Un à un, les anciens génocidaires filmés par Serge Farnel racontent la même histoire ; à savoir que, le 13 mai 1994, de petites équipes d’hommes blancs, qu’ils décrivent comme étant des « soldats français », vêtus de treillis et transportés dans des jeeps ou des camions, se rassemblaient sur les hauteurs dans l’arrière-pays de l’ouest rwandais. Ils tiraient des coups de feu dans les collines de Bisesero afin de débusquer les Tutsis.

Puis ils visaient directement les hommes, les femmes et les enfants qui prenaient la fuite. Quand les coups de feu cessèrent, les tueurs hutus investissaient les collines. Maniant des machettes, des lances, des massues cloutées, et leurs propres fusils, ils achevèrent les blessés. Une vingtaine de survivants me racontèrent une version identique des événements.

Ce jour-là et le lendemain, 40.000 Tutsis furent massacrés. En tout, environ 800.000 personnes – des Tutsis et des Hutus opposants du génocide – périrent atrocement ce printemps 1994.

* * *

Peu d’événements de l’histoire contemporaine ont laissé davantage de cicatrices dans les consciences occidentales que le génocide rwandais.

Samantha Power conseillère auprès du président Obama, Prix Pulitzer en 2003 pour son livre Un Problème d’Enfer : l’Amérique et l’Ère du génocide [ A Problem from Hell: America and the Age of Genocide ], y dépeint un portrait noir de la manière dont l’administration Clinton esquivait et demeurait passive durant le génocide.

Plus tard, le Président Clinton, en visite à Kigali, la capitale, présenta ses excuses au nom des États-Unis et de la « communauté mondiale ».

En France, en revanche, le récit officiel du génocide donne une image plus reluisante du rôle de l’Hexagone. Le site web du Ministère des Affaires étrangères note que : « Dans les années 1990, la France s’investit dans les efforts de la communauté internationale pour endiguer les tensions au [Rwanda]… La France fut le premier pays à dénoncer le génocide, et entreprit une mission humanitaire. ». Cette mission, qui débuta en juin 1994, sous le nom d’Opération Turquoise, était en apparence supposée créer des zones de sécurité humanitaires.

À ce point de notre analyse, un peu d’histoire s’impose. Bien que le Rwanda fût une colonie belge avant son indépendance en 1962, les Français l’ont considéré, pendant très longtemps, comme une partie de la Françafrique : l’ensemble des pays africains francophones sur lesquels la France continue à exercer une influence paternaliste, parfois positive, le plus souvent opportuniste.

Au Rwanda, cette influence prit la forme d’une relation étroite avec la dictature de Juvénal Habyarimana, prônant la suprématie hutue. Pendant la guerre civile rwandaise, au début des années 1990, les troupes françaises allèrent à la rescousse d’Habyarimana dans sa guerre contre les forces d’opposition du Front Patriotique Rwandais (FPR) – à majorité tutsie, et aussi anglophones – venant d’Ouganda, sous le commandement de Paul Kagamé, aujourd’hui président du Rwanda.

Aujourd’hui, aussi absurde que cela puisse paraître, le gouvernement du président en exercice à l’époque, François Mitterrand, craignait qu’une victoire du FPR ne signifie la perte, non seulement d’un allié de confiance, mais aussi, la perte du Rwanda au profit du monde « anglophone ».

L’événement qui finit par déclencher le génocide se produisit le 6 avril 1994, lorsqu’un avion transportant Habyarimana fut abattu. L’identité des coupables demeure l’un des mystères non résolus de l’histoire contemporaine.

Un éminent magistrat français est convaincu que l’assassinat fut orchestré par le FPR, et il a lancé de nombreux mandats d’arrêt visant de proches collaborateurs de M. Kagamé. Dans le passé, les Français ont aussi déclaré avec insistance que ce qui se déroula au Rwanda fut un « double génocide », arguant que les Tutsis étaient autant les agresseurs que les victimes dans les prémisses et l’acmé de l’agonie rwandaise.

