Ici, un otage libéré, là une normalisation avec regrets mais sans excuses…Nicolas Sarkozy est un homme expéditif. Quelques heures passées à Kigali lui auront suffi pour rendre une visite muette au mémorial du génocide, où il a écouté sans broncher le guide lui montrer les photos de soldats français encadrant les tueurs et rappeler que Bill Clinton, lui, s’était excusé…Blème, impassible, le président, si disert d’ordinaire, ne s’est permis aucune remarque, aucun geste spontané mais il a reconnu de graves erreurs d’appréciation et s’est incliné devant les victimes. Les survivants auront trouvé ce temps trop court, les nostalgiques du Hutu Power, encore nombreux en France et ailleurs, compareront cette douloureuse escale à Kigali à une sorte de Canossa africain…Mais après tout, quelle importance ? Trois heures, certes, c’était trop peu. Mais trois jours, ou même trois semaines, n’auraient pas suffi à apaiser des douleurs aussi lancinantes qu’au premier jour…
Les comptes entre Paris et Kigali sont loin d’être soldés, mais d’autres instances s’en chargeront : à Paris, un « pôle génocide » examinera le cas de Rwandais incriminés et réfugiés en France, le juge Trevidic, qui a pris le relais de Jean Louis Bruguière, se rendra probablement au Rwanda pour examiner in situ les circonstances du crash de l’avion présidentiel. Certes, M. Sarkozy se verra reprocher d’avoir mesuré l’expression de ses sentiments, d’avoir omis excuses et pathos. Mais en face de lui, impassible sinon glacial, le président Kagame, qui sort vainqueur de seize années d’épreuve de force avec la France au bout desquelles il n’a rien concédé, n’a pas, lui non plus, la réputation d’être un sentimental…Les deux hommes en réalité représentent une nouvelle génération, qui tourne le dos à l’ héritage colonial, se veut pragmatique dans ses alliances comme dans sa recherche de résultats concrets. Sarkozy, à Kigali, a porté un coup dur à la « Françafrique » tandis que Kagame prenait ses distances par rapport aux plus meurtris ou aux plus rancuniers.
Les blessures du génocide n’ont pas été cicatrisées par cette visite éclair, mais tel n’était pas le but de l’opération. Ce qui a prévalu, c’est le réalisme de la raison d’Etat, le fait que les deux pays aient décidé au plus haut niveau, que le temps de la guérilla, judiciaire, diplomatique, médiatique, était révolu et qu’il fallait désormais céder le pas à la justice, à l’aide au développement, aux échanges culturels…Même si elle n’est pas suffisante, cette étape est nécessaire à la guérison des esprits, car le négationnisme, dont la France fut souvent la chambre d’écho, ne cessait d’aviver les rancoeurs et les souffrances des uns, les espoirs de revanche des autres. Une page est tournée, un peu vite certes, mais elle représente un désaveu pour le clan des menteurs et un gage de paix pour toute la région des Grands Lacs…

 

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Posté par rwandaises.com