Mario Roy |
En avril, mai et juin 1994, une forme particulièrement virulente de racisme, celui fondé sur l’appartenance ethnique, a fait 800 000 victimes au Rwanda. Beaucoup de celles-là périrent de façon particulièrement horrible: la machette devint alors une arme mythique. Comme on le sait, l’ONU fit alors ce qu’elle fait le mieux: rien.
Cependant, en ce même printemps 1994, le Québec, lui, se préoccupa beaucoup de racisme.
On se scandalisa du racisme sévissant… aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Japon. Des policiers montréalais furent accusés d’avoir prononcé des paroles racistes. Deux ans après avoir été créée, la désormais célèbre toile Femme aux bananes, montrant une femme noire portant des fruits, injustement taxée de raciste par des universitaires (de Concordia, oui, comment avez-vous deviné?), défrayait toujours la manchette. Et le Rwanda? Oui, le Rwanda, bien sûr, bien sûr…
Avec le recul, on apprend ainsi deux choses.
Un, il faut être diablement prudent quand on jongle avec le concept de racisme: l’antiracisme n’est pas d’abord une parure sociale destinée aux belles âmes. Deux, il faut hiérarchiser les situations… en s’intéressant d’abord et urgemment à celles où les haines raciale, ethnique et religieuse, qui relèvent d’une même pathologie, tuent en masse.
Or, on a rarement parlé autant de racisme qu’on ne le fait actuellement au Québec.
L’enquête du coroner sur la mort du jeune Fredy Villanueva s’instruit sur fond de soupçon de profilage racial – en clair: de racisme. Dans le même temps, la Commission des droits de la personne du Québec produit un document sur le profilage racial qui recense des témoignages de personnes «racisées», victimes d’un tel comportement. Et alors que s’achève la Semaine d’actions contre le racisme, la situation de la communauté noire, en particulier, est examinée lors d’un colloque où on signale notamment les inégalités de revenus dont elle est victime.
Enfin, après avoir toutes affaires cessantes enquêté à Montréal-Nord, une envoyée spéciale de l’ONU dépose, à Genève, un rapport accusant le Canada de pratiquer le profilage racial et la discrimination.
Ça fait beaucoup.
Certes, aucune population n’est totalement à l’abri de la tentation du racisme. Mais dans la lutte que font – ou ne font pas – les différents États à cette tare, le Québec apparaît comme singulièrement proactif. Peut-il faire davantage? Peut-être. Mais il faudra être prudent et bâtir un dossier plus circonstancié que celui, largement anecdotique, produit par la Commission des droits.
Par ailleurs, à Genève, l’expédition canadienne de Gay McDougall, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits des minorités, a été assez mal notée. Tant Ottawa que l’organisme indépendant UN Watch ont réagi. Ce dernier a signalé que, en cinq ans d’enquête, McDougall ne s’était intéressée à aucun – aucun! – des pays dénoncés par Freedom House comme étant les plus oppressifs en cette matière: elle a en effet consacré presque la moitié de ses énergies à des pays de l’Union européenne.
De fait, il est facile d’identifier une bonne douzaine de pays – dont ne fait pas partie le Canada – dont les minorités auraient, avant d’être décimées, un urgent besoin des services de l’ONU. Comme le Rwanda en 1994…
Prudence et hiérarchisation, avons-nous dit.
Posté par rwandaises.com