Cependant, cette version des événements a aussi ses détracteurs. M. Kagamé nie catégoriquement toute implication dans la mort d’Habyarimana, qui était alors sur le point de réaliser un accord de paix avec le FPR au moment où il fut assassiné.

Le gouvernement rwandais a prétendu, pendant longtemps, que la France joua un rôle actif en soutenant les extrémistes rwandais durant le génocide, faisant état de nombreux génocidaires notoires qui ont ouvertement et paisiblement vécu en France pendant des années.

En 1998, le journaliste français Patrick de Saint-Exupéry, qui avait rendu visite aux soldats français durant l’Opération Turquoise, écrivit une série d’articles dans Le Figaro , racontant comment les « zones humanitaires » françaises servaient principalement à protéger les tueurs hutus, au moment où ils fuyaient devant l’avancée des forces du FPR.

Ces articles provoquèrent un tollé à l’Assemblée nationale, au point de provoquer la création d’une commission d’enquête, qui arriva en définitive à la conclusion que la France ne portait aucune responsabilité particulière sur le génocide et, au pire, avait été victime innocente de malentendus.

C’est à ce moment-là qu’entra en scène Serge Farnel, un Parisien à la grande carrure, âgé de 44 ans, issu d’une formation dans l’ingénierie aéronautique. La curiosité de M. Farnel pour le génocide fut éveillée, il y a quelques années, lorsqu’il entendit des comparaisons entre les actions commises par la France au Rwanda et le comportement du régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lors d’un voyage au Rwanda, en avril dernier, il rencontra un survivant tutsi, qui témoignait que les soldats français étaient bien présents en mai 1994, alors que, supposément, il n’y en avait aucun. Au début, Farnel préjugea que sa mémoire de personne traumatisée lui jouait des tours, mais il maintint sa version de l’histoire. Farnel commença alors à interroger d’autres témoins, dont il filma les récits.

Il en résultat 100 heures de film, qui consistent principalement en des entretiens d’individus et de groupes, à la fois victimes et auteurs du massacre, avec également des reconstitutions minutieuses des scènes du massacre.

Il est difficile d’exagérer la rigueur avec laquelle M. Farnel a conduit les entretiens : sur le film, ceux qui sont interviewés s’impatientent parfois quand il les rappelle pour leur poser d’autres questions – comme s’ils étaient des témoins appelés à la barre – sautant sur la moindre incohérence dans leur témoignage.

Tous les survivants des massacres de mai 1994 ne prétendent pas se rappeler la présence de soldats français à Bisesero, cependant, il en y a beaucoup qui le disent, et leurs récits sont cohérents. Après avoir visionné ces témoignages filmés, je décidai de rejoindre M. Farnel au Rwanda, sur le terrain de son investigation, afin de confirmer ces histoires personnellement.


Anne Jolis/ The Wall Street Journal

Des Rwandais attendent pour donner leur témoignage des événements de 1994

« Les Blancs étaient postés sur les hauteurs, et ils nous ont d’abord débusqués de nos cachettes par des coups de feu… Ils cessèrent quand les Interahamwe [la milice hutue] arrivèrent, puis recommencèrent quand nous résistâmes », dit Sylvestre Niyakayiro, un Tutsi âgé de 22 ans à l’époque et qui se rappelle avoir été chassé de colline en colline au cours des trois attaques perpétrées ce jour-là, dirigées par des Blancs.

M. Farnel demande, de manière répétée, si M. Niyakayiro ne mélange pas les dates, si les Blancs de la mi-mai, dont il se souvient, n’étaient pas en fait les soldats français qui arrivèrent à la fin juin pour l’Opération Turquoise, quand un autre assaut fut lancé contre les quelques Tutsis qui demeuraient dans les environs de Bisesero.

« Les jours du 13 et du 14 [mai] furent inoubliables », répond M. Niyakayiro.

