Trois ans après la rupture par Kigali des relations diplomatiques avec Paris, la France est de retour au Rwanda. La reprise des contacts, annoncée fin novembre par une discrète visite de Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, au président Paul Kagamé, vient d’être concrétisée par la présence, jeudi 7 janvier à Kigali, du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner.
Avec 60 fils de dépêches thématiques, suivez l’information en continu
Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts
A LIRE AUSSI
Une rescapée devant des crânes de victimes du génocide du Rwanda.
Compte rendu Le « banquier du génocide » rwandais condamné à trente ans de prison
En novembre 2006, le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France après que le juge français Jean-Louis Bruguière eut émis des mandats d’arrêt contre neuf proches du président Kagame, ici photographié en 2007.
Les faits La France et le Rwanda rétablissent leurs relations diplomatiques
Les faits Rwanda : la France accusée de ne pas coopérer avec la justice
Critique « Le jour où Dieu est parti en voyage » : une fiction contestable sur le génocide au Rwanda
Edition abonnés Archive : France-Rwanda : le pourquoi de la réconciliation

Il s’agit d’un retour par la petite porte dans un pays qui fut considéré, dans les années 1980 et jusqu’au génocide des Tutsi en 1994, comme un allié proche, et choyé comme tel. Pour le régime issu de la tragédie, dominé par les Tutsi, la France, parce qu’elle a armé les futurs génocidaires hutu et refusé de porter assistance à leurs victimes, porte une lourde responsabilité. La mise en accusation par le juge français Jean-Louis Bruguière, fin 2006, de l’actuel président, Paul Kagamé, comme instigateur de l’attentat mortel contre son prédécesseur, considéré comme l’élément déclencheur du génocide, a été interprétée comme un affront et a provoqué la rupture avec Paris.

Le retour au dialogue, trois ans après, est une démarche de raison. Mais il ne signifie nullement que les lourds contentieux soient soldés. Pour le Rwanda, il s’agit de prendre acte des gestes de bonne volonté adressés par Nicolas Sarkozy, qui ont notamment permis à Kigali, en entrant dans la procédure Bruguière, de passer à l’offensive pour la démonter point par point, nier toute responsabilité dans l’attentat de 1994 et accuser les extrémistes hutu de l’avoir perpétré.

Pour la France, le Rwanda ne présente guère d’intérêt économique. En adhérant au Commonwealth et en imposant l’enseignement de l’anglais, le régime de M. Kagamé a affirmé sa volonté de rupture. Reste le motif majeur de ces retrouvailles : sans le Rwanda, très influent dans la région, Paris ne pourrait pas peser sur la situation dans l’immense République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) voisine – ni pour faire avancer la paix à l’est de ce pays, ni pour faire valoir son intérêt pour les ressources de son riche sous-sol, notamment l’uranium.

Il est à craindre que la réconciliation franco-rwandaise ne s’opère au prix d’un étouffement progressif de l’enquête sur l’attentat de 1994, dont les conclusions, quelles qu’elles soient, mettraient à nouveau à vif les plaies du passé. Or une relation saine ne peut se construire sur un non-dit aussi béant. Le droit à la vérité sur les événements de 1994 doit prévaloir. Au nom de l’indépendance de la justice et, en premier lieu, au nom de la mémoire des 800 000 victimes du génocide.

 

 http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/09/retour-au-rwanda_1289571_3232.html

Posté par rwandaises.com