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Marie-France Cros

 

Les rebelles hutus issus des génocidaires déposent les armes et quittent le Congo. Le centre de réinsertion Mutobo les aide à se réadapter à la société rwandaise.

Arrivé jeudi soir au Rwanda par la route, le ministre belge des Affaires étrangères Steven Vanackere a visité vendredi le Centre de réinsertion de Mutobo (près de Ruhengeri, dans le nord du pays) ou sont accueillis les FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires) qui déposent les armes et quittent le Congo, ou ils sont devenus une plaie pour la population. Ils reçoivent ici une formation de deux mois, destinée à les aider à se réinsérer dans la société rwandaise.

Partis il y a plus de quinze ans, ils ignorent comment fonctionne la société rwandaise aujourd’hui. On leur donne donc des cours d’histoire du Rwanda (présentée différemment par ce régime et par celui qui deboucha sur le génocide de 1994), ou sur le découpage administratif actuel, les exigences sécuritaires, l’enseignement existant, les services de santé, la protection contre le sida, ainsi que des formations à la création d’entreprise ou pour se lancer dans l’agriculture

Steven Vanackere, accueilli par des chants et des danses dans le hangar ou sont rassemblés les ex-FDLR, est invité à poser ses questions ; quelques-uns des démobilisés parlent français, pour les autres, la traduction est assurée par Jean Sayinzoga, président de la Commission nationale de démobilisation et insertion.

Un major qui parle français, interrogé par le ministre belge (qui tient cette fois le rôle du journaliste), explique qu’après sa formation à Mutobo, il ira cultiver ses terres. Le plus jeune (il annonce 19 ans, mais en parait 16 ; « c’est parce qu’il a grandi dans la forêt au Congo, cela ralentit la croissance », explique M. Sayingoza) veut étudier pour « devenir dirigeant ». Le capitaine Jean-Claude Bizimana, 35 ans, explique à « La Libre Belgique » qu’il a mis six mois à quitter les FDLR. La fuite, car c’en est une, est punie par la direction du mouvement rebelle – au sein de laquelle figurent des génocidaires ; c’est leur idéologie qui a servi à former les combattants, dont une partie a grandi en exil au Congo.

Ces chefs ne peuvent rentrer au Rwanda, où ils seraient jugés, et ont atteint au Kivu un niveau de vie supérieur à ce qu’ils peuvent espérer au Rwanda, pays plus pauvre. Ils ne veulent évidemment pas se voir dépouillés de leurs troupes.

En outre, « c’est difficile de fuir », ajoute le capitaine Bizimana, « parce que la Monuc (Mission des Nations unies au Congo – NdlR) est installée loin de nos camps. Et puis les FARDC (l’armée congolaise – NdlR), s’ils attrapent ceux qui fuient, ils les maltraitent ».

Le capitaine Bizimana avait fui son pays natal à l’âge de 19 ans, « J’étais encore élève. J’ai été ré fugié à Goma, puis, lorsque les camps de réfugiés ont été démantelés (NdlR : par l’attaque de l’armée rwandaise, en 1996), j’ai fui dans la forêt. C’est la que j’ai recu une formation militaire », avant d’entrer dans les FDLR et de vivre dans leurs camps.

« Pour fuir, il faut se préparer secrètement, prendre seulement un bagage léger et bien préparer son itinéraire », ajoute le capitaine. Lui, il a fui avec sa femme et ses deux enfants d’un camp « dans la forêt près de Walikale », où il vivait avec sa famille.

Il est arrivé le 4 décembre à Mutobo, où on traite pareillement, dit-il, ceux qui sont rentrés volontairement et ceux qui ont été chassés du Kivu par l’opération militaire conjointe FARDC-Monuc « Kimia II ». Que va-t-il faire quand il rentrera chez lui, dans la Province du Nord ? « Chez nous, il y a peu de terres. Mais la Commission (de réinsertion) organise des formations de mécanicien que je voudrais suivre. »

A-t-il peur de rentrer chez lui après quinze ans d’absence ? « Non », sa famille est « déjà là-bas » et « contente » de savoir qu’il arrive. Sa femme a reçu du matériel de cuisine de l’Etat et de la nourriture en attendant son retour.

A-t-il peur d’une vengeance de ses anciens compagnons d’armes ? « Non. » Selon Jean Sayinzoga, 8 000 ex-FDLR sont passés par Mutobo « et nous n’avons pas eu un seul cas, pas un seul, de rescapé tué par l’un d’entre eux », même si les assassinats de rescapés du génocide se poursuivent jusqu’à aujourd’hui sur les collines. « Bien sûr », les ex-FDLR qui rentrent chez eux ne sont pas exempts de rendre des comptes s’ils ont commis des crimes durant le génocide. Certains sont accusés, « parfois même faussement », explique M. Sayinzoga, « par un parent qui ne veut pas partager les terres familiales ».

 

http://www.lalibre.be/actu/international/article/557630/les-fdlr-doivent-reapprendre-a-vivre-au-rwanda.html

Posté par rwandaises.com