En adressant une note verbale au chargé d’affaires européen à Kinshasa indiquant qu’une visite du Commissaire européen Karel De Gucht n’était pas souhaitable, les autorités congolaises sont elles allées trop loin ? Du côté belge, on s’abstient de tout commentaire et, du côté européen, on se borne à faire remarquer que le commissaire était attendu à Kinshasa pour signer une nouvelle enveloppe de 278,5 millions d’euros devant être affectée à la mise en œuvre de dix projets et que ces derniers pourraient s’en trouver retardés. Dans la presse congolaise cependant, l’influent quotidien Le Potentiel se demande si Kinshasa, réagissant avec éclat à la provocation, ne serait pas tombé dans un piège, permettant ainsi à l’ « euro belge » de transmettre, tel un virus, ses convictions négatives à ses pairs européens…Lles Européens si volontiers donneurs de leçons sont sans doute moins sensibles que les Africains à la suffisance du commissaire, à l’impolitesse qui va jusqu’a annoncer sur les ondes de la VRT que l’ambassadeur de RDC à Bruxelles allait etre convoqué au siège de l’Union…
Officiellement, les membres du gouvernement et les principaux conseillers du président font bloc avec leurs collègues des affaires étrangères et de l’information, ils exigent d’une même voix que les autorités congolaises soient traitées avec respect et même en privé ils s’insurgent contre le comportement, la manière d’être du rude Flamand, plus courtois avec les grandes puissances qu’avec ceux qu’il perçoit comme des assistés…. Cependant, dans les coulisses, des craintes s’expriment : même s’il a raison sur le plan des principes, le Congo a-t-il les moyens d’un tel exercice de musculation ? L’émission de « notes verbales » était-elle vraiment nécessaire là un coup de fil aurait peut-être suffi à aplanir les malentendus ? D’autant plus qu’en accablant De Gucht, c’est à travers lui l’Union européenne qui se trouve offensée, et cela alors que bon an mal an, l’aide de l’Union au Congo s’élève à un milliard d’euros ! C’est avec accablement que d’aucuns relèvent que le premier geste diplomatique de Catherine Ashton, la toute nouvelle ministre des Affaires étrangères de l’Union, a été de se solidariser avec son irascible commissaire, alors que l’on aurait pu prévoir que ses querelles personnelles avec les dirigeants congolais entraîneraient une nouvelle crise, aussi inutile que les précédentes.
Alors que le Congo n’en est qu’à ses premiers pas sur la voie de la reconstruction, ses dirigeants pêchent peut-être par excès d’optimisme : dans toute la ville, de grands panneaux consacrés aux « cinq chantiers » montrent des images d’autoroutes, de stations satellites, d’immeubles ambitieux, comme si le travail était déjà terminé. En réalité, il ne fait que commencer et d’aucuns redoutent qu’une brouille avec les Occidentaux ne fasse reculer plus loin encore le fameux « point d’achèvement » qui permettra une remise de 90% de la dette. « Jusqu’en mai prochain, nous sommes en période probatoire » s’exclame She Okitundu, ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat « nous n’avons pas intérêt à nous brouiller avec des pays membres du Club de Paris, les principaux créanciers du pays… »
En réalité les incidents diplomatiques ou les politiques de la chaise vide se multiplient : l’ambassadeur du Canada à Kinshasa ayant tenté de défendre deux sociétés minières visées par la « revisitation » des contrats, une note verbale assez sèche, envoyée à Ottawa, a été très mal reçue. Par ailleurs, la société civile congolaise se montre extrêmement déçue de l’absence du président au sommet de Copenhague, alors que la RDC, l’un des poumons de la planète, aurait du exiger des compensations pour la préservation de la forêt tropicale. Les engagements financiers obtenus par le ministre de l’environnement José Endundo apparaissent insuffisants et les militants congolais estiment que leur pays n’a pas occupé la place qui aurait du lui revenir…
A cela s’ajoutent les tensions avec le monde des ONG de défense des droits de l’homme, les critiques à l’égard de la Mission des Nations unies au Congo et de la dernière résolution du Conseil de sécurité qui prolonge le mandat de la force de paix…
A quelques mois de la célébration de l’anniversaire de l’indépendance, les malentendus se multiplient entre Kinshasa et la communauté internationale. Même la visite de Bernard Kouchner n’a pas suffi à mettre un baume sur l’amour propre des dirigeants : ils ont relevé que le ministre français venait de Kigali où il avait scellé avec éclat la normalisation des relations diplomatiques, et qu’en route pour Brazzaville, Kinshasa n’avait représenté pour lui qu’une escale de quelques heures… « A un an de 2011, la dernière année avant les élections, nous sommes sur la dernière ligne droite » insiste She Okitundu, « nous n’avons pas droit à l’erreur ». Oserait-on ajouter que le Congo de Kabila n’est pas celui de Mobutu, et que le temps de l’arrogance doit être rangé aux oubliettes ?
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/01/09/kinshasa-bruxelles-le-virus-de-larrogance/
Posté par rwandanews.be