendra ensuite la reprise d’une coopération que Bernard Kouchner souhaite, à terme, élargir à tous les domaines, y compris militaire. Enfin, plus lointain encore dans la vision du ministre, viendra le temps du dialogue entre historiens pour démêler les fils d’une histoire franco-rwandaise qui eut « des périodes sombres, mais aussi des périodes rayonnantes », selon Bernard Kouchner.

Rencontrant hier son homologue, le ministre français a évoqué, comme il l’avait déjà fait en 2008, des « erreurs d’appréciation » de la part de la France dans sa politique des années 1990 à l’égard du Rwanda, tout en affirmant que « les torts ne sont pas si caricaturaux de notre côté ».

Des « erreurs d’appréciation » de la part de la France

« Quant aux heures sombres, il nous faudra demander aux historiens, aux sociologues, aux témoins, aux rescapés, de travailler ensemble pour que nos pays sachent ce qui s’est passé », a-t-il ajouté.

« Nous sommes convaincus que nos deux pays ne peuvent pas ne pas avancer ensemble, a déclaré Louise Mushikiwabo. On a une histoire commune, on a eu des difficultés, on est prêt a en discuter, mais prêts aussi à avancer. On commence une nouvelle étape de notre histoire commune », a-t-elle souligné.

Le Rwanda est « le pays le plus stable et le plus engagé pour la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs », a affirmé Bernard Kouchner.

« le pays le plus stable dans la région des Grands Lacs » 

C’est en quelque sorte le motif de la rupture franco-rwandaise qui était venu mercredi l’accueillir à l’aéroport, en la personne de Rose Kabuye, l’une des neuf proches du président Paul Kagame poursuivis par la justice française pour leur implication présumée dans l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, point de départ du génocide des Tutsis.

Directrice du protocole d’État, cette éminence grise du président rwandais avait été arrêtée en 9 novembre 2008 en Allemagne, puis livrée à la justice française, ce qui avait permis au Rwanda d’avoir officiellement accès au dossier judiciaire. Cette procédure étant, sinon enterrée, comme l’aurait souhaité le pouvoir rwandais, du moins ralentie, Kigali a de son côté diminué l’intensité de ses accusations de « participation au génocide » visant des responsables civils et militaires français.

Mercredi, les autorités rwandaises ont fait « fuiter » les conclusions d’un rapport sur l’attentat du 6 avril 1994 disculpant le Front patriotique rwandais, aujourd’hui au pouvoir, mais s’abstenant d’accuser l’armée française d’y être directement impliquée, comme Kigali avait menacé de le faire.

Un rapport sur l’attentat du 6 avril 1994 disculpe le Front patriotique rwandais

Le même jour, Bernard Kouchner et la garde des sceaux Michèle Alliot-Marie annonçaient la création d’un pôle « génocides et crimes contre l’humanité » au tribunal de grande instance de Paris. Sur le modèle du pôle antiterroriste, cette équipe de magistrats instructeurs doit prendre en charge les deux dossiers transmis à la France par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ainsi que ceux des 15 Rwandais résidant en France accusés de participation au génocide.

Mettant en avant son statut de témoin – « j’y étais » – Bernard Kouchner a été accueilli avec respect. « La France est avec vous, a-t-il déclaré. Je le dis au nom de la France du passé, de la France du présent, qui, grâce à nos deux présidents, vient de renouer des relations diplomatiques, mais surtout au nom de la France de l’avenir. »

 

Laurent D’ERSU, à Kigali

 http://www.la-croix.com/Bernard-Kouchner-veut-relancer-la-cooperation-avec-le-Rwanda/article/2409260/4077

Posté par rwandanews.be