La stabilité régionale, les enjeux de sécurité, la coopération économique entre le Congo, le Rwanda et le Burundi ont été au cœur de la tournée en Afrique centrale du ministre belge des Affaires étrangères qui se termine lundi à Bujumbura.
Tout s’est passé comme si, à Kigali, il n’y avait plus grand-chose à démontrer : les progrès économiques du pays sont évidents, reconnus par le rapport Doing Business de la Banque Mondiale, la réconciliation avec le Congo se consolide. Dans la capitale méconnaissable, les immeubles à étages, les ministères flambant neufs, la Bourse financière mais aussi les quartiers populaires rasés sans état d’âme pour faire place à des gratte ciels témoignent de l’ambition des autorités qui ont d’ailleurs demandé à Singapour d’établir un «master plan » c’est-à-dire un plan d’ensemble pour une ville en pleine expansion. En cette année électorale (le président Kagame remettra son mandat en jeu fin août et les partis d’opposition autorisés font déjà campagne) le ministre belge des Affaires étrangères Vanackere s’est donc contenté d’entretiens très politiques, avec son homologue Louise Mushikwabo, et, durant plus d’une heure, avec le président Kagame.
A l’exception d’une visite controversée de Reginald Moreels en 1995, c’était la première fois que Kagame rencontrait un représentant du CDnV, l’ex CVP, un parti qui s’était longtemps aligné sur les thèses du hutu power, quand il ne les inspirait pas…
Autres temps, autres hommes et autres fonctions…La rencontre avec Kagame fut cordiale, détendue, les deux hommes partageant une même approche pragmatique. Il fut question du rétablissement des relations diplomatiques entre le Rwanda et le Congo, de l’évaluation des opérations militaires menées au Kivu contre les bastions de rebelles hutus.
Les Rwandais félicitèrent la Belgique pour les procès d’assisses menés contre des génocidaires, le cas Ntezabera, le financier du régime Habyarimana étant le dernier en date, il fut aussi question, longuement, des dirigeants des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) qui, depuis l’Europe, ordonnent à leurs combattants demeurés au Kivu de ne pas rentrer et de poursuivre la guerre, ce qui rend impossible tout effort de stabilisation régionale. Très attachés aux perspectives de développement économique de la région et désireux de soutenir le Benelux local, c’est-à-dire la Communauté économique des pays des Grands Lacs, les Belges se sont montrés sensibles au fait qu’en France et en Belgique, entre autres, des chefs de guerre hutus ne sont pas autrement inquiétés. Dans les temps à venir, la Belgique pourrait être confrontée à des demandes d’extradition en bonne et due forme. Si les Rwandais réservèrent un accueil cordial à leur interlocuteur belge, il fut aussi sans surprise, car la coopération tourne rond, l’ambassade du Rwanda à Bruxelles va être renforcée… En fait, le sujet qui occupe le microcosme rwandais, ce sont les relations avec Paris :le 26 février prochain, le président Sarkozy est attendu à Kigali et des travaux de rénovation ont été entrepris en urgence à l’ambassade de France, fermée depuis novembre 2006. En attendant l’arrivée du nouvel ambassadeur, un diplomate français campe déjà à l’ambassade de Belgique (qui était chargée depuis trois ans de représenter les intérêts français) tandis que les services consulaires continuent à délivrer les visas pour la France et l’Espagne, appliquant toujours la procédure Schengen et demandant l’avis de la France pour tout octroi de visa.
Satisfaits, les Rwandais font remarquer que la réconciliation avec la France, qui devrait s’accompagner d’une relecture du dossier Bruguière, ne s’est accompagnée de leur part d’aucune concession de fond, d’aucun « aplatissement » devant la puissance française. Bien au contraire : devant le Parlement rwandais, Bernard Kouchner a réaffirmé que le Rwanda était incontournable sur le plan de la stabilisation de la région, un point de vue largement partagé par les Belges. Dans l’immédiat cependant, le protocole rwandais se concentre sur la photo de famille, où la différence de taille entre Sarkozy et Kagame devra impérativement être gommée…
Au Rwanda, Vanackere est allé beaucoup moins loin dans la connaissance du terrain que lors de son périple au Congo. Au cours de cette première étape de sa tournée en effet, il s’agissait non seulement d’apprendre, mais aussi de se donner des arguments pour convaincre une opinion flamande marquée par les critiques de De Gucht. C’est ainsi qu’à Goma, le ministre a passé de longs moments dans la prison, dont les militaires forment désormais la moitié des effectifs, châtiés qu’ils sont pour vols ou violences sexuelles. L’ancien ministre bruxellois a aussi rencontré la communauté belge dans un bar à la mode, le « petit Bruxelles » où un Manneken pis grandeur nature opère à jet continu. Entre les chopes de bière blonde et les chansons de Brel, Vanackere a découvert qu’au Congo, à l’inverse du Rwanda tout entier tourné vers l’anglais, la « belgitude » fait encore recette…

 

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Posté par rwandaises.com