Momentanément éclipsé par la Chine, qui a débarqué en force sur le continent africain et plus récemment au Congo, le Japon, sous l’impulsion de son nouveau Premier Ministre le social démocrate Hatoyama, entend bien reprendre une place de premier plan et déjà ancienne.
En 1993 en effet, alors qu’au lendemain de la guerre froide l’Afrique sombrait dans l’oubli, le Japon organisa un ambitieux sommet, TICAD (Conférence internationale de Tokyo sur le développement africain) rassemblant plus de 3000 participants venus de 51 pays d’Afrique. Lors de cette rencontre, comme lors des cinq conférences ultérieures, l’accent fut mis sur le développement des infrastructures régionales, la sécurité alimentaire, la promotion du commerce. Au cours des trois dernières années encore, le Japon a consacré 120 millions de dollars au développement des infrastructures de communication et à la formation de personnel qualifié et, lors de TICAD IV, M. Hatoyama a promis doubler l’aide japonaise à l’Afrique d’ici 2012.
En République démocratique du Congo aussi, le Japon s’enorgueillit d’être présent depuis longtemps : ses avancées technologiques sont connues de tous, le « pont maréchal » qui surplombe le fleuve à Matadi suscite toujours l’admiration et, de 2007 à 2009, la coopération japonaise en RDC est passée de 18,4 millions à 64,2 millions de dollars, ce qui place le pays au sixième rang des donateurs.
Mais voilà : cette coopération est relativement peu visible, en partie parce que, pour un tiers, (22 millions de dollars) elle est mise en œuvre via les organisations internationales, en partie parce que, sur le terrain, les Japonais sont très peu nombreux, présents seulement à Kinshasa et dans le Bas Congo. La carte affichée par le ministère japonais des affaires étrangères explique cette réticence : toute la partie est du pays, c’est-à-dire plus de la moitié du territoire, est classée « zone rouge », c’est-à-dire zone de danger maximum. Ce qui signifie qu’en principe tout citoyen japonais qui aurait le malheur de s’y aventurer se verrait conseiller d’évacuer les lieux au plus tôt ! Le reste du pays est orange, ce qui signifie « danger » et c’est dans la capitale, dessinée en jaune, que la situation sécuritaire est, de justesse, considérée comme acceptable…
« Non seulement les Japonais n’aient guère s’expatrier en Afrique », souligne M. Iimura Tsutomu, qui a longtemps représenté à Kinshasa l’agence de coopération japonaise Jica, « mais le gouvernement craint que si quelque malheur arrivait à ses ressortissants, les autorités en soient immédiatement tenues pour responsables par une opinion publique très soucieuse du sort des Japonais à l’étranger ».
A Kinshasa cependant, le Japon a entrepris des travaux à haute visibilité : dans le cadre des « cinq chantiers » du président de la République, il a entrepris de réfectionner l’avenue dite « des poids lourds » qui contourne la ville et longe le port.
Contrairement aux chantiers réalisés sur le Boulevard du 30 juin par les nouveaux amis chinois, qui ont dépouillé la célèbre artère de ses arbres et de ses terre-pleins, les travaux des Japonais sont marqués par la prudence. « Nous avons d’autres méthodes » précise M. IImura : « nous menons de longues études préalables, nous veillons à ce que les propriétaires expropriés soient bien indemnisés. Avant le début des travaux, nous avons invité au Japon une équipe d’ingénieurs congolais, qui plus tard seront chargés de maintenir en état cette artère vitale ».
Outre la formation de personnel médical et la création d’une unité de traitement d’eau potable à Mont Ngaliéma, le Japon est présent dans le domaine de la réforme de la justice et, à la veille des élections de 2006, il avait contribué à la formation de 10.000 policiers congolais. « Nous souhaiterions transmettre nos valeurs » souligne M. Iimura : le sens de la discipline sociale, le goût de la technologie. Mais surtout, nous croyons que tout progrès technique a une base culturelle. C’est en fonction de leur culture que nos amis congolais doivent s’approprier les innovations techniques, c’est pourquoi il faut donner la primauté à la connaissance, à l’éducation… »
Malgré la bonne volonté exprimée à Tokyo, les Japonais sont très peu nombreux à pouvoir transmettre leur savoir faire et leurs valeurs au géant congolais, même s’ils considèrent que, une fois passé l’engouement que suscite la présence chinoise, ils ont leur carte à jouer : « nous voulons pratiquer de réels transferts de connaissance, nous ne nous contentons pas de fournir des projets clé sur porte, nous apprenons à nos partenaires comment fabriquer la clé eux-mêmes… »
A Tokyo, l’intérêt que suscite la RDC est bien réel, les budgets sont en hausse, les idées se bousculent. Seuls manquent les hommes. C’est pourquoi une idée audacieuse sera abordée lors du voyage que le Ministre belge des Affaires étrangères Vanackere fera au Japon début avril : celle d’une coopération triangulaire, où l’on verrait la CTB (Coopération technique belge) qui a une excellente connaissance du terrain, mettre en œuvre des projets financés par le Japon. Aujourd’hui déjà la CTB réalise des projets de coopération pour d’autres bailleurs, la Coopération britannique par exemple, qui est passée en tête de la liste des bailleurs de fonds.
Cette idée d’une coopération triangulaire circule depuis plusieurs années déjà et la Belgique souhaiterait cette fois la défendre avec force auprès du Japon, même si ce dernier entend aussi concerter son action avec d’autres partenaires asiatiques, la Chine et la Corée du Sud .
Entre la Belgique et le Japon, deux pays qui développent depuis longtemps des relations excellentes, la coopération triangulaire pourrait se mettre en œuvre sans grande difficulté et même s’étendre aux pays de la région. En effet, le Japon compte proposer aux pays des Grands Lacs (Congo, Rwanda et Burundi) de bénéficier de son expérience en matière de sismologie et de vulcanologie. Des secteurs de pointe qui permettraient de pallier une grande lacune de la présence nipponne en Afrique centrale, son manque de visibilité…

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/02/04/devance-par-la-chine-le-japon-veut-revenir-en-afrique-et-au-congo/

Posté par rwandanews.be