(IRIN 16/02/2010)

Seize ans après le génocide rwandais, de nombreuses femmes ont du mal à surmonter les violences qu’elles ont endurées.

Selon l’organisation non gouvernementale Avega Agahozo, une association de veuves du génocide, les violences sexuelles ont été utilisées pour humilier, dégrader et maltraiter des femmes durant les assassinats qui ont eu lieu entre le 6 avril et le 16 juillet 1994. Dans de nombreux cas, les violences ont été infligées avant, pendant ou après que les femmes aient été témoins de l’assassinat d’un proche.

« Certaines femmes ne parlent que maintenant parce qu’elles sont malades », a dit Sabine Uwase, responsable de la défense, de la justice et de l’information pour Avega. « Nous recevons également des cas particuliers qui souffrent de cancers ou dont les organes sexuels ont été abîmés ».

Avega est devenue un refuge pour certaines de ces femmes. Fondée en 1995 par 58 veuves, l’organisation compte maintenant trois branches et 25 000 membres. Plus de 47 400 femmes reçoivent des traitements médicaux grâce à ses programmes.

Chaque jour, 20 à 30 femmes viennent frapper à la porte de l’organisation. Lorsqu’on lui demande pourquoi les femmes ont mis tant de temps avant de chercher de l’aide, Mme Uwase répond : « beaucoup de femmes avaient peur de parler. Nous avons d’abord dû les rassurer. Nombre d’entre elles ont été victimes de viol et sont traumatisées ».

Selon une étude réalisée par l’organisation dans les 12 provinces du Rwanda, sur un échantillon de 1 125 veuves, environ 80 pour cent présentaient des signes de traumatisme et 67 pour cent étaient atteintes du VIH. L’étude était limitée par le manque de ressources.

Aide juridique

Outre les soins de santé, Avega a fourni des services juridiques aux veuves qui désiraient témoigner contre les personnes accusées de génocide devant les tribunaux traditionnels Gacaca.

Les 12 103 tribunaux, qui ont été créés en 2001 et se sont inspirés des mécanismes de la justice traditionnelle rwandaise, sont en train d’être dissous après avoir examiné plus d’un million d’affaires. Au moins 800 000 auteurs de crimes ont été condamnés dans l’ensemble du pays.

Des organisations de défense des droits humains ont cependant critiqué les tribunaux Gacaca, disant qu’ils ne fournissaient pas les services juridiques adéquats aux accusés, que l’injustice y régnait et qu’ils avaient servi à régler des comptes.

Des hauts fonctionnaires ont fortement réfuté ces critiques en affirmant que 94 pour cent des Rwandais croient à ces tribunaux. Ce processus, avancent-ils, a favorisé la réconciliation et réuni les communautés.

« Avant, les veuves ne voulaient pas témoigner », a dit Mme Uwase à IRIN le 8 février. « Nous avons formé 419 formateurs de formateurs qui retournent dans les villages pour enseigner aux autres comment témoigner. À Kigali, nous avons aidé des témoins dans 150 affaires. Maintenant, nous enseignons aussi le droit foncier aux veuves et aux orphelins ».

Avega a également construit 919 maisons pour des veuves et des orphelins entre 2007 et 2008 et lutte contre les violences faites aux femmes. Année après année, l’organisation a encouragé les femmes à entreprendre des activités génératrices de revenus telles que la fabrication de paniers. Les paniers sont vendus à l’échelle internationale et aident à compléter les 60 dollars mensuels d’aide publique versés par le Fonds d’aide aux survivants du génocide.

Les veuves du génocide représentent un pourcentage considérable des survivants, car les génocidaires s’attaquaient principalement aux hommes et aux garçons. Les données recueillies par le Fonds d’aide aux survivants du génocide révèlent qu’entre 250 000 et 500 000 femmes ont été violées pendant les cent jours de violence durant lesquels entre 800 000 et un million de Tutsis et d’Hutus modérés sont morts.

Traumatisme

Tandis que certaines femmes ont été victimes de viols collectifs, d’autres ont été violées avec des objets tranchants, causant d’importantes lésions à leur appareil reproductif.

Jusqu’à 20 000 enfants sont nés de ces viols. Dans tout le pays, il y a 10 fois plus de veuves que de veufs parmi les 300 000 à 400 000 survivants.

Environ 100 000 survivants sont considérés comme vulnérables, dont 40 000 qui sont sans-abri. On compte également 75 000 orphelins.

Selon Avega, les veuves et les orphelins qui ont survécu au génocide portent le fardeau des atrocités commises. Après avoir été témoins ou victimes de violences extrêmes, beaucoup d’entre eux ont une attitude très négative face à la vie.

« Beaucoup de ces femmes trouvent encore très difficile de parler de leur expérience », a dit un journaliste de Kigali. « Elles sont hantées par [le génocide] ».

KIGALI, février 2010 (IRIN)
http://www.africatime.com/rwanda/nouvelle.asp?no_nouvelle=509298&no_categorie=
© Copyright IRIN

Posté par rwandaises.com