Mais qui étaient exactement ces « Blancs » – à supposer qu’ils étaient réellement présents ? « Votre information n’est pas crédible, puisqu’elle ne repose sur aucune réalité historique », écrivit le général Jean-Claude Lafourcade, qui commandait l’Opération Turquoise et qui maintenant dirige une association des soldats ayant servi au Rwanda, dans une réponse par courriel à mes questions, ajoutant « il semble que vous êtes en train de vous faire manipuler ».

Comme l’Élysée, l’association déclare qu’ « il n’y avait pas de soldats français au Rwanda au mois de mai 1994 ». L’Institut François Mitterrand, dirigée par Hubert Védrine, proche conseiller de l’ancien président, refusa de faire un commentaire sur cet article.

Paul Barril est un Français qui se trouvait au Rwanda à l’époque. Il est certainement l’un des anciens membres les plus illustres du GIGN, un corps d’intervention d’élite. M. Barril était un conseiller auprès d’Habyarimana, à l’époque de la mort du Président. Selon ses mémoires, publiées en 1996 : Guerres secrètes à l’Élysée , dans lesquelles il note que « Suivant l’attaque, commença un cycle de massacres qui conduisirent à l’établissement de la dictature tutsie du pro-américain Paul Kagamé. Plus d’un million de personnes périrent au Rwanda. Quelle importance ? ».

Mes efforts pour contacter M. Barril par téléphone et par courrier électronique dans le cadre de cet article ont été en vains. « Il ne veut pas qu’on le retrouve », me dit son éditeur.

Un récit des activités de M. Barril se trouve dans « Aucun témoin ne doit survivre : le génocide au Rwanda » [ Leave None to Tell the Story : Genocide in Rwanda ], rédigé par l’experte renommée Alison Des Forges, une Américaine qui mourut dans un accident d’avion l’an dernier.

Des Forges écrit que M. Barril fut embauché par le ministère de la Défense au Rwanda pour former jusqu’à 120 hommes au tir et aux tactiques d’infiltration pour une unité d’élite, en vue d’attaques derrière les lignes du FPR. L’opération portait le nom de code « Opération insecticide », pour désigner une opération destinée à exterminer les inyenzi , les « cafards »… Quand on l’interrogea au sujet de ce programme de formation au cours d’un entretien avec un chercheur de Human Rights Watch , [M.] Barril nia toute connaissance à ce sujet et mit abruptement fin à la conversation. »

Les Rwandais que M. Farnel et moi-même rencontrèrent insistèrent sur le fait que les troupes françaises étaient impliquées dans les massacres de la mi-mai. « Je sais que c’étaient des troupes françaises, parce que j’avais été avec eux à Mutara en 1991, » dit Semi Bazimaziki, caporal dans l’armée rwandaise durant le génocide. « Je connaissais très bien leur manière d’opérer ». Un autre ex- génocidaire , Jean Ngarambe, raconte qu’il fut rejeté en tant que guide pour les Blancs en visite, parce que « je ne parlais pas français ». À sa place, ils prirent un autre homme qui parlait français.

Un incident, décrit à la fois par les bourreaux et les victimes, est particulièrement probant. Certains des ex- génocidaires se rappellent que, le 12 mai, le jour précédant le début de la boucherie, ils furent convoqués dans un village.

Ils disent qu’un officiel hutu local, nommé Charles Sikubwabo, fugitif actuellement recherché par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, présenta des « soldats français », venus afin de servir de renforts.

M. Sikubwabo ordonna aux tueurs rwandais rassemblés de suivre une certaine route sans attaquer ou approcher des Tutsis sur le chemin. Ils se retrouvèrent quelques kilomètres plus loin, à un endroit nommé Mumubuga où ils trouvèrent plus de 50 Tutsis. Entouré d’hommes blancs, M. Sikubwabo dit aux Tutsis de ne pas avoir peur, que les Blancs étaient là pour les aider, et qu’ils devaient retourner dans les collines pour attendre de l’aide.

Nous savions que c’était une ruse contre les Tutsis », dit Raphaël Mageza, le beau-frère de M. Sikubwabo. Les Blancs servaient de leurres, afin de rassembler des informations au sujet des endroits où les Tutsis se cachaient. Gudelieve Mukangamije, l’une des victimes potentielles de M. Mageza, en convient : « Ils [les Blancs] ne nous donnèrent pas de bâches [comme ils l’avaient promis]. Ils nous tuèrent. Et ils nous donnèrent aux Interahamwe.

* * *

Hier, Nicolas Sarkozy fut le premier président français à poser le pied au Rwanda depuis un quart de siècle. « Ce qui s’est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France , à réfléchir à ces erreurs qui l’ont empêchée de prévenir et d’arrêter ce crime épouvantable », a-t-il dit. M. Sarkozy suggéra autrefois qu’un comité d’historiens devait enquêter sur ce qui se passa durant le génocide. Le président français, ajoute le ministère des Affaires Etrangères Bernard Kouchner, « ne s’oppose pas à ce que la France regarde son histoire. »

Si tel est le cas, la meilleure façon de commencer serait, pour la France et ses historiens, de regarder les extraordinaires témoignages recueillis dans l’intense documentaire de M. Farnel. Ils ont un devoir moral et historique de considérer les conséquences des preuves présentées par Farnel. Comme le dit M. Farnel : « Aucun pays ne peut fuir son histoire ».

VERSION ANGLAISE

By ANNE JOLIS

Bisesero , Rwanda

‘I tell you as I saw it, » says Fidéle Simugomwa, a former Hutu-extremist militia chief during the Rwandan genocide, as he sits for an interview with French documentary-maker Serge Farnel. « The French soldiers were standing on the hill, and firing down at the Tutsi. . . . We had a sign so the French didn’t shoot at us—[we had] leaves on. »

One by one, the ex- génocidaires whom Mr. Farnel films tell the same story: Namely, that on May 13, 1994, small teams of white men they describe as « French soldiers, » clad in fatigues and riding in jeeps or trucks, gathered at lookout points in the backwoods of western Rwanda . They fired into the Bisesero hills, scaring the Tutsi out of hiding. They then aimed directly at the fleeing men, women and children. When the shooting stopped, the Hutu killers moved into the hills. Wielding machetes, lances, nail-spiked clubs and their own guns, they finished off the wounded. A score of survivors recounted the same version of events to me.


Anne Jolis/ The Wall Street Journal

Rwandans line up to tell their story of events in 1994.

On that day and the next, some 40,000 Tutsi were slaughtered. All told, an estimated 800,000 Tutsi and anti-genocide Hutu perished in the ghastly spring of 1994.

***

Few events in recent history have more deeply scarred Western consciences than the Rwandan genocide. Samantha Power, now an adviser to President Obama, won a Pulitzer Prize in 2003 for her book « A Problem from Hell: America and the Age of Genocide, » which painted a damning portrait of the Clinton administration’s evasiveness and passivity as the genocide unfolded. President Clinton later visited the Rwandan capital of Kigali to offer an apology on behalf of the United States and the « world community. »

In France , however, the official narrative of the genocide portrays French policy in a more flattering light. The Web site of the French Foreign Ministry notes that « In the 1990s, France invested in the efforts of the international community to try to curb the mounting tensions in [ Rwanda ]. . . . France was the first country to denounce the genocide and decided to carry out a humanitarian mission. » That mission, known as Operation Turquoise, began in June 1994, and was ostensibly intended to create safe humanitarian zones.

Here some history is in order. Though Rwanda was a Belgian colony prior to its independence in 1962, the French have long seen it as part of Françafrique : French-speaking African countries over which Paris continues to exert a paternalistic, sometimes positive, and often opportunistic, influence.

In Rwanda , that influence took the form of a close relationship with the Hutu-supremacist dictatorship of Juvénal Habyarimana. During the Rwandan civil war of the early 1990s, French troops came to Habyarimana’s aid in his war with the mostly Tutsi (and largely English speaking) opposition forces of the Rwandan Patriotic Front (RPF), coming from Uganda under the leadership of Paul Kagame, now Rwanda ‘s president. Though it seems absurd in retrospect, at the time the government of then-French President François Mitterrand feared that a victory for the RPF would mean the loss not only of a trusted ally but the forfeiture of Rwanda to the « Anglophone » world.

The event that finally sparked the genocide came on April 6, 1994, when a plane carrying Habyarimana was shot down. Who killed him remains one of the great unsolved mysteries of contemporary history. One prominent French magistrate is convinced that the assassination was orchestrated by the RPF and has issued numerous arrest warrants for close associates of Mr. Kagame. The French in the past have also insisted that what transpired in Rwanda was a « double genocide, » implying that the Tutsis were as much the victimizers as they were the victims in the run-up and high noon of Rwanda ‘s agony.

This version of events, however, has its detractors. Mr. Kagame adamantly denies any involvement in the death of Habyarimana, who was closing in on a peace deal with the RPF when he was assassinated. The Rwandan government has also long alleged that France played an active role in supporting the Hutu extremists during the genocide, and it points to numerous prominent génocidaires who have lived openly and unmolested in France for years.

In 1998, French journalist Patrick de Saint-Exupéry, who had visited with French soldiers during Operation Turquoise, wrote a series of articles in Le Figaro describing how France ‘s « humanitarian zones » mainly served to protect Hutu killers as they retreated in the face of the RPF’s military advances. The articles created enough of a stir for the French parliament to form a committee of inquiry, which ultimately concluded that France bore no specific responsibility for the genocide and at worst had been the victim of honest misunderstandings.

Enter Serge Farnel, a tall, rather hulking Parisian of 44 with a background in aeronautical engineering. Mr. Farnel’s curiosity about the genocide was piqued several years ago when he heard comparisons made between France ‘s actions in Rwanda and the behavior of the Vichy regime during World War II.

During a trip to Rwanda last April, he met a Tutsi survivor who insisted that French soldiers had been present in Rwanda in May 1994, when supposedly none were there. At first he assumed that her traumatized memory was playing tricks on her, but she clung to the account. So he began asking others, and he put their testimonies on film.

The result is 100 hours of footage, which consists mainly of separate and group interviews with both victims and perpetrators of the slaughter, as well as detailed re-enactments of the killing fields. It’s difficult to overstate the rigor with which Mr. Farnel conducted the interviews: On tape, the interviewees sometimes become impatient when he calls them back for repeated questioning, like witnesses on the stand, seizing on any apparent discrepancies in their testimony. Not every survivor of the May 1994 massacres says he recalls the presence of French soldiers in Bisesero. But many say they do, and their stories are consistent. After watching the filmed testimonials, I decided to join Mr. Farnel in Rwanda to watch him at work and confirm these accounts for myself.

***

« The whites were stationed at a height, and first they got us out of hiding with their shots. . . . They stopped when the Interahamwe [the Hutu militia] came, and started again when we resisted, » says Sylvestre Niyakayiro, a Tutsi who was 22 at the time and recalls being chased from hill to hill in three attacks that day with whites at the helm.

Mr. Farnel asks repeatedly if Mr. Niyakayiro isn’t confusing his dates, if the white men he remembers from mid-May weren’t actually the French soldiers who arrived at the end of June for Operation Turquoise, when another assault was launched against the few Tutsi who remained in the vicinity of Bisesero.

« The days of the 13th and 14th [of May] were days that are unforgettable, » Mr. Niyakayiro replies.

But who exactly were these « whites »—assuming they really were there? « Your information is not credible as it rests on no historical reality, » Gen. Jean-Claude Lafourcade, who commanded Operation Turquoise and now runs an association of soldiers who served in Rwanda, wrote in an emailed response to my questions, adding that « it seems you are being manipulated. » Like the Elysée, the Association says « there were no French soldiers in Rwanda in the month of May 1994. » L’Institut François Mitterrand, led by the late president’s close adviser Hubert Védrine, declined to comment for this article.

One Frenchman who was in Rwanda at the time is Paul Barril—probably the most storied ex-member of France ‘s GIGN, an ultra-elite special-ops unit. Mr. Barril was an adviser to Habyarimana at the time of the president’s death, according to his 1996 memoir « Secret Wars at the Elysée, » in which he writes of being one of the first to inspect the wreckage of the president’s plane, and notes that « Following the attack, a cycle of massacres began that resulted in the establishment of the pro-American Tutsi dictatorship of Paul Kagame. More than one million people perished in Rwanda . Who cares? »

My attempts to contact Mr. Barril by phone and email for this article were to no avail. « He does not want to be found, » his publisher told me.

One account of Mr. Barril’s activities is contained in « Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda , » by the highly regarded Rwanda expert Alison Des Forges, an American who died in a plane crash last year. Des Forges writes that Mr. Barril was hired by the Rwandan defense ministry to train as many as 120 men in « marksmanship and infiltration tactics for an elite unit in preparation for attacks behind the RPF lines. The operation was code-named « Operation Insecticide, » meaning an operation to exterminate the inyenzi or ‘cockroaches.’ . . . When asked about the training program in the course of an interview with a Human Rights Watch researcher, [Mr.] Barril denied knowledge of it and ended the conversation abruptly. »

The Rwandans that Mr. Farnel and I interviewed insist the French military itself was involved in the massacres of mid-May. « I know they were French military because I had been with them in Mutara in 1991, » says Semi Bazimaziki, who was a corporal in the Rwandan military during the genocide. « I knew very well their ways of operating. » Another ex- génocidaire, Jean Ngarambe, reports that he was rejected as a guide for the visiting whites because « I didn’t speak French. » Instead, another man who did speak French was accepted.

One incident, described by the perpetrators and victims alike, is particularly telling. Several of the ex- génocidaires recall that on May 12, the day before the butchery began, they were summoned to a village. They say a local Hutu official, a man named Charles Sikubwabo who is now a fugitive being sought by the International Criminal Tribunal for Rwanda , presented « French soldiers » who had come to serve as reinforcements. Mr. Sikubwabo instructed the assembled Rwandan killers to proceed along a certain route without attacking or approaching any Tutsi along the way. They came together again a few miles away at a place called Mumubuga, where they found more than 50 Tutsi. Flanked by the white men, Mr. Sikubwabo told the Tutsi not to be afraid, that the whites were there to help them, and that they should go back to the hills to await aid.

« We understood that it was a trick for the Tutsi, » says Raphaël Mageza, Mr. Sikubwabo’s brother-in-law. The whites were acting as lures to gather information about where the Tutsi were hiding. Gudelieve Mukangamije, one of Mr. Mageza’s would-be victims, agrees: « They [the whites] didn’t give us tarps [as promised]. They killed us. And they betrayed us to the Interahamwe. »

***

Yesterday, Nicolas Sarkozy became the first French president to set foot in Rwanda in a quarter century. « What happened here forces the international community, including France , to reflect on the mistakes that prevented it from anticipating and stopping this terrible crime, » he said. Mr. Sarkozy has previously suggested that a committee of historians look into what happened during the genocide. The French president, adds Foreign Minister Bernard Kouchner, « is not opposed to having France look at its history. »

If that is so, France and its historians could make no better beginning than to look at the extraordinary testimonies assembled in Mr. Farnel’s massive documentary. Where its evidence leads, they have a moral and historical duty to follow. As Mr. Farnel says, « No country can run from its history. »

Miss Jolis is an editorial page writer for the Wall Street Journal Europe .

 

Source http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704240004575085214201591380.html

Posté par rwandanews.be