Mme Victoire Ingabire, présidente des FDU-Inkingi et qui se présente comme candidate aux élections présidentielles d’août prochain au Rwanda a été une nouvelle fois convoquée par le Parquet à Kigali mardi après midi.
Cette interpellation ravive l’inquiétude déjà exprimée par Human Rights Watch, qui souligne que les membres des partis d’opposition sont visés par un nombre croissant de menaces, d’agressions et d’actes de harcèlement à l’approche de l’élection présidentielle où le président Kagame se proposera pour un deuxième mandat.
Le cas de Mme Ingabire est particulièrement sensible : après avoir vécu durant seize ans aux Pas Bas, cette femme d’une quarantaine d’années, qui s’exprime couramment en néerlandais, avait décidé de rentrer au Rwanda pour se présenter aux électeurs et cela en dépit du fait qu’un aussi long séjour à l’étranger aurait du la rendre inéligible. Dès son arrivée, elle tint des propos jugés sinon incendiaires, du moins tabous, par le régime dominé par le Front patriotique rwandais arrivé au pouvoir en juillet 1994 après avoir mis fin au génocide. Alors que la Constitution rwandaise interdit désormais de distinguer Hutus et Tutsis et que le régime assure que les crimes de guerre commis par les soldats du FPR ont été traités par la justice militaire, Mme Ingabire, dans l’un de ses premiers discours publics, déclara que les crimes commis contre les citoyens hutus par le FPR et l’armée rwandaise devaient être traduits en justice. Avant de regagner le Rwanda, Mme Ingabire avait fréquenté en Europe de nombreux groupes de Hutus en exil qui relayaient régulièrement l’exigence des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). Rappelons que ces derniers, refusant de quitter leurs bastions du Kivu, réclament toujours l’ouverture d’un dialogue interrwandais, c’est à dire une négociation politique avec Kigali, qui pour sa part les considère comme des « génocidaires » .
Même si Mme Ingabire demande aussi que les auteurs du génocide soient jugés, ses propos furent jugés provocateurs au Rwanda et les médias officiels la qualifièrent de « négationniste ». Le Parquet de Kigali a retenu trois charges contre elles : diffusion de l’idéologie génocidaire, divisionnisme et collaboration avec les FDLR, des accusations très lourdes en vertu de la loi rwandaise.
Auparavant, le 3 février, alors qu’avec son collaborateur Joseph Ntawangundi Mme Ingabire arrivait au bureau de secteur pour y retirer des documents officiels elle fut conspuée par des manifestants et, alors qu’elle réussissait à fuir, son collaborateur Joseph Ntawangundi fut passé à tabac. Selon des témoins interrogés par Human Rights Watch, l’attaque semblait organisée et les policiers et membres des forces de défense locales, présents sur les lieux, ne tentèrent aucune intervention. Par la suite, le 6 février, Ntawangundi fut arrêté et accusé d’avoir participé au génocide, une juridiction gaçaça l’ayant reconnu coupable par contumace. Le parti FDU fit savoir par la suite que Ntawangundi ne se trouvait pas au Rwanda au moment du génocide.
D’autres formations d’opposition, comme le Parti vert dirigé par Frank Habineza, un ancien du FPR, ou le PS-Imbakuri ont également été inquiétées ou accusées d’ « idéologie génocidaire » à la suite de déclarations critiquant le gouvernement.
En septembre 2008 déjà, les observateurs de l’Union européenne appelés à suivre les élections législatives avaient relevé de nombreuses irrégularités de procédure et avaient souligné que l’accusation d’ « idéologie génocidaire », agissant comme une menace, portait atteinte à la pluralité politique.
Après de nombreuses discussions entre Européens, puis entre les responsables de la mission d’observation et les autorités rwandaises, le rapport final fut allégé de ses principales critiques. D’ici août 2010, un tel problème ne devrait plus se poser : Eurac, l’observatoire européen pour l’Afrique centrale, relève et déplore que l’Union européenne, arguant de ses moyens limités, ne compte pas envoyer de mission d’observation au Rwanda pour les élections présidentielles…

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/02/17/rwanda-les-demeles-de-la-candidate-ingabire/

Posté par rwandaises.com