Les juridictions populaires gacaca, chargées de juger la plupart des auteurs présumés du génocide de 1994 au Rwanda, approchent désormais de leur fin, après avoir statué ces cinq dernières années sur le sort de plus d’un million de suspects. «Le processus sera officiellement terminé d’ici fin mars (…)», a indiqué Denis Bikesha, un responsable gouvernemental en charge du dossier.
Inspirés des anciennes assemblées lors desquelles les sages du village réglaient les différends, assis sur le gazon (gacaca en langue rwandaise, prononcer ´´gatchatcha´´), ces tribunaux devaient permettre de rendre justice et contribuer à la réconciliation post-génocide. L’initiative, unique en son genre, avait été en son temps critiquée par des organisations de défense des droits de l’homme, qui reprochaient aux gacaca de ne pas respecter les normes judiciaires internationales. Pour le gouvernement, il n’y avait pas d’autre solution, vu le grand nombre de personnes impliquées dans le génocide.
Les premiers procès-menés par des juges non professionnels, élus dans les collectivités locales- ont débuté en mars 2005. Le système repose essentiellement sur les aveux de coupables qui, lorsqu’ils sont complets, permettent de reconstituer le déroulement des tueries. Pour le ministre de la Justice, Tharcisse Karugarama, ces tribunaux populaires ont «mis fin à la culture de l’impunité». Dans les campagnes, les victimes et les tueurs, ou tout au moins leurs proches, vivent dans la paix. Ça c’est le signe que les gacaca ont fonctionné, assure M.Karugarama, qui concède cependant que la réconciliation est longue et «peut-être pas parfaite».
Dans chaque quartier, sur chaque colline, «les gacaca ont aidé à faire émerger la vérité», estime le ministre. «Il y a eu une libération de la parole», constate l’ONG Penal Reform International (PRI), qui se félicite de «l’appropriation (par les populations) du règlement du contentieux du génocide». Plus prosaïquement, les gacaca ont aussi permis de désengorger les prisons rwandaises, surpeuplées et insalubres, et d’améliorer par là même les conditions de détention.
Près de 58.000 personnes sont actuellement détenues (dont 34.000 pour des faits liés au génocide), pour 143.000 en 1998. «Il y a des éléments positifs: une partie de la vérité est apparue au grand jour sur la planification» du génocide, estime Theodore Simburudali, président d’Ibuka, principale association des rescapés. De nombreuses fosses communes ont été découvertes grâce aux aveux des suspects, contribuant ainsi au travail de deuil.
Les gacaca ont «joué leur rôle en accélérant le rythme des procès», selon M.Simburudali, qui critique cependant des difficultés légales, quand par exemple des juges étaient accusés «d’être proches des familles des criminels». «Mais nous ne pouvons pas punir tout le monde. (…) Victimes et coupables, il nous faut vivre ensemble», conclut-il. PRI regrette cependant l’accélération du rythme des procès à partir de 2008, et son impact négatif «sur la sérénité des débats».
Human Rights Watch (HRW) estime pour sa part que les autorités se sont servies des gacaca pour faire taire les opposants «en les accusant faussement de complicité de génocide». «Certains critiquent tout ce que nous faisons», rétorque le ministre de la Justice. «Mais à part une amnistie générale des génocidaires, ces gens-là ne nous ont jamais montré une meilleure alternative pour gérer un si grand nombre de procès».
R.I
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Posté par rwandaises